COMMENT se DIFFÉRENCIER grâce à l’écriture

(Interview de CALBO du groupe ÄRSENIK)

 
Calbo :

C’est Calbo, Ärsenik, Bisso Na Bisso sur la chaîne de Franck Maes : Le Disrupteur.

Franck :

En cet été de 1999, le sang de Villiers-le-Bel résonne dans La Londe les Maures. Petite ville du Var qui voit une bande de jeunes du 95, centre du monde, venir y passer ses vacances. Les mots de Calbo et Lino résonnent dans ma tête de jeune homme de 21 ans. Devenant accro au tempo du groupe Ärsenik, qui porte fièrement l’étendard du secteur Ä. 20 ans plus tard, je me retrouve dans les allées de Bercy pour assister au concert du collectif. Aux États-Unis, on a eu les Death Row Records. En France, on a eu le secteur Ä. Quelques années plus tard, qui aurait cru que j’aurai la chance de recevoir sur le fauteuil de la chaîne du disrupteur Monsieur Calboni M’Bani, alias le Done, alias le Donegal, alias Calbo du groupe légendaire Ärsenik.

Franck :

Bonjour Calbo ! Comment tu vas  ?

Calbo :

Bonjour, très bien.

Franck :

Super.

Calbo :

Très bonne intro.

Franck :

Je te remercie. Cet entretien va parler beaucoup d’innovation et de créativité parce que pour moi, Ärsenik, c’est un groupe qui a beaucoup innové. On va en parler plus tard dans l’interview en se basant sur ton livre. J’ai écouté bien évidemment « Quelques gouttes de plus » ainsi que l’album suivant. Il y a plusieurs choses qui m’ont surpris déjà dans ton livre. C’est que moi, quand je te voyais de l’extérieur, en tant que personne qui écoutait ta musique, je voyais quelqu’un de froid, de sombre, de comment dire : pas très gai. Mais quand j’ai lu le bouquin, j’ai beaucoup rigolé et j’ai beaucoup rigolé.

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Franck :

Il y a beaucoup d’anecdotes et c’est une autre facette de ta personnalité que j’ai beaucoup appréciée. Juste pour t’expliquer le contexte de cette interview, je vais te distribuer des photos et en fonction des photos, tu me diras ce qu’elles évoquent. Après, je rebondirais pour te poser une question qui est en rapport. On va commencer tout de suite avec la première question, on va parler d’un de tes coachs, monsieur Dominique Beer, parce que ce coach-là t’a beaucoup marqué. Le célèbre Dominique Beer.

Calbo :

Ouais, bien sûr. J’aurais pu en dire beaucoup sur lui, mais comme c’est le bouquin de la musique, voilà, j’ai un peu survolé. Il m’a beaucoup apporté un côté de l’US Saint Denis Football-Club.

Franck :

Attends. Tiens, je te donne cette première photo.

Calbo :

Voilà, Saint-Denis US mon club de cœur. Avec moi, étant un gars du 95 comme tu le sais, Villiers-le-Bel, quand tu commences le foot, tu fais le cursus en bas de la maison. J’ai joué à Villiers-le-Bel après dans la ville voisine Lyonnaise. Après, à Sarcelles. J’ai fini à Saint-Denis à l’US Saint Denis et c’est là que j’ai rencontré des entraîneurs de ouf qui m’ont apporté des trucs de fous dans ma vie.

Franck :

Tu as écrit justement dans ton livre, je me permets de citer des passages du livre que j’ai surligné. Je mettrais le lien du livre, bien évidemment dans la description. Je vous invite à le lire parce qu’il se lit d’une traite. Franchement, il y a plein d’anecdotes. Alors, tu écris : énièmes leçons. Quand tu taffes, que tu sais qui tu es, tu n’as pas besoin de prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. Le travail, c’est le travail, la vie, c’est la vie. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur cette philosophie ?

Calbo :

Ça, je l’ai dit et je le pense encore aujourd’hui. C’est-à-dire, moi, je suis en train en ce moment, je produis justement une petite rappeuse.

Franck :

Lor’A Yéniche.

Calbo :

Je lui dis : ce genre de choses. J’ai dit déjà nous, en tant qu’artiste, on a toujours travaillé, on s’est toujours fait sans penser aux gens, sans penser à qui dira quoi. Moi, j’ai vu un artiste faire son œuvre et puis il aime son œuvre parce qu’il le fait, et après, à lui de le faire aimer aux autres, mais non pas le contraire. C’est une philosophie que j’ai gardée encore aujourd’hui.

Franck :

Je vais te donner une seconde photo. J’étais obligé de passer par cette case-là. Obligatoire puisque comme il a été très important. Tu peux nous dire ce que t’évoque cette photo ?

Calbo :

C’est Kenzy, le capitaine du bateau, c’est le noir à lunettes, comme on disait métaphoriquement parlant. C’est celui qui a cru en nous, de celui d’où tout est parti. Aujourd’hui, je le dis : aujourd’hui encore, c’était facile pour nous de faire tout ce qu’on a fait, parce qu’avec Kenzy, qui était capitaine du bateau, pour lui tout était clair, tout était calculé. Il savait déjà depuis ce premier hall où on l’a rencontré et qui nous a fait sa tirade : arrêtez, n’allez plus bosser. Venez, moi, j’ai capté votre style. Nous, on ne l’avait même pas capté nous-mêmes, mais lui, il avait déjà capté. Il nous dit : venez avec moi et dans trois ans, boum !

Calbo :

Dans sa tête, c’était clair, précis. Tous les chemins qu’il nous avait indiqués, déjà il avait déjà tout balisé. Là, on a juste eu à suivre. Il nous a fait croire qu’on était les plus forts, les meilleurs. Après on l’a cru. Puis on est arrivé où on est arrivé. Mais pour lui, c’était clair et pour nous, c’était facile. C’est lui Kenzy, il est le chef du secteur Ä, le créateur.

Franck :

 L’homme à la chemise hawaïenne.

Calbo :

L’homme à la chemise rouge. Pour tous ceux qui connaissent Kenzy, c’est quelqu’un, j’ai beaucoup appris auprès de Kenzy, qui est arrivé à faire comprendre aux gens, croire aux gens ou comprendre aux gens que si tu ne suis pas tu n’as rien compris.

Franck :

Kenzy, c’est celui qui est à l’initiative du secteur Ä. Pour ceux qui ne connaissent pas le secteur Ä, c’est comme si vous ne connaissiez rien à la musique. Je suis très vindicatif. Je vais prendre des trucs méchants dans les commentaires, je le pense sincèrement.

Franck :

Je vais reprendre un autre passage de ton livre qui m’a beaucoup marqué. Il s’adresse à toi et à ton frère, bien évidemment, qui est le deuxième membre du groupe : Lino. Le deuxième membre du groupe Ärsenik. On ne va pas monter à Paris pour voir les maisons de disques. Ce sont elles qui vont descendre en banlieue pour nous voir. Ce qu’on peut dire clairement, c’est que Kenzy, il avait déjà clairement une vision qui s’avérait juste, mais à l’époque, tu ne pouvais pas savoir que ça s’est avéré juste.

Franck :

Pourtant, cette vision va aller à l’encontre de tout ce qui se faisait à l’époque. Puisqu’à l’époque ce n’était pas du tout ça. C’était plutôt les gens qui allaient voir les maisons de disques. Comment tu as fait pour adhérer à cette vision ? Et avec le recul, pourquoi tu penses que la vision est plus importante que le chemin ?

Calbo :

Tout simplement, un homme qui n’a pas de vision ne prend aucun chemin. Moi, je pense qu’un homme pour se faire et pour devenir quelqu’un, tu dois avoir des buts, des visions.

Après, te baser sur ta vision comme on dit, une certaine phrase dans un film célèbre : vises-en un et bute-le. Il y a plein de choses devant toi, vises-en une et bute-la.

Calbo :

Tu passes après étape par étape. Justement, lui, il nous avait apporté une vision. Avant d’être à l’initiative du secteur Ä, de créer le secteur Ä avec tous les groupes du 95 dont nous étions, il avait été manager du ministère A.M.E.R. Le ministère A.M.E.R, ils ont commencé avec NTM, IAM, tout ça. C’était un peu le groupe paria, ils n’avaient pas les ouvertures.

Franck :

C’était plus hardcore.

Calbo :

Voilà, il a mangé ces fermetures et s’est dit, ça a nourri peut-être le truc de dire : OK, vous n’ouvrez pas les portes. D’accord, nous, on va faire nos propres trucs et c’est vous qui allez venir à nous dans nos quartiers. Parce qu’à l’époque, si tu voulais avoir un écho, tu devais monter sur Paris pour voir les maisons de disques, pour négocier ta musique, les radios et tout ça. Peut-être que Kenzy, il a grandi avec ce truc en se disant : OK, vous me bloquez la route, moi, je vais créer mon truc et c’est vous qui allez venir à moi.

Franck :

Comment tu as fait justement ? Parce que tu étais jeune à l’époque. Il sortait un peu nulle part, tu ne le connaissais pas et lui, il parle de tout ça. Comment tu as fait pour adhérer à ça ?

Calbo :

Exactement, comme je le fais. On a commencé avec Dominique Beer. Moi, j’ai joué au foot très tôt.

Franck :

Avec un bon niveau, en plus.

Calbo :

Ouais, un bon niveau. Il est un entraineur et moi, j’ai grandi même si vous avez tous vos caractères, vos machins. Moi à l’époque quand Kenzy me parle, il me dit : laisse le boulot, j’ai entendu votre rap, il est méchant. Votre style, il est compliqué et les gens, ils n’ont pas trop capté. Moi j’ai capté. Vous devez habituer les gens à vous écouter. Puis dans trois ans, vous allez exploser, vous allez faire ça, ça et ça. Je l’écoute comme ça, mais de quoi il parle ? En fait il le disait tellement bien avec tellement de conviction.

Franck :

D’assurance.

Calbo :

Tu te dis : j’ai envie d’y aller.

Franck :

Parce qu’en plus, si mes souvenirs sont bons, à l’époque tu travailles et en plus tu es un peu payé avec le foot.

Calbo :

Bien sûr.

Franck :

Tu as plus à perdre.

Calbo :

J’ai un petit billet avec le foot, et j’ai un CDI en électrotechnique à Cergy d’ailleurs. J’ai ma petite voiture, je n’ai pas besoin de lui. Qu’est-ce qu’il me raconte. Parce qu’à l’époque, on était dans les quartiers, dans les cités en bas du bloc. Tous mes gars étant en bas du bloc, mais moi j’avais mon boulot tout ça, donc j’ai eu le foot. Non seulement je prenais un billet au foot, je prenais mon salaire. À la limite, c’était bien. Tout ce qu’il me racontait en vrai, ça ne me concernait pas. Surtout que le rap n’avait pas de vision à long terme, c’était un « hobbies », on s’amusait avec.

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Calbo :

Lui, il arrive en nous disant, il nous parle de disques d’or, de trucs. Qu’est-ce qu’il raconte. On est à Villiers-le-Bel. Au final, il le dit tellement bien que je me dis, je le regarde, je regarde mon frère.

Franck :

C’est ton petit frère, Lino.

Calbo :

Lino, c’est mon petit frère. Je me dis : vas-y, j’ai envie de faire cette aventure avec lui. Allons-y, on va voir plus tard pour le boulot, on va expliquer à la maman qu’on va aller faire du rap. Il s’est avéré que tout ce qu’il nous a dit avec autant de conviction, ça s’est avéré vrai.

Franck :

Il avait une vraie vision et c’est vraiment quelqu’un pour tous les gens qui vont regarder cette vidéo et qui ne connaissent peut-être pas le rap à ses départs. Parce que je pense qu’on est à peu près de la même génération et pour moi, c’était vraiment le début du rap. Kenzy, c’est une pierre incroyable à l’édifice du rap. Très discret, mais il a fait énormément de choses. Penchez-vous sur son parcours, allez le voir. J’ai le souvenir qu’il y a une très bonne interview de lui. Je mettrais le lien en ressources. Je vais te donner une autre photo. Une photo qui m’a aussi beaucoup marqué. Est-ce que tu peux me dire ce que tu penses de cette photo ?

Calbo :

Ça, c’est la pochette de l’album.

Franck :

Du premier ?

Calbo :

Très simple, du premier : Quelques gouttes suffisent. Notre premier album, tout en blanc d’ailleurs. Avec nos pulls, nos Sweet Lacoste, nos casquettes Lacoste, nos baskets Lacoste et nos 501 bruts cartonnés. Elle a l’air comme ça, très simple, mais elle nous représente bien. Elle représente bien l’état d’esprit et le moment où on était. C’est-à-dire on était bien habillé, beau gosse, mais on faisait les durs au quartier.

Franck :

Sorti des sachets.

Calbo :

Voilà, les saps sorti du sachet et d’où la simplicité du canapé qui était en vrai dégueulasse, mais on l’a vu à l’entrée.

Franck :

Attends. Tu vas le dire la suite. Excuse-moi de t’interrompre, je voulais vraiment citer le passage du livre, parce que ça dénote encore, pour faire raccord avec ce qu’on vient de dire, de la vision. Je vais lire ce passage du livre, il est un peu long, mais il est très important, je pense. À l’entrée du studio trônait un vieux canapé bien pourri. En fait, ils avaient rendez-vous pour faire la photo du premier album. Collé au mur, à côté de la porte qui ouvrait sur le grand entrepôt aux allures de décor de cinéma, il faisait un peu pitié.

Franck :

Dans l’espace prévu pour prendre les photos, un monde fou était en place. Le photographe et son staff, maquilleuses, assistants, etc. Il y avait beaucoup de monde. Rapidement, on a surtout senti que tout ce cinéma ne nous ressemblait pas du tout. Ce n’était pas nous, ce qu’on véhiculait alors, c’était plutôt l’esprit banlieusard, sans excès, sans maquillage ni fioritures.

Franck :

Face à toute cette agitation, on a appelé le photographe et on a quitté ce décor pharaonique. En speed, on a sorti de nos sacs, puis enfilé nos tenues blanches, Lacoste et nos Jeans, baskets neuves. Moi, ma casquette blanche, Lacoste et Lino son Bob de la même marque. À deux, on a bougé le canapé pour le placer devant un mur blanc. En s’assoyant, on a lancé un : fais une photo, prends la vite fait frangin. En appelant le photographe.

Franck :

Ce qui est très intéressant, et ce qui fait raccord avec ce dont on vient de parler, c’est encore cette histoire de vision. Parce que cette vision, vous l’avez eue également avec ton frère pour la pochette de l’album. Parce qu’on vous ramène tout un staff, on vous ramène un truc de ouf et vous vous dites : non, ça ne nous correspond pas. Comment tu fais pour sentir que quelque chose n’est pas raccord avec ton image ?

Calbo :

Encore aujourd’hui, on est comme ça. Je sais qu’avec mon frère, on va toujours vers la simplicité. On n’aime pas trop les complications, les trucs. Puis, on fait les trucs qu’on ressent. Moi, je pense que si tu veux faire bien, tu veux bien faire un truc, il faut faire le truc simplement que tu ressens. Bien sûr, là, on a suivi la grande vision de Kenzy. Kenzy, il aimait ce côté aussi que nous on avait. Ce n’est pas nous ça.

Franck :

Parce qu’il faut quand même l’imposer.

Calbo :

Bien sûr, la maison de disques avait apprêté quand même un endroit comme ça, les décors. 20 tenues comme ça, une styliste. On devait se changer plusieurs fois. On a dit : Non, c’est trop compliqué, ce n’est pas nous. Nous, on avait nos tenues qu’on avait pris chez mon pote Gap Sport, les tenues Lacoste. Allez, on a foutu nos tenues. On s’est posé sur le canapé, on a fait le polas, vas-y, fais un polas. Il a sorti la photo directe. On sentait qu’il y avait des assistants. Tout le monde était prêt à nous accueillir. Il le sort le polas, ça ressemble à ça en plus. Ça sort de son appareil, on regarde comme ça et on lui dit : tu vois là, tu mets juste Ärsenik en haut et c’est la pochette. C’est ça la pochette.

Franck :

Cette pochette en plus, elle est devenue mythique.

Calbo :

Elle est devenue mythique. Puis, on est resté sur ce concept.

Franck :

Parce que c’est un peu la suite avec le second album.

Calbo :

Ouais. On n’a pas fait de selfie, on est assis naturellement. Imagine-toi que le photographe qui devait nous photographier dans un grand studio machin extraordinaire avec tout le staff qui attendait dans le studio, on était à l’entrée en train de faire des photos devant le mur. Après, du coup, quand il a sorti le polas, il a fait plusieurs sur le mur avec le vrai appareil pour que ça soit propre devant le mur, avec le sale canapé. Nous, on dit : la photo, en fait, c’est nous, c’est nous qui faisons la pochette. On est en blanc, ne t’inquiète pas, ce sera propre. Mur blanc, tenue blanche et voilà.

Franck :

C’est marrant parce que vous êtes revenu à une forme de simplicité. Parce qu’on vous a ramené de la complexité et vous, vous avez ramené de la simplicité, mais qui vous ressemblait.

Calbo :

Quand tu vois dans la deuxième pochette de l’album, on a dû rester assis toujours tranquille, on ne se prend pas la tête.

Franck :

Vous n’étiez plus en Lacoste.

Calbo :

L’un était avec en Dior. On était dans une cave. Puis ça cassait des disques au sol et voilà.

Franck :

Je vais te donner une autre photo. Ça, c’est une photo qui m’est chère puisqu’elle est d’origine italienne, comme moi. Qu’est-ce que t’évoque cette photo ?

Calbo :

C’est AKH, Akhenaton, c’est les premiers groupes. Il y avait NTM, ministère A.M.E.R, IAM, Assassin, les deux groupes avant. Puisque si tu montes à l’époque avec les dynasties des Lionel D, ça, c’est la génération d’après et nous on est encore la génération d’avant. Mais eux, il y a à peine, on ne pensait même pas qu’on allait faire du rap, on les écoutait à la télé. Moi, j’ai toujours été fan du gars. Après, quand on était dans la grande épopée des compilations, on a pu le rencontrer avec les compilations « Première Classe ».

Calbo :

C’est là qu’on a rencontré le gars qu’on écoutait. On le voit en vrai, on a kiffé l’artiste et l’homme encore plus. Tu vois, un gars très simple. À l’époque des compilations, on s’est rencontrés la première fois, mais on dirait qu’on se connaissait depuis 20 ans.

Franck :

Sur le morceau « L’art de la guerre », c’est le premier volume de « Première Classe » si mes souvenirs sont bons.

Calbo :

Un gars très fort en rap. Le gars, il arrive à l’époque, c’était énorme. Le mec a un timbre de voix, une technique, tout ce qu’on aimait. Nous, on aimait l’écriture avec mon frère. Lui, c’était l’un des gars qui non seulement avec son timbre de voix, mais avec une écriture aussi.

Franck :

Akhenaton était très bon. D’ailleurs, j’ai écouté le podcast, sur un petit aparté, j’ai écouté le podcast de Driver qui est aussi en interview sur la chaîne. Ils ont fait 2 h de podcast avec IAM. Si vous avez l’occasion de l’écouter, si vous aimez bien IAM, allez écouter ce podcast. Pour rebondir sur cette photo, Akhenaton a écrit la préface de ton livre. Il a écrit : « La réussite dans le rap », c’était l’imitation du rêve américain que vivaient nos frangines et nos frangins outre-Atlantique. Les 4×4, les belles sapes, les bijoux. En quoi le rap, à ses tout débuts, n’avait pas vraiment d’identité propre par rapport à ce qui existait déjà aux États-Unis ?

Calbo :

En quoi le rap français ?

Franck :

Le rap français, bien sûr, n’avait pas d’identité propre. Parce qu’au départ, c’est vrai qu’ils copiaient beaucoup ce qui se passait.

Calbo :

Si je parle pour nous, justement, on est un peu sorti de ce cadre. C’est vrai que le rap français à l’époque était le cousin, le petit frère du rap américain. On regardait ce qu’ils faisaient aux États-Unis. Il y a même des groupes qui allaient là-bas aux États-Unis, qui s’imprégnaient de tout ça, qui nous l’ont ramené avec les tenues, les coupes, les coupes carrées, les cartes d’Afrique. Sur le coup, le vrai hip-hop.

Calbo :

Ils ont importé le hip-hop en France. Nous, on regardait ça de notre œil. On est une génération qui avons vu tout ça, tourner sur la tête, graffer, taguer, Hip. On a connu le hip-hop, on s’est imprégné de ça. On a voulu aussi être encore plus naturel que ça. C’est-à-dire que l’on connaît. On s’est imprégné du mouvement, mais on a fait un peu notre truc en le simplifiant et en faisant justement peut-être, je ne sais pas avec l’expérience, je peux te le dire aujourd’hui comme ça. Les prémices du rap français, c’est-à-dire que nous, on se sentait plus français qu’américain, d’où nos tenues. Nous, on n’était pas en foubou, on ne prenait pas les cartes, les tenues américaines.

Franck :

Ce n’étaient pas les baggys.

Calbo :

Nous, on était en Lacoste, marque française. Nous, c’était ça. C’était ça qu’on prenait, le quartier, la vie du quartier. Nous, ce n’était pas les trucs aux États-Unis, ce n’était pas les meufs, les trucs, les machins bling-bling, tout ça. On n’avait pas tout ça. On est parti sur ça. On a créé notre truc et notre rap, ce qui nous ressemblait.

Franck :

Ce que tu appelles, d’ailleurs, ce que vous appelez le kung-fu. Parce que souvent, dans le livre, tu parles de kung-fu.

Calbo :

Nos propres kung-fus.

Franck :

D’ailleurs, c’est marrant parce que la métaphore, elle est super bien trop trouvée parce que le kung-fu, c’est très technique et vos paroles sont très techniques. Je me souviens du premier morceau que j’ai écouté, et j’ai dit : Wow ! C’est technique. Il fallait le réécouter deux fois pour vraiment saisir toutes les différentes subtilités qu’il y avait dans les mots.

Calbo :

C’est pour ça, justement, même pour rebondir sur ça, c’est que sur l’écriture, c’est que Kenzy nous a remarqués par la première compilation qu’on avait fait en ayant une écoute technique. C’est-à-dire que lui, il nous a dit, il a écouté la technique qu’on avait donnée. Un truc que nous, on ne s’est penché pas là-dessus, mais on écrivait parce qu’on aimait les métaphores, les trucs, les mots compliqués.

Franck :

Vous étiez déjà fort quand même. Je ne sais pas si vous étiez bon en français à l’école ou en dissertation, mais ça se sent quoi. Dans tous les textes, ça se sent quoi.

Calbo :

Ouais, c’est-à-dire que nous, on n’écrivait pas juste comme on peut l’écrire aujourd’hui avec la génération « je crie ma rage » comme ça. Nous, on dit OK, je vais écrire ma rage, mais avec de la technique, avec des jeux des mots, de mots et tout ça.

Franck :

Le disrupteur, c’est votre chaîne YouTube. Une chaîne pour briser les codes de l’entrepreneuriat de masse, sans vie et sans créativité. Pour aller à contre-courant de la pensée dominante, des poncifs et des diktats imposés. Dans un monde marketing où la communication se clone à l’infini, il faut tirer son épingle du jeu pour attirer l’attention des clients. Plus les clones se copient, plus ils perdent en identité. On ne devient pas une référence sur un marché en copiant les autres acteurs. Sur cette chaîne, j’analyse l’image de marque d’entreprises, d’entrepreneurs, de personnalités de mouvement, d’événements qui marquent les esprits. J’ai créé cette chaîne pour vous donner les clés pour que vous puissiez vous différencier afin de devenir le leader de votre marché en étant innovant et créatif. Chaque vidéo me nécessite plusieurs jours de travail. C’est le prix à payer pour fournir un contenu de qualité. Pour continuer mon travail, j’ai besoin de vous. Si vous appréciez ces vidéos, abonnez-vous à la chaîne et activez les notifications en cliquant sur la cloche. C’est le meilleur moyen de me soutenir. Merci.

Franck :

Je vais citer plusieurs passages du livre parce que c’est un gros moment qui m’a aussi beaucoup intéressé. Avec Lino, on était toujours les deux gars de Villiers. Mais dans la rue, les regards semblaient différents. On découvrait ce que sont les fans. Le succès est incessant. On va voir ce que c’est pour ceux qui ne connaissent pas. À un moment, on s’est demandé, mais pourquoi on a utilisé cette putain de gimmick qui était un son emprunté ou entendu par Lino dans un morceau de Michael Jackson. Un son qui est devenu notre marque de fabrique. Au lieu de dire yo yo, comme beaucoup de rappeurs, avant de commencer à rapper, nous, c’était tchi tchi, avant de lancer nos textes et à la fin de nos phrases. Il est d’ailleurs présent dès le morceau balancé dans la compile. Donc moi, ce que je vois tout de suite avec ça, encore une fois, ça rebondit sur un point intéressant, et je l’ai remarqué tout le long du livre, c’est que vous avez su vous différencier, notamment avec ce qu’on appelle un gimmick.

Franck :

Pour ceux qui ne savent pas, c’est un procédé qui permet de provoquer un effet marquant. Donc là, c’est un effet marquant dans le rap, mais gimmick peut être aussi utilisé dans la publicité bien évidemment. Et il y a un autre passage qui m’a vachement intéressé. Je vais reprendre la page.

Franck :

Notre style éloigné du rap scolaire de l’époque. Ärsenik enchaînait les jeux de mots compliqués, les métaphores, les lyrics, ce rapide rappés par mon timbre de voix d’outre-tombe et la voix nasillarde de Lino, un rap complexe qui sortait du lot. On va rebondir sur plusieurs choses qu’on a dites. Vous aviez votre style tout en Lacoste qui était unique. Comme tu l’as dit tout à l’heure à l’époque, c’était vraiment des baggys et ça peut paraître dérisoire aujourd’hui de regarder cette pochette-là. Mais à l’époque, être habillé tout en Lacoste, les gens de banlieue s’habillaient tout en Lacoste, mais de ce qu’on voyait, de l’image des rappeurs qu’on voyait, ils n’étaient pas habillés tout en Lacoste. Vous aviez vraiment amené ça.

Calbo :

Rectifie le tir. Les gens de banlieue ne s’habillaient pas en Lacoste. On a ramené, peut être dans l’excès pour certaines personnes, on ne sait pas, mais nous, on le voyait pas. On a vraiment joué le truc dans l’excès, c’est-à-dire dans notre coin. Puis, le propre du banlieusard, c’est de rester dans son quartier. Donc on ne voyait pas les autres quartiers, on était là en bas, c’est toute la journée, à demain. On a kiffé le Lacoste dès la première pochette de l’art d’utiliser son savoir. On était tout en Lacoste, en bas du bâtiment. Avant justement de gagner de l’argent et d’en abuser après dans l’excès. Quand tu vois, le clip « boxe avec les mots », tu ne vois que ça. C’est une pub à la gloire de Lacoste.

Franck :

Vous leur avez fait gagner beaucoup d’argent.

Calbo :

Ouais, je pense que c’est là d’où tout est parti. Dans les banlieues en commençant par les gars qui nous kiffaient. Quand tu kiffes quelqu’un, tu veux le survêt complet, la tenue complète de Tonga. C’est là où il y a eu une razzia dans les magasins Lacoste des banlieusards.

Franck :

Pour rebondir, si on prend le gimmick, si on prend la tenue Lacoste, on sent tout le long du livre une envie de se différencier. Et là on va revenir sur un autre point à un moment puisqu’on va parler de Bisso Na Bisso, même si on aura une question spécifique sur ça. Parce qu’on est obligé de parler du Bisso Na Bisso parce que c’est une partie importante du livre.

Franck :

Je vais réciter un passage du livre où tu dis : fais un truc que les autres n’osent pas faire et tu gagneras à tous les coups. Résumé, c’est que dans votre musique, vous êtes différent, vous avez votre style vestimentaire, vous avez votre style de musique, votre style de rap. Pourquoi tu penses que c’est indispensable de se différencier, quitte à prendre des risques ? Parce qu’on peut le voir plusieurs fois dans le livre, tu as pris des risques et aussi avec le groupe, vous avez pris des risques. Si tu aurais un conseil aux personnes qui regardent cette vidéo, d’ailleurs c’est plutôt une audience d’entrepreneurs qui suit cette chaine YouTube, ce serait quoi le conseil que tu pourrais leur donner pour se différencier ?

Franck :

Première question : comment tu as fait pour te différencier ? Comment tu fais pour travailler ça ? Et deuxième question : si tu avais un conseil pour travailler justement la différenciation ?

Calbo :

Tout simplement parce que si tu es le premier, tu seras toujours le premier. Si je cite des exemples connus peut-être par les jeunes aujourd’hui ; Booba, Jul, Stromae, tu peux prendre un Sopra aussi, à l’époque, tout le monde rappait, mais lui, il avait toujours son style chanté. Et jusqu’à aujourd’hui, il a poussé son chant au max et il est tout seul dans sa catégorie. Stromae, il rappait avant, mais quand il a commencé à faire ses trucs avec un peu plus de danse : alors on dance, il sort de la masse. Quand tu sors, il y a la masse de musique. Beaucoup de rappeurs font de la trappe, rappait à l’époque. Mais nous, le fait de se différencier, de ne pas avoir les tenues comme les autres, de faire nos gimmick, notre rap compliqué, machin a fait qu’il y avait le rap, nous et Ärsenik.

Calbo :

Quand tu sors de la masse, il y a une masse qui te suit, donc tu crées tes aficionados qui disent : OK, vous aimez le rap, mais nous, on aime l’Ärsenik. Vous aimez cette musique, mais nous, on adore Stromae, les gens qui ont Stromae. Comme les deux frères aussi, Jul, quand il est arrivé, sa musique.

Franck :

Est-ce que tu parlais des PNL, par exemple ?

Calbo :

PNL. Tu vois, ce sont des groupes comme ça qui quand tu sors du lot, tu ne suis pas le chemin, tu sors un peu des sentiers battus. C’est sûr qu’une partie du public va te suivre et peut rester avec toi jusqu’au bout. Moi, je prône ce truc et non lavée naturellement. Après, bien sûr, on a nourri le truc de cette différence. On se disait toujours : si on est présent devant une caméra ou sur scène, les habits doivent sortir des sachets. Les baskets sont neuves, blanches, on a nos gimmick, toujours. Quand tu nous vois, il faut que ça fasse.

Calbo :

On avait ce truc que les Américains font très bien, que Booba a su tenir jusqu’à aujourd’hui. Booba, c’était un gars de notre génération. Mais aujourd’hui, s’il est encore là aujourd’hui, c’est qu’il a marqué le truc. Lui, il avait déjà à l’esprit Kaaris, déjà à l’époque, qui était basé sur l’image, les tatouages, torse nu. Il avait compris le truc déjà. Lui, justement, il est premier dans ce rap qui est chanté, un peu mélodieux avec les vocaux.

Calbo :

Aujourd’hui, il y a Booba et les autres. Aujourd’hui, le style de Jul, beaucoup de mecs le reprennent. Mais il y a Jul et les autres. Donc on dira toujours : tu fais une musique style Jul. Nous, c’était un peu plus compliqué pour dire tu fais du Ärsenik. Il y en a qui ont tenté un peu, mais c’est plus compliqué avec des 32 mesures, on écrivait des trucs très longs et très techniques. Quand tu arrives à faire ça, quand tu es artiste et tu nourris cette différence, moi, je pense que c’est là où tu peux créer un truc. Au pire des cas, personne ne va te suivre, au meilleur des cas, tu vas te créer une communauté qui va te suivre jusqu’au bout.

Franck :

Est-ce que tu pourrais donner un conseil, toi, justement, sur cette différenciation ?

Calbo :

Justement, c’est ça. Il ne faut pas avoir peur de la différence. Il y a beaucoup de gens quand tu sors des sentiers battus, c’est-à-dire quand tu es un artiste, tu vas arriver, tu ne vas rien inventer. Mais tu peux inventer dans ce qui se fait. C’est-à-dire qu’il y a une tendance, tout le monde te dira : suis la tendance. Non, la tendance, c’est ça. Aujourd’hui, c’est comme ça. Non, fais autre chose, où fait ce qui se fait aujourd’hui, mais différemment. Peut-être que là, tu arriveras à sortir du lot. On te voit, il faut qu’on te voie dans la foule.

Calbo :

Nous, c’était ça le délire. Même sur scène quand, nous, on arrivait sur scène pour un concert et au moment où on arrivait, il se passait quelque chose. Et là, tu te dis dans les tenues, dans le bruit, dans le machin, dans l’énergie. Même quand tu vois les NTM, quand ils arrivaient sur scène, c’était différent. À partir du moment où tu nourris un truc, tu apportes un truc différent. Le conseil que je pourrais donner à quelqu’un, c’est justement se différencier de tout ce qui se fait. C’est la meilleure des choses parce que tu vas créer une communauté qui va te suivre.

Franck :

OK. Je te donne une photo.

Calbo :

Alors les Bisso Na Bisso, voilà.

Franck :

Qu’est-ce que ça t’évoque cette photo ? Il y a plein de choses, je pense qu’il y a plein de souvenirs.

Calbo :

Je te jure. Sept bonshommes et une fille. Ouais, ça évoque beaucoup trop de trucs. Bisso Na Bisso, là, on parlait de Calbo, d’Ärsenik. Grâce à ce groupe, Bisso Na Bisso, il y eut aussi Calbo du Bisso Na Bisso.

Franck :

Ce n’est pas les mêmes ?

Calbo :

Ce n’est pas les mêmes, ouais. C’était un truc en plus. C’était facile de faire Calbo d’Ärsenik et Calbo du Bisso, c’est un peu une découverte. On replonge un peu dans l’Afrique originelle, on vient d’Afrique, tous, du Congo. Encore une fois, je le raconte dans le livre, rien n’était prévu. Nous, on a fait ce groupe Bisso Na Bisso, qui veut dire : entre nous, tous ensemble, si tu veux (Clip). On l’a fait pour répondre aux guerres qui se passaient dans notre pays. C’est des guerres ethniques.

Franck :

Congo ?

Calbo :

Voilà, Congo Brazzaville. Il y a du pétrole tout ça. On s’est dit : bon, on est des artistes, on a un micro, on nous écoute, à Skyrock, on tourne non-stop avec nos groupes respectifs. On se réunit, on cherche qui sont les Congo Brazza dans la musique. On a répertorié. On avait Ben-J, c’était facile. On a commencé par le secteur Ä, Passi, Ärsenik, Congo Brazza, Ben-J des Nèg’Marrons au Congo-Brazza. J’ai dit : tiens les deux balles, ce n’est pas mal dans le ce qu’on disait de Congo Brazzaville. Ah ouais. On les appelle Mistic. Il est bien Congo-Brazza, lui aussi. OK, on l’appelle. Et M’Passi, la petite de mes grooves, cousine de Passi, Congo Brazza.

Franck :

Le groove, je ne me souvenais plus, M’Passi, c’est vrai.

Calbo :

Elle rappait en plus à l’époque. On s’est réuni et on a monté ce groupe pour un morceau, ah ! Les deux. On a fait un premier morceau qui s’appelait l’Union ou l’Union du peuple congolais (Music).

Calbo :

On chantait : arrêtez vos guerres, regardez, on est tous ensemble non pas différents, arrêtez ça. On peut se réunir, tous congolais, tous un. On fait un deuxième morceau pour s’amuser parce qu’on était en studio et c’était facile pour nous de faire du Bisso Na Bisso. La musique qu’on écoutait tout le temps à la maison, la musique africaine mixée avec le rap qu’on pratiquait tous les jours. Et on fait écouter ça, après diffuser ce morceau pour qu’il y ait une résonance au pays, pour que les gens écoutent. Quand ils écoutent ça, à l’époque, ça ne se faisait pas.

Franck :

On va y venir justement.

Calbo :

C’est là que tout est parti, qu’on s’est enfermé et qu’on a fini par faire un album. Bisso, c’est devenu un groupe de fou, à part entière pour l’ampleur que ça a prise. Ça nous a ramené encore plus de public qu’on ne touchait pas. Nous, c’était très banlieusard, quartier.

Franck :

C’était technique aussi.

Calbo :

Ouais, compliqué. Et là on en a fini avec les mamans, les enfants. Tout le monde était dans le Bisso.

Franck :

C’est très fédérateur. On ne pouvait pas faire cet entretien sans citer les membres du Bisso Na Bisso : D.O.C. TMC et G. Kill, qui sont les deux membres, deux balles. Pour ceux qui connaissent Ben-J, M’Passi, Mystic et bien évidemment ton frère Lino et Passi qui était initiateur du projet, donc Bisso Na Bisso. Dans le livre tu écris quelque chose qui est très intéressant, tu dis : le rap afro n’existait pas et je me souviens que beaucoup autour de nous se montrait sceptique sur ce style de combinaison.

Franck :

Là encore, ça a été un succès incroyable. Pour ceux qui ne connaissent pas Bisso Na Bisso, je vous invite à écouter les deux albums. Ils sont vraiment très bons. J’ai ma petite préférence pour le premier, mais chacun a ses préférences. Je vous invite à écouter les deux albums. Le projet, aujourd’hui le rap afro, il est partout. On entend, c’est partout. Il y a Mokobé aussi qui avait beaucoup fait du rap afro. Après, il y a eu MHD et maintenant on sent toute cette tendance.

Calbo :

C’est rentré dans les veines.

Franck :

Exactement, c’est peut-être même ce qui est commun. Qu’est-ce qui t’a fait dire que ça fonctionnerait lorsqu’on t’a parlé du projet ? Parce que c’est vraiment quelque chose de très différent, un de ce que tu faisais et deux, ce qui existait.

Calbo :

Tout simplement, ce n’est pas dit. Ce n’est pas dit que ça allait marcher, mais on s’est dit : on le fait.

Franck :

Pour le kiff ?

Calbo :

Ce n’est même pas pour le kiff. Comme je te l’ai dit : c’était pour répondre aux guerres qu’il y avait dans notre pays. On s’est dit : pour avoir la résonance, on va prendre les musiques de notre pays, le Congo-Brazza, les sebenes, les guitares africaines, les musiques de nos parents pour toucher les gens du pays. À la base, au départ, c’était très communautaire. On va faire une musique qui est différente de ce qu’on fait, nous, pour toucher nos frères en Afrique, au Congo. Quand on nous propose de faire un album Bisso.

Franck :

Ça veut dire quoi Bisso Na Bisso ?

Calbo :

Tous ensemble, entre nous, tous ensemble, on peut le dire comme ça. C’est original. Quand Laurent Boulot, on lui fait écouter pour qu’il diffuse. Quand on lui fait écouter pour qu’il diffuse dans sa radio et qu’il dit : ah ouais, mais vous devriez faire un album, pourquoi vous ne faites pas un album ? Nous, on n’avait pas pensé à faire un album. On avait nos groupes en tournée. Déjà, on était en train de se poser des questions sur nos propres groupes. On nous dit : mais on n’est pas censé être un groupe. On vient de se parler, on a fait un morceau, basta. OK, on se regarde. Qu’est-ce que vous en pensez ? Je me dis : écoute, à l’époque, Passi a eu une grande maison avec un studio en dessous. On s’est dit : écoute, c’est les vacances. C’est bientôt le mois d’août, on s’enferme. Un mois là-dedans, un mois et demi et on fait un album.

Calbo :

C’était facile pour nous de faire Bisso parce qu’écrire dans nos groupes respectifs, on avait des couplets de 30 mesures. Là, c’était 8 mesures chacun, 4 phrases, c’est bon. Donc on va y aller. On a pris Djimi Findus, qui avait fait l’album.

Calbo :

Djimi Findus, quelques beatmakers. On leur a dit : le cahier des charges, c’était des musiques afro avec des sonorités du pays. N’hésitez pas à faire des reprises et vous mettez ça avec vos beats de rap et nous, on fait le reste. Ça s’est passé comme ça. On s’est trouvé dans la maison de Passi à 5 h du matin. Celui qui a une idée, il descend en studio, il y avait des engins qui étaient là, qui tournaient. Nous, on écrivait tout de suite, on posait : j’ai une idée, ce morceau m’inspire, ça descend, ça discute et on a fini avec l’album comme ça en entier des Bisso Na Bisso.

Franck :

Très bon album. Moi j’ai vraiment kiffé cet album-là. On va continuer l’interview avec une phrase qui, pour moi, on pourrait remplacer un des mots d’une phrase par plein de choses, tellement, moi, elle m’a marqué cette phrase-là. C’est : qui prétend faire du rap sans prendre position ? Pas nous en tout cas. Raconter notre quotidien et celui de notre entourage, les réalités de notre environnement avec conviction et rage, s’est dès les premiers textes imposé comme notre priorité numéro un. Donc, qui prétend faire du rap sans prendre position ? (Clip)

Franck :

Aujourd’hui, on va rentrer un petit peu plus dans le débat parce que je trouve ça intéressant d’avoir ton point de vue sur ça. Le rap est aujourd’hui la musique la plus écoutée en France. En gagnant le combat de la notoriété et de la démocratisation, parce qu’à votre époque ou plutôt à notre époque, on va dire, parce que je pense qu’on est de la même génération. Ce n’était pas le cas. Aujourd’hui, il a gagné ce combat-là. Le rap, est-ce qu’il n’a pas perdu un peu de son essence, justement, en gagnant ce combat-là : de la démocratisation et de la notoriété ?

Calbo :

Ou est-ce qu’on n’a pas voulu le blesser dans sa virulence et sa direction. Sa première direction ? C’est-à-dire que quand on dit cette phrase qui prétend faire du rap sans prendre position, c’est oui. À la base, le rap, à proprement dit, ce n’est pas juste pour se divertir. Le rap, à la base, c’était aussi pour dénoncer, la voix des sans voix. Si tu prends le micro quand on fait Bisso Na Bisso, c’est pour dénoncer les guerres en le faisant, en rappant. Le rap servait à ça à la base. On pouvait aussi s’amuser parce que le rap, c’est le reflet. Pour nous, c’était le reflet de la vie. Tu me coupes si je me trompe, la vie est difficile en ce moment.

Calbo :

Pour nous, il y a des sujets à foison, des thèmes à foison qui serait magnifique pour le rap en ce moment, mais qui ne sont pas utilisés. Aujourd’hui, le rap que tu écoutes : nombriliste, c’est fait pour divertir. Ça ne ressemble pas à ce qu’on vit dehors, et nous on se disait : si on a fait du rap, c’est pour raconter la vie qu’on vit tous les jours, la vie de ton cousin, de ta mère. C’est pour ça qu’on a été, je pense, aimé dans tous les quartiers parce que la vie qu’on décrivait, c’était celle qui était le quotidien de tous les quartiers.

 

Qui prétend faire du rap sans prendre position ? Aujourd’hui, encore je le pense en me disant que tu peux prendre ton micro. Si vraiment tu veux faire du rap, si vraiment c’est du rap que tu fais, tu es obligé à un moment donné de prendre position et de raconter le quotidien des gens.

Calbo :

Tu vois, aujourd’hui on vit comme je disais. Là, je repars avec un EP pour ce livre. Quelques gouttes de plus, et le EP aussi s’appellera : « Quelques gouttes de plus ». Je parle de morceaux dedans, dans le livre, qui ne sont pas sortis, que j’avais fait à cette époque qui ne sont pas sortis. Je les ressors dans ce cd EP « Quelques gouttes de plus ». Mais pour rebondir sur ta phrase, qui prétend faire du rap sans prendre position, j’ai fait un morceau qui va présenter justement le EP, qui s’appelle en plus : j’écris. Ce morceau, je dis : le pourquoi du comment un rappeur écrit. Moi, j’écris pour ça, j’écris bien pour dire les choses. Je parle de ce qu’on vit aujourd’hui avec ce schmilblick de Corona.

Calbo :

On prenait des micros pour parler. Dans l’album solo de Lino, Requiem, on a fait un morceau Ärsenik qui s’appelle : « ne m’appelle plus rappeur ». Ça voulait dire que ça voulait dire. Ça veut dire si le rap, si pour vous, ça, c’est du rap ou ça ne dénonce pas, ça ne dit rien ou ça ne parle que des kalach et de l’argent facile, les machins, les meufs, les trucs, grosses voitures. Tu vas le dire dans un morceau ou deux. Mais si pour vous c’est ça en plus, c’est encore plus pour le style qui est aujourd’hui où tous les couplets sont chantés, machins, aujourd’hui c’est classé dans le rap. Le rap c’était un exercice de style avant tout. Si tu rappes, tu rappes.

Calbo :

Dans ma vie, je ne m’appelle plus rappeur. On me dit aussi : non seulement tu vas rapper, mais quand même dénoncer un peu des fois avec tout ce qu’il y a. C’est pour ça. La définition du rap, si je dois en donner une, c’est quand même pour dénoncer. Après aussi, tu peux t’amuser avec le rap, mais c’est beaucoup trop fait en ce moment. C’est le reflet de la vie, c’est le reflet de la société.

Calbo :

Aujourd’hui, on vit dans une société qui est plus nombriliste, qui est plus centrée sur soi-même. Tu vois, les influenceurs. Ça se retrouve dans nos textes. On nous pousse justement à ce truc et ça se retrouve dans les textes d’aujourd’hui. Alors que nous, à l’époque, c’était beaucoup d’unité. Le hip — hop, c’est l’unité, c’est tous ensemble. On avait ce truc, on parlait pour les quartiers parce qu’on est de ce rap où on veut l’unité.

Franck :

Je ne sais plus qui est le rappeur qui disait ça. C’est : un flow pour tous, tous pour un flow. C’est vrai que, moi, c’est quelque chose qui me surprend. Je ne vais pas faire le vieux parce que j’écoute encore du rap. Ce serait faux de dire que je n’en écoute pas, mais j’écoute.

Calbo :

Ce n’est pas vieux. C’est qu’on a grandi avec cette musique.

Franck :

Oui, c’est ça. Puis excuse-moi, ce qui me surprend, je reprends l’exemple d’Ärsenik. Quand tu écoutais du Ärsenik, c’était du Ärsenik. Alors que maintenant, quand tu écoutes un groupe, n’importe quel groupe, ça ressemble à un autre groupe. J’ai l’impression que les réseaux sociaux ont vachement dilué cette différence qu’on pouvait avoir.

Calbo :

Ouais. À l’époque, tu écoutas FF, tu écoutais Rocca.

Franck :

C’était leurs styles.

Calbo :

C’était leurs styles. Il avait des gens qui ne se ressemblaient pas. On jouait beaucoup là-dessus, la différence était à l’époque.

Franck :

Chacun voulait avoir son flow.

Calbo :

Voilà, tu écoutes Oxmo. Personne ne rappait comme Oxmo.

Franck :

Tu aimais ou tu n’aimais pas, mais c’était son style.

Calbo :

Jekyll arrive avec sa voix nasillarde. Chacun avait son style.

Franck :

Je vais reprendre un autre passage de ton livre. C’est au Congo, après une discussion avec un sage. Tu en tires ses conclusions : affronter l’extérieur, rencontrer l’inconnu, des personnes différentes, ça t’enrichit. Un con n’est pas né con, un raciste n’est pas raciste. Je pense qu’il y a du bon et un truc à apprendre chez tout le monde, à commencer par nous-mêmes. Souvent, on s’oublie pour la famille, pour les autres, pour les gens, oui, les gens. Aide-toi d’abord, apprends, deviens fort, et après aide les gens grâce à ton expérience du combat. C’est la dernière chose que ce vieux sage m’ait dite.

Franck :

Si tu veux bien partager parce que c’est quelque chose que je n’ai pas vu dans le livre. Je fais toujours en sorte de faire des interviews un peu différents de ce que tu as eu. Tu as eu plusieurs interviews. Donc moi, j’aimerais bien que tu nous partages, si tu le veux bien, bien évidemment. Quelles sont les épreuves que tu as traversées qui t’ont rendu plus fort, parce que tu parles de combat ? Et pour toi, c’est quoi être plus fort ?

Calbo :

Pour moi, c’est quoi être plus fort ?

Franck :

Enfin, on commence par les épreuves.

Calbo :

Les épreuves, déjà tu es noire en France. Déjà, c’est une épreuve. Tu es noire en France, donc on peut te dire ce qu’on veut. Il y a beaucoup de gens qui disent, quand tu prends Benzema, sa phrase à lui : Deschamps a répondu à une partie raciste de la France. Il n’a pas dit que la France était raciste. Il a dit : une partie de la France, une partie comme on le voit aujourd’hui. Il ne faut pas se cacher, arrêtons de se mentir, parlons clair, disons la vérité. Il y a des gens qui sont racistes et moi-même, quand tu as commencé ma phrase en me disant : pour moi, un raciste n’est pas né raciste.

Calbo :

Quand je vois un raciste, pour moi, c’est triste pour lui. Ta vision, elle est : tu as le temps d’être raciste toi ? Je n’ai pas le temps, je n’ai pas le temps de ne pas t’aimer. Moi, j’ai ma vie à faire, c’est déjà compliqué. Tu as le temps d’être raciste, tu as le temps de penser à l’autre ? Nourris ta femme, embrasse ta femme, tes enfants. Le mec a le temps d’être raciste, il galère dans sa vie. Donc, pour revenir à la question, je ne me suis pas souvenu de la question.

Franck :

C’est quoi les épreuves, les épreuves que tu as traversées ? Tu parles de combat et de te rendre plus fort. C’est quoi les épreuves que tu as traversées pour te rendre plus fort ?

Calbo :

Moi, je pense que dans la vie d’un homme, tu vas traverser plein d’épreuves. Plein d’épreuves, tu vas te séparer, les séparations avec la mère de mes enfants, le racisme, je le raconte dedans. On a vécu aussi le racisme dans le quartier, tu n’as aucune vision. Tu te fais toi-même. Mon père est décédé. Vous êtes là dans la vie, vous vous retrouvez famille nombreuse. Ta mère travaille, vous êtes là au quartier, il faut faire quelque chose. Il faut rentrer de l’argent.

Calbo :

C’est une vie un peu système D, et c’est ce que vivent beaucoup de gens dans les quartiers aussi. C’est le système D. J’ai un morceau que je n’ai pas mis dans mon EP, mais je pense que je vais enchaîner le EP où je chante un morceau avec Kamelenouvo. C’est un petit du quartier qui est très fort, je trouve.

Franck :

Aucun rapport avec Kamel l’ancien ?

Calbo :

Aucun rapport.

Franck :

C’est Kamelenouvo.

Calbo :

C’est Kamelenouvo. Il est magnifique ce petit. Il faudrait l’écouter. Dedans, on a fait un morceau. On a fait un ensemble qui s’appelle : je fais des tours de magie. C’était ça, nous, on se disait : on fait des tours de magie et je ne sais pas. Le frigo est vide, je vais descendre en bas, je vais remonter, le frigo sera plein. Comment tu as fait ? Des tours de magie. Mais tu n’as même pas d’argent. Ouais, mais on se débrouille. C’est ça, c’est des épreuves de la vie. Pourquoi elles nous rendaient plus forts ? Moi, je dis des gars du quartier : pourquoi ? J’ai un morceau où je dis dans le EP justement : le quartier, ça m’a appris beaucoup de choses, mais surtout rendu plus costaud. C’est des épreuves de la vie qui font que tu deviens plus costaud à chaque fois que tu tombes. Chaque fois que tu vas te relever, tu seras plus costaud.

Calbo :

Il y a beaucoup de gens qui tombent et qui s’effondrent, finissent dans la drogue, mort, malades. Ou des gens, des crises, des machins, des meufs qui se butent, des gens qui se suicident, et ceux qui restent forts malgré les épreuves, tu te relèves à chaque fois. Ces épreuves-là ont fait que de la vie que j’ai eu, pour moi, ça m’a renforcé. À chaque fois, je me relevais de chaque épreuve plus forte, toujours plus fort. En restant comme ça, en s’habituant à se relever, à un moment donné, tu es une machine de guerre.

Calbo :

Quand je dis les séparations, pourquoi les séparations ? Souvent, on parle des femmes seules, qui doivent élever leurs gosses. Tout ça, c’est très dur. On n’en parle jamais, des fois ça va bien. On connait une séparation, c’est une séparation. On peut dire, c’est banal. Mais il y a des hommes aussi qui en se séparant de leurs enfants, ils ne sont pas bien. Surtout quand tu étais un papa poule, tout ça et tu n’es plus là avec tes enfants, c’est quand même une souffrance. Mais il faut se relever de ça et se dire : bon, pour moi, dans chaque épreuve, j’ai toujours pris le bon côté du truc. Même dans la souffrance, on apprend beaucoup.

Calbo :

Dans cette épreuve, si tu te relèves, tu seras plus fort si tu comprends le pourquoi du comment. Pourquoi je dis ça si je n’ai pas le temps ? Souvent on dort avec les problèmes des autres. Tu as dormi avec les problèmes de tout le monde ? Tes propres problèmes plus ceux des autres. Mais à un moment donné, tu vis quand ? Donc à un moment donné, il faut se relever et vivre. Justement moi, je préfère qu’un mec qui m’épaule, il soit bien sans se recentrer sur lui-même, fort. On va affronter le monde en étant plus fort. En étant faible, stressé, machin. Tu imagines les soldats durant la guerre, stressé et faible, je ne vais pas bien. Tu ne gagnes aucune guerre comme ça.

Le disrupteur

Ouvre les yeux. Regarde ce qu’il y a dans ta main. Tu sais ce que c’est ?

Calbo :

Qu’est-ce que c’est ?

Le disrupteur

C’est l’œil d’Agamotto de Docteur Strange. À l’intérieur, il y a la pierre du temps qui te permet de retourner dans le passé. Qu’est-ce tu dirais au toi d’il y a 30 ans.

Calbo :

Merci. Qu’est-ce que je dirais au Calbo de quinze ans ? Si j’avais la possibilité de revenir dans le passé, comme Docteur Strange il l’a fait, je le fais. Avec le Calbo de quinze ans, j’aurais plein de conseils à lui donner. Aujourd’hui, je le fais avec mon fils qui, lui, aujourd’hui a 20 ans. Des fois, je réfléchis, je me dis : j’aurais aimé, moi, avoir un Calbo qui me dit tout ce que je dis à mon fils aujourd’hui. Je l’aurai dit, au Calbo de quinze ans.

Calbo :

Moi, quand j’avais quinze ans, quand on me disait : qu’est-ce que tu vas faire quand tu seras plus grand ? Je disais : je ne sais pas, mais je ne serais pas pauvre. J’étais sûr que je ne serais pas pauvre. Après, on peut parler de qu’est-ce que la richesse. Pour moi, je disais toujours : je ne serais pas pauvre. Je ne sais pas ce que je vais faire. Il faut savoir que dans les cités, quand tu veux aller dans les cités, la manière dont c’était fait, le bloc, tout ça. Tu as l’impression que tu es bloqué. Ton esprit est bloqué. Même un gars du quartier qui traine en bas, il ne va pas plus loin que la gare. Tu ne vois pas s’il prend le train. Quand tu vas prendre un grec à Paris, on dirait que tu es parti aux États-Unis.

Calbo :

Je dirais au Calbo : n’aie pas peur, vas-y, fonce, même tout seul, pars. Tu vas tomber plusieurs fois, mais tu vas te relever, comme on en parlait tout à l’heure. Au contraire, tu apprends plus vite. Il ne faut pas avoir peur de partir, pour découvrir le monde et revenir plus riche de tout ce que tu as fait. Nous, on l’a fait grâce à la musique. Mais comme là, j’ai quinze ans, donc du coup j’ai arrêté. Je suis dans le foot, j’apprends. Le fait même de jouer au foot m’a fait grandir plus vite parce que j’ai joué très tôt en équipe senior alors que j’étais encore mineur. Tu apprends tous les jours, mais tu apprendras tous les jours. Je dirai à ce Calbo.

Calbo :

Surtout, n’aie pas peur de tomber et te relever. Fais ce que tu dois faire sans penser au regard des autres. Fais, devient un faiseur. Je dirais à ce petit Calbo de quinze piff : deviens un faiseur. Aujourd’hui, on va toujours te pousser vers l’école, apprends. Après suis un cursus, le travail, le machin. Je dis : Non. Deviens toi-même un travail, s’il le faut. Souvent dans les quartiers, on te dit : je suis noir, arabe, tout ça. Les portes sont fermées, il n’y a pas de vision pour nous. Non, si tu n’as pas de vision, crées ta propre vision, et deviens ce que tu veux être. Je dirais à ce Calbo : tu peux arriver à être ce que tu veux, mais seulement si tu le veux.

 

Si tu ne réussis pas ta mission, c’est juste parce que c’est toi qui a voulu l’arrêter et personne d’autre. Donc si tu veux avoir quelque chose, va jusqu’au bout et tu l’auras.

Calbo :

Voilà ce que je dirais au petit Calbo.

Franck :

Calbo, est-ce que je peux te demander, est-ce que tu m’autorises un kiff ?

Calbo :

Oui.

Franck :

Écoute, j’ai ma petite collection de vinyles si tu veux et j’ai mon vinyle Ärsenik : « Quelques gouttes suffisent ». Est-ce que tu peux me le dédicacer ?

Calbo :

Oui, bien sûr.

Franck :

Ça me fait plaisir. Autant se faire un kiff tant qu’à faire.

Calbo :

Je mets quel nom, ton petit nom ?

Franck :

Tu mets Franck.

Calbo :

Franck, Francky. Si tu veux.

Franck :

De toute façon, le livre de Calbo, il sera bien évidemment en lien dans la description, sous cette vidéo. Je vous invite vraiment à lire. Le mien, il est tellement gribouillé de partout parce que j’ai pris pas mal de notes pour l’interview. Mais c’est un livre qui se lit très rapidement, très facilement, très bien écrit. Si vous voulez en savoir sur les dessous du rap, allez-y, foncez le lire. C’est plein d’anecdotes.

Calbo :

C’est un livre qui change ta vie.

Franck :

En plus, c’est drôle. Vraiment, il y a des anecdotes très drôles.

Calbo :

Un truc de fou. Une histoire de fou. Grâce à ce livre, je suis passé maintenant en mode Victor Hugo, tu as vu ? Je passe de l’artiste rap à l’artiste qui a écrit un livre. C’est d’autres émissions, on te parle sur un autre ton. Récemment là, je rencontre une femme, 76 ans à peu près, elle me parle de mon livre. Elle a lu mon livre. La manière dont elle m’en parle avec ses mots de grand-mère, je suis bloqué. Elle m’a même tiré les larmes. Elle en a parlé comme personne ne m’en a parlé. Toi, tu m’en parles en connaisseur de musique de cette époque. Le plus souvent, on m’en parle comme ça. C’est des gars qui ont vécu cette époque, qui m’en parlent. Mais là, une vieille de 76 ans, qui n’a rien à avoir avec le hip-hop, il n’y a rien à avoir avec le rap, qui vient, qui te parle de ton bouquin, qu’elle a lu.

Calbo :

Je peux te dire qu’elle la décrit. À un moment, elle a décrit des trucs comme moi je l’ai écrit. C’est ça qui m’a un peu touché par ce qu’elle me disait, un petit exemple de ce qu’elle me disait : j’ai l’impression que tu m’as écrit. Ce n’est pas seulement la vie d’un rappeur. J’ai trouvé que même la manière dont tu l’as écrit, on sent que le style que tu as écrit tu n’as pas voulu faire le Victor Hugo. Tu as écrit avec des mots à toi. Moi, j’ai découvert une personne, et j’ai l’impression que tu n’as pas voulu rester longtemps sur les trucs négatifs de la vie. Tu as voulu quand même exposer un truc positif. Il n’y a pas trop de rancune dessus. Je n’ai pas senti de rancune. Même quand tu parles à un moment de ton cousin, tu survoles un peu, mais tu n’as pas voulu trop blesser.

Calbo :

C’est exactement ça, moi. Je me suis dit : si je fais un livre, ce n’est pas pour tuer des gens. J’en avais plein, j’aurais pu en butter 100 000. Je me dis : Non, ça ne m’intéresse pas. Au contraire, moi, j’ai lavé mon corps de toutes ces conneries et j’ai sorti toute cette négativité. Du coup, je voulais laisser un truc positif.

Franck :

C’est réussi.

Calbo :

C’est ce qu’elle me décrivait en fait. J’ai trouvé une femme de 76 ans, elle ne lit que des romans, elle ne lit des romans, elle me dit : je vais le proposer à ma copine. Je dis : ta copine, elle a quel âge ? 80 ans. J’ai dit : OK. Je lui ai demandé : est-ce que ce serait possible que tu me fasses une vidéo de tout ce que tu m’as dit là parce que je n’avais jamais eu une vidéo comme ça. Elle m’a dit : OK, je t’en ferai.

Franck :

C’est mortel. Écoute Calbo, je vais te laisser le mot de la fin. Tu dis ce que tu veux pour cette interview, le mot est pour toi.

Calbo :

Alors le mot, la caméra un, deux, trois.

Franck :

Les trois à la fois.

Calbo :

Écoute, comme je l’ai dit, c’est quelques gouttes de plus. Ce livre, c’est l’histoire d’Ärsenik, de Calbo, de Bisso, racontée par celui qui l’a vécu. Vous entendrez plein de légendes sur nous, mais ce livre, c’est notre histoire racontée par celui qui l’a vécu. C’est un livre que j’ai voulu laisser plein d’espoir, plein de motivation quand je finis par ma petite rappeuse Lor’A Yéniche. C’est ça que je voulais transmettre.

 

Puis le livre, on l’a fait parce que c’est la transmission aussi. Le fait de laisser, on ne le faisait pas beaucoup dans l’histoire du rap. Souvent, tu laisses les nouvelles générations vivre leur vie, mais aussi connaître l’histoire. Si nous, on ne raconte pas notre histoire, quelqu’un d’autre va la raconter à notre place. Voilà.

Calbo :

Le mot de la fin, c’est : ne laissez personne raconter votre histoire à votre place. Et surtout il faut vivre sa vie. Il faut vivre sa vie et ne pas avoir peur. Ne pas avoir peur du passé, ne pas avoir peur du futur. Vivre sa vie et la construire surtout. On dit souvent : ouais, mais il y a le destin, le mektoub. Oui, mais toi-même, tu peux diriger ton destin. Voilà, il faut être maître de son destin.

Franck :

Merci beaucoup, Calbo, pour cette interview de qualité. Comme disaient les grands philosophes : n’oubliez jamais, jamais dans la tendance, toujours dans la bonne direction.

Calbo :

 Non, attends. J’en ai une meilleure :

Ne soyez jamais une énième copie d’une énième copie,

sinon vous vous transformerez en photocopieur.

Si vous souhaitez voir l’intégralité de l’interview de Calbo, cliquez sur l’image juste en dessous :

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