SEXE, BUSINESS et INNOVATION

Christel :

Bonjour, je suis Christel Bony, je suis présidente de SexTech For Good. Je suis aujourd’hui sur la chaîne YouTube du Disrupteur de Franck Maes.

Franck :

Bonjour Christel !

Christel :

Bonjour Franck !

Franck :

Comment tu vas ?

Christel :

Parfaitement bien.

Franck :

Super ! J’espère que le micro est bon, il faut toujours bien le mettre. Écoute, Christel ! En préparant cet entretien, en parlant de ton parcours, on va en parler dans la suite de cet entretien, les gens ne pouvaient pas s’empêcher de sourire ou de rire. Comment tu expliques ça ?

Christel :

C’est vrai que quand on dit qu’on travaille dans le domaine de la sexualité, souvent il y a un petit rire : soit d’étonnement, soit gêné, soit certaines personnes sont vraiment mal à l’aise. Ça parle de notre intimité, d’un sujet où globalement il y a encore beaucoup de tabous dans notre société. C’est vrai que le premier contact est souvent un peu comme ça : un rire souvent, souvent gêné d’ailleurs.

Franck :

Ça fait pareil ? Je veux dire je ne sais pas. Je n’arrive pas à saisir. Certainement que j’ai dû le faire moi aussi. Je me disais : pourquoi ils rigolent, je suis en train de parler de business.

Christel :

On a du mal à me prendre au sérieux. Souvent, quand j’avais moi-même mon entreprise, que je disais ce que je faisais, on va en parler tout à l’heure, la première réaction, c’était : « ta blague, elle est drôle, vraiment dans la vie tu fais quoi ? » Moi, je fais vraiment ça. Entreprendre dans le domaine des sexualités, ça paraissait complètement, je ne sais pas, quelque part irréel ou d’être une farce.

Puis il y a souvent d’autres qui ont trouvé ça complètement en avant, d’autres qui étaient gênés un peu comme des ados. Il y a eu beaucoup de polémiques ces derniers jours sur une émission de M6 où une jeune femme est venue présenter son projet de sex toy. On a eu exactement cette réaction très gênée d’un jury qui, du coup, a beaucoup manqué de respect puisqu’ils ont été dans le rire et plus du tout dans l’écoute. On est en 2022, on ne devrait plus avoir ce type de réaction.

Franck :

Tu parles de l’émission.

Christel :

Qui veut être mon associé ?

Franck :

Oui, j’ai vu le passage de la jeune femme. C’était puissant. Je crois que dans cette émission, c’était Marie.

Christel :

C’était Marie.

Franck :

Une très bonne émission. C’est vrai que j’avais trouvé qu’ils avaient été un petit peu durs avec elle.

Christel :

C’est d’autant plus étonnant quand on a un mec en face qui est quand même créateur de Meetic. Globalement les gens, ils ne se rencontrent pas pour aller jouer au scrabble.

Franck :

C’est marrant parce que c’est quand même un autre segment de la sexualité. Par contre, c’est là qu’il peut faire moins rire parce que c’est que de la rencontre.

C’est de la rencontre, parce que c’est un jeu de dupes. C’est-à-dire qu’on ne parle pas de ce qu’il y a derrière. Les gens, clairement, ils se rencontrent pour être en couple. La sexualité fait partie de la vie de couple, de nos vies intimes, de notre équilibre et de notre construction.

Est-ce que tu peux me parler de l’activité très innovante ? Parce que moi, j’ai trouvé ça très innovant. C’est Cyril de Sousa Cardoso qui m’a parlé de Christel. Je vous invite à lire son interview.

Quand il m’a parlé d’elle, je suis partie voir son TEDx. Il est incroyable. Franchement, elle a très bien bossé sur le truc. C’est drôle, c’est fun, c’est bien travaillé au niveau business, c’est mortel.

Il m’a parlé de toi, j’ai été regardé. Est-ce que tu peux nous parler d’activités très innovantes que tu as lancées il y a plusieurs années. B.Sensory, c’est bien comme ça qu’on le dit ? Comment tu as eu l’idée ?

Christel :

C’est vrai que B.Sensory, c’était la première application de lecture érotique qui était connectée à un sex toy. Un concept assez simple, elle lisait et vibrait. Ce qui était innovant aussi, c’était une des premières fois où un toy était créé par une femme pour des femmes.

Franck :

Attends ! Est-ce que tu peux préciser « lisait et vibrait », c’était quoi exactement ? Parce que les gens, peut-être qu’ils ne saisissent pas ce que c’est.

Christel :

C’est une application de lecture d’ebook érotique. Certains passages étaient floutés, les passages les plus chauds. Au moment de les lire, on devait caresser l’écran. Ça devait déflouter le texte. Ça a donné un signal au sex toy qui était en œuf vibrant, qui du coup vibrait en fonction du niveau de vibration ou du type de vibration qui avait été assignée par l’auteur sur ce passage-là.

L’idée, c’est de la littérature érotique. Elle est déjà faite par essence pour donner des sensations, pour donner du plaisir. Là, l’idée, c’est d’aller un peu plus loin dans le jeu. On va vraiment associer des sensations à l’émotion qui est déjà créée. Ça a été innovant parce que ça n’avait jamais été fait. En même temps, c’était un combo de choses qui existait déjà. Le sex toy, il existe depuis la préhistoire. La littérature érotique était bien plus proche. On trouvait des godes de l’ère préhistorique.

Il n’y a rien de nouveau. Ce qui était nouveau, c’était le fait de combiner les deux, d’utiliser ces nouvelles technologies qui étaient liées à l’internet des objets pour en faire une nouvelle proposition d’expériences de lecture plus immersives. Le sujet de l’entreprise, au départ, c’était ça. C’était de créer une grande plate forme qui soit un iTunes des objets, un iTunes des contenus numériques qui soit synchronisé avec tout type d’objet haptique.

Vous pouvez imaginer beaucoup de cas d’usages. Notamment la lecture audio sensorielle, par exemple, pour les personnes aveugles, ou du cinéma dynamique à la maison : tu as un tee-shirt connecté, tu regardes un James Bond et tu vas sentir des sensations, du chaud, du froid.

Franck :

C’est comme le cinéma 4DX.

Christel :

Exactement. Parce qu’on sait que finalement, la dimension du toucher et la dimension de l’haptique, c’est celle qui nous fait vraiment rentrer le plus dans une expérience. C’est ce qu’on va aller rechercher maintenant : des connexions dans les univers virtuels pour aller encore plus loin dans cette sensation de réalité. À l’époque, j’avais travaillé dans des start-ups. On avait trop travaillé sur les nouveaux usages de lecture liés aux smartphones, à ces ponts qui existaient maintenant entre le réel et le virtuel, avec des technologies comme la reconnaissance d’images ou le QR code.

C’est vrai que j’avais travaillé avec beaucoup d’éditeurs. Beaucoup de gens me disaient : je ne lirais jamais en numérique parce que je ne veux pas perdre le contact avec l’objet, l’odeur, le toucher du papier, ce que je pouvais comprendre. Il y avait quand même quelque chose qui m’interpellait, c’était de me dire que finalement, un livre, quand il était dans sa matérialité, il avait vraiment la valeur, y compris une valeur affective. Finalement, exactement le même texte dématérialisé, il avait beaucoup moins de valeur. Il devenait quelque chose de pratique qu’on a dans l’iPad.

C’est comme s’il perdait même de la valeur au niveau de son contenu. C’est comme ça que j’ai voulu réfléchir sur ce concept de lecture numérique sensorielle en disant : tous ces contenus qu’on consomme de plus en plus de manière dématérialisée, comment on peut faire pour leur donner une nouvelle matérialité qui sera certainement différente pour leur redonner la valeur ?

La première expérience que j’ai choisie, c’est la littérature érotique pour plein de raisons. Aussi, la première étant qu’elle est écrite pour ça.

Franck :

Tu as adapté le contenu avec une nouvelle forme de médias ?

Christel :

Oui. Puis, ce qui était intéressant, c’était toute la partie innovation sur la narration. Parce qu’à partir du moment où tu écris un texte en sachant qu’il va y avoir vraiment une interaction physique avec la lectrice, en l’occurrence c’était surtout des lectrices, tu écris différemment. C’est aussi intéressant d’amener des auteurs à imaginer de nouvelles constructions de narration de leurs histoires.

Franck :

Le sexe, ça fait parler, surtout ça fait vendre. Je ne sais pas si ça fait surtout parler ou vendre, je pense que c’est les deux. C’est un marché colossal, pourtant qui est terriblement tabou. Quels sont les codes à casser ? Surtout, comment se les réapproprier  ?

Christel :

Je pense que c’est en ce moment où on vit une nouvelle révolution sexuelle. Qu’on vit la révolution vraiment de l’intime, notamment une révolution du côté féminin de l’appropriation des corps et du plaisir, qui a vraiment débuté après tout. Je pense qu’on subit encore beaucoup, dans nos sexualités, d’injonctions qui sont liées au patriarcat.

Une des manières de dépasser ça, c’est vraiment d’arriver à se poser des questions : qu’est-ce que ça dit de nous ? Qu’est-ce que ça dit de notre société ? Qu’est-ce que ça dit de ce qu’on accepte ou pas, de ce qu’on veut comme société : ouverte ou inclusive ? Il y a vraiment en ce moment des réflexions à mener sur le sujet, mais aussi beaucoup à faire dans le domaine de l’éducation. C’est-à-dire qu’aujourd’hui on a une éducation à la sexualité qui est très centrée sur la reproduction, ou sur le côté très anxiogène. On ne fait pas vraiment d’éducation à la sentimentalité, à la sensualité. On ne passe pas les messages forts qui sont : la sexualité, le plaisir ça s’apprend tout au long d’une vie.

On ne nous dit pas que ça fait partie de nous, de notre équilibre, de notre bien-être. Quand on ne s’en empare pas, on laisse aussi des jeunes aller s’informer, prendre un référentiel, la pornographie. Ce qui n’est pas la vraie vie, ce qui les place de nouveau dans des injonctions qui sont très nocives à la fois pour les jeunes hommes, parce qu’ils vont être vraiment dans une mode de la sexualité de performance. Puis, pour les jeunes femmes qui vont se sentir obligées de commencer par certaines pratiques qui ne sont pas celles, normalement, qu’on devrait commencer par découvrir. C’est un des entrées très souvent très violentes dans la sexualité. Ça peut faire beaucoup de dégâts sur toute une vie.

Aujourd’hui, vraiment, il y a cette éducation. Puis après, de réfléchir à ce que ça dit de nous, d’une société. Moi, je me bats beaucoup en parlant de la Sextech. Pourquoi c’est important de mener et de pouvoir mener des projets innovants dans les domaines de la sexualité ? C’est que tout le monde a le droit au plaisir. Bien sûr, aujourd’hui, on pense sex toy connecté. Mais la Sextech, c’est la sexualité des personnes âgées, des personnes handicapées. Tout ça, c’est des questions d’humanité.

Quand on est bien dans son corps, quand on peut avoir un orgasme, c’est des moments où on est bien. Des fois, quand on est âgé, c’est peut-être le seul moment où on pourra être bien avec soi-même. Qui on est pour dire qu’à partir d’un certain âge, on n’a plus le droit d’être encore désirant ? Ou parce qu’on serait encore cassé dans un fauteuil, on n’aurait pas non plus le droit d’être encore désirant, et d’accéder à ce plaisir-là.

Aujourd’hui, pour moi, c’est important parce qu’on a besoin de se poser la question. Moi, globalement, j’ai deux filles qui sont maintenant de jeunes femmes. J’ai envie qu’elles vivent dans une société beaucoup plus ouverte, plus inclusive où elles puissent prendre du plaisir en toute liberté, et qu’on soit complètement libre de tout ça.

C’est vraiment un enjeu de société. Quand je disais le poids du patriarcat, c’est qu’aujourd’hui on a une vision encore de la sexualité qui est très endocentrée, qui est vue pour le plaisir de l’homme essentiellement avec un pénétré, un pénétrant, un dominé, un dominant. Le jour où on déconstruira tout ça et on se dira qu’en matière de sexualité, d’intimité aussi il faut revendiquer la pleine égalité, je pense que ça apaisera beaucoup de choses. On pourra vraiment construire une société plus égalitaire dans tous les domaines.

Franck :

On en avait parlé ensemble au téléphone. Moi, je ne me l’imaginais même pas. Ce n’était même pas quelque chose qui était dans mon champ de vision. Ça, quand tu m’en as parlé, je me suis dit : c’est vrai ça, quand tu seras une personne âgée, moi-même, on y sera tous. Je dis : comment ça va se passer ? Qu’est-ce qu’il en est de ces gens-là ? C’est marrant parce que ça pousse la réflexion. Je suis très curieux. Quand on discute avec des gens qui viennent de divers horizons, c’est vrai que ça nous ouvre sur d’autres chemins de pensée. Merci de m’avoir fait réfléchir sur ça. Ça a été intéressant.

Pour toi, c’est quoi être un entrepreneur innovant ? Parce que je pense qu’avec ton parcours, ce que tu as fait, c’est très innovant. Moi, quand j’ai vu ta conférence TEDx, j’ai dit : c’est quand même un truc de ouf ! Pourquoi c’est si important d’être innovant ?

Christel :

Moi, je suis devenue entrepreneur pour une idée. Après, je suis devenue entrepreneur militante par des convictions, parce que je me suis beaucoup alignée sur des valeurs et des choses à défendre. Je fais partie de ces gens-là. Je suis un peu fatiguée des gens qui râlent beaucoup, qui trouvent que tout va mal et qui ne font jamais rien. Je pense qu’il y a des fois dans la vie où quand tu peux changer les choses, ou quand tu penses que tu as la possibilité de faire avancer ne serait-ce qu’un tout petit peu le débat, le sujet, ou de faire bouger les lignes, ça, c’est intéressant.

Moi, c’est ce que j’aime bien dans l’innovation. C’est-à-dire qu’innover pour innover, ça ne m’intéresse pas. Par contre, quand il y a une vraie valeur ajoutée, qu’on apporte de vraies solutions pour les gens, qu’on améliore leur vie ou leur quotidien, qu’on leur permet d’être globalement plus heureux, pour moi, ça a beaucoup de sens.

Aujourd’hui, il y a plein de choses qu’on pourrait faire en termes d’innovation. Je trouve qu’ils n’ont pas vraiment d’intérêt. Si tu parles des toys, on peut aller chercher toujours plus de toys. On peut avoir des sex toys qui vont utiliser beaucoup plus d’intelligence artificielle pour apprendre à jouir beaucoup plus vite. Est-ce que c’est vraiment intéressant ? Je ne suis pas convaincu. Je préfère aujourd’hui beaucoup plus me dire qu’avec les mêmes technologies, on pourrait trouver des solutions pour aider les enfants et les jeunes adolescents autistes, par exemple, à découvrir la sexualité. Parce que, aujourd’hui, les parents sont très démunis, ils n’ont pas de solutions. Pour moi, l’innovation, elle est là. Il faut qu’il y ait du sens.

Franck :

OK. Quels seraient les conseils ? Toi, comment tu fais pour travailler justement ? Parce que je pense que la créativité, c’est très lié à l’innovation. Cette idée que tu as eue par rapport à la lecture et de relire avec un sex toy connecté, comment tu fais pour travailler ça, toi, en tant qu’entrepreneur ?

Christel :

Je pense qu’une fois que tu as commencé à réfléchir comme ça, et que tu as compris aussi que dans la vie, Cyril le dit très bien dans ses conférences : « on est tous créatifs parce qu’on est tout le temps obligé de s’adapter ». On est toujours dans des environnements instables. Il nous arrive toujours des choses. Et là, comment je résous le problème ? Il y a toujours plusieurs manières de le voir, de l’anticiper.

Souvent la manière créative, moi, à l’époque moi quand j’ai voulu monter mon projet, je n’avais pas vraiment d’argent, pas le réseau, je n’avais pas été fléchée pour être entrepreneur. Il faut être malin. Tu trouves des gens. Il faut être curieux, il ne faut pas avoir peur d’apprendre. Moi ce que je fais, je pense que pour rester créatif, c’est surtout de rester curieuse et ouverte d’esprit, de regarder ce qui se passe. Moi, j’ai toujours aimé les mots.

J’ai toujours aimé les nouvelles technologies. Non pas de savoir comment elles fonctionnent, je ne suis pas du tout ingénieur. Par contre, qu’est-ce qu’on peut en faire ? Qu’est-ce qu’on peut en faire de bien ? Qu’est-ce qu’on pourrait en faire dans mon domaine, notamment dans la sexualité. Non pas seulement, je crois que c’est vraiment cette curiosité, cette ouverture d’esprit. Puis, de voir si à un moment donné, ça peut vraiment faire bouger les choses, il faut y aller.

Franck :

Excuse-moi, je vais poser un peu des questions, j’ai toujours de l’inspiration qui me vient grâce aux gens que j’interviewe. C’est quoi le dernier truc que tu as vu, ou la dernière chose que tu as vu qui t’a « mis sur le cul » ? Auquel tu as dit : wow ! Ça, c’est bien. Justement, c’est un bon truc ça. Tu es sur la colle. Il y avait une vidéo de copie.

Christel :

L’effet waouh !

Franck :

Je t’ai dit : waouh. Parce que je sais que moi, par exemple, quand on a discuté ensemble au téléphone, je me suis dit : waouh ! C’est quoi ce truc de ouf ? Tu vois.

Christel :

Vraiment, je ne sais pas te répondre. Je sais qu’il y a beaucoup de choses dans le domaine de la médecine où c’est peut-être pensé uniquement par rapport à ça. En général, je trouve par exemple beaucoup de gens qui ont beaucoup râlé sur cette crise du COVID qu’on a passée, globalement, je trouve.

Franck :

« Qu’on a passé aisément ». Ça dépend du point de vue.

Christel :

Globalement, on a une médecine qui n’a jamais été aussi réactive. Je ne veux pas du tout rentrer dans le débat. Globalement, voilà, il y a une communauté qui s’est mobilisée, qui a travaillé plus vite que d’habitude. Qui a peut-être travaillé différemment parce que là, il y avait vraiment un enjeu à travailler, sans doute bien plus en mode collaboratif. Je me dis : c’est aussi des fois où ça te redonne un peu d’espoir de dire que des gens, des fois, ils peuvent oublier certaines querelles, et avancer ensemble.

Mon père, récemment, s’est fait opérer. C’est un truc comme tout le monde. C’est une opération toute bête. Quand tu imagines que maintenant tu te mets un stent et un petit ressort dans un cœur, juste en ouvrant au niveau du poignet, en remontant dans une veine, tu te dis : waouh ! C’est juste incroyable de tout ce qu’on peut faire. Là, on est encore au début du potentiel.

J’essaye surtout de rester hors du côté anxiogène que beaucoup de gens ont par rapport à l’innovation et à la nouvelle technologie. Parce que souvent une même technologie, on peut tout de suite en voir le pire. Aussi, ce qu’il faudrait surtout voir, c’est tout le meilleur de ce qu’on peut en faire.

Franck :

Dans ton parcours, tu t’es confrontée à de nombreux obstacles. Je le répète, allez voir cette conférence TEDx. Christel avait fait du super bon boulot dessus, elle avait beaucoup travaillé dessus. Tu as pris beaucoup de risques. Ce que les gens remarquent, c’est ce que vous faites et que les autres ne font. S’ils ne le font pas, c’est que c’est risqué. Qu’est-ce que tu en penses ? Est-ce que tu peux nous raconter les échecs qui t’ont le plus marqué et appris ? Parce qu’on s’est vu plusieurs fois au téléphone avant cet entretien. Rien que tu m’en as rajouté : C’est quoi ? C’est dingue. Qu’est-ce que tu peux nous parler de ça ?

Christel :

Quand les gens te disent ça, je pense que souvent ce qu’on entend, c’est leur peur. C’est quoi le vrai risque ? Moi, quand j’ai avancé dans mon aventure, c’est vrai que j’avais sous-estimé certains nombres de freins. J’avais sous-estimé les voix masculines, le poids du tabou. Peut-être qu’heureusement que j’avais sous-estimé ça, parce que peut-être que ça m’aurait fait trop peur et je n’y serais pas allée. Une fois que tu es lancée, que tu es convaincue, chaque fois qu’on m’a donné un coup, ça m’a rendue encore plus têtue. Je me suis dit :

“Moi, je vais leur montrer qu’on peut être une femme. Je vais expliquer pourquoi la question du plaisir féminin, c’est une politique.”

Pourquoi il faut continuer ? Pourquoi il faudrait soutenir les projets dans la Sextech ? Pourquoi ça a du sens ? Pourquoi ça nous concerne tous ?

Globalement, quand tu fais ça, moi, je suis devenue aussi quelqu’un de beaucoup plus libre. Ça m’a changé, moi aussi, en tant que femme. Je suis devenue féministe, ce que je n’étais pas avant parce que je pensais que j’avais déjà beaucoup de chance. On a beaucoup de chance quand on est une femme, et qu’on est en France par rapport à plein d’autres pays dans le monde. Malheureusement, on reste quand même, par exemple dans le domaine du Tech, peu nombreuses.

À l’époque, il n’y avait que 4 % des fonds qui étaient assignés à des start-ups qui étaient leadés par des femmes. Clairement, on n’a pas les mêmes chances de réussite. Mon féminisme, c’est ça. C’est vraiment demander une égalité réelle des droits et des chances. Je ne veux pas prendre le pouvoir. Je ne suis pas en guerre contre les hommes, je les aime. Il y a encore aujourd’hui des situations, on le voit bien. Quand on essaye et quand on est une femme d’aller dans ce domaine-là, même si ça a changé un petit peu, d’avoir en face des hommes qui sont très mal à l’aise. Qui m’ont dit : on ne va pas t’aider parce qu’on ne va pas se tirer une balle dans le pied.

C’est quand même complètement dingue d’entendre ça. C’est un peu ce que Marie a encore eu dans cette émission. Non, on ne va pas y aller. On m’a dit : ce n’est pas éthique, ce n’est pas politiquement correct. On m’a dit des tas de choses. Je dis : oui, c’est compliqué. Moi, ça m’a construite.

Franck :

Excuse-moi ! Je rebondis sur quelque chose que tu as dit. Tu as dit : c’est l’égo masculin. Est-ce que ce n’est pas simplement la connerie ? Ça voudrait dire que la connerie serait plus du côté des hommes que des femmes ?

Christel :

Non, je ne crois pas.

Franck :

Je veux dire que la connerie, elle n’est pas universelle ?

Christel :

Ouais, je suis d’accord. C’est sans doute ce qui est le plus partagé sur la terre.

Franck :

Sur ce sujet précis.

Christel :

Sur ce sujet précis, il faut se remettre dans le contexte où, moi, j’arrive en 2014 avant Me Too, où on n’a pas encore ce mot de Sextech, où j’ai face à moi des hommes qui sont souvent d’une ancienne génération. De mâle alpha, de blond, de la cinquantaine, qui, quand ils sont entre eux même si dans leur sexualité ils utilisent des toy ou non pas, sont extrêmement mal à l’aise et n’ont pas envie de dire devant leurs copains : moi je trouve ça génial. Parce que souvent j’avais des blagues potaches en disant : ouais, si ça t’intéresse, c’est que tu ne dois pas assurer. Ou si ta femme veut ça, c’est que c’est sans doute une grande coquine.

Il y avait tellement de préjugés négatifs par rapport à ça, par cet ego masculin, qui ferait que nous, les femmes, on devrait se masturber, ou on aurait besoin d’un sex toy uniquement quand notre mec n’assure pas, ou quand on n’en a pas. Comme si c’était une sexualité par défaut, parce que ça n’est pas ni pour les hommes ni pour les femmes. La sexualité positive, c’est à la fois de la masturbation, de la sexualité partagée et du fantasme.

Là-dessus, on a été construit dans cette idée aussi que les hommes avaient beaucoup plus de besoins et de désirs. Non ! Sauf que ça fait des millénaires que nous, les femmes, on est empêché là-dedans dans notre expression de dire : nous aussi on a des désirs, on a des besoins. Vraiment, sur ce sujet-là, au moment où, moi, j’ai commencé à en parler, il y avait cette idée de l’égo masculin d’hommes qui me disaient : on n’a pas envie d’être remplacé. Il y a des hommes qui m’ont insulté sur les réseaux sociaux, ça fait peur, en me disant : tu vas accélérer la fin de l’humanité à vouloir nous remplacer par du plastique. Réfléchissez autrement. Plus une femme se connaît, plus elle sait comment son corps fonctionne, mieux ça va être pour vous. Je vous assure.

On a tous besoin de mieux se connaître. C’était complètement dingue. C’est tout ça que j’ai découvert, et qui a été assez violent au découvert, qui m’y a amenée justement.

Franck :

Tu n’avais pas de doute sur ça, justement. Avant, tu ne te disais pas : je vais me confronter à des mecs quand même qui vont me rire au nez, ou qui sont un peu cons.

Christel :

Franchement, pas du tout. Je savais que ça ne plairait pas à tout le monde. Ce n’était pas grave, ce n’est pas le but. Tu sais très bien que si tu veux faire un produit qui plaît à tout le monde, tu vas te planter. Ce n’était pas du tout ça.

Franck :

Excuse-moi de t’interrompre parce que ça m’intéresse. Il n’y a pas même des femmes aussi qui t’ont mis quelques bâtons dans les roues, qui ne te comprenaient pas trop ?

Christel :

Si. Notamment, il y a eu une émission un peu piège avec M6 où la seule femme « du jury », j’ai cru qu’elle allait s’évanouir quand elle a vu et entendu le mot sex toy, comme si… C’est aussi pour ça qu’aujourd’hui, j’essaie d’accompagner beaucoup de femmes dans cette idée-là du Sexpowerment parce qu’il y a énormément de travail.

Sexpowerment, c’est la powerment par la sexualité.

C’est-à-dire, d’arriver à cette idée que la sexualité, c’est important, ça fait partie de notre bien-être.

Quand on est épanoui, on est mieux, on se sent plus forte, plus confiante. C’est vraiment important de réinvestir le sujet en tant que femme, et de ne pas dire : notre plaisir, il dépend d’un autre. Non ! Ça commence par nous.

On a besoin de se sentir légitime et autonome sur ce sujet. C’est encore de la construction sociale, de l’éducation, des choses qu’on va travailler sur lesquelles on va encore progresser dans notre société de manière plus globale.

Mon échec le plus cuisant, ce qui m’a forcément le plus marqué, c’est la fin de B.Sensory. Voilà, quand tu dois liquider ton entreprise pour des raisons, c’était essentiellement des raisons de production. Non pas forcément de demande puisqu’on a un design qui a été copié. Aujourd’hui, la copie du Little Bird, elle s’est vendue partout dans le monde à des centaines de milliers d’exemplaires.

Franck :

Little Bird, c’était ton produit ?

Christel :

C’était le sex toy. On sait qu’on avait quand même très bien bossé le design. On va garder ça pour nous en positif. Ce qui est très violent, je pense que tu le sais, tu es entrepreneur. Moi-même, j’ai reculé ce moment-là. Je ne voulais pas perdre mon équipe. Parce que le vrai luxe que je trouve quand on est entrepreneur, c’est de se lever tous les matins pour faire quelque chose qu’on aime avec des gens qu’on a choisis. Voilà, j’avais une équipe formidable. Du jour au lendemain, tu sais que quand tu liquides, tu perds ça, cette peur du vide.

Ça a été très violent à vivre. Il faut apprendre à vivre cet échec, à en faire quelque chose. C’est là que je l’ai transformé, moi, de deux manières : en devenant ambassadrice pour les rebondisseurs français, pour aider à changer ce regard sur l’échec. Puis de créer SexTech For Good, ce collectif, qui assure la promotion des projets innovants dans tous les domaines de la sexualité.

Parce que je voulais que tout ce que justement, les coups que j’avais pris, tout ce que j’avais appris, pour lesquels je m’étais battue, je ne voulais pas que du jour au lendemain, ça s’arrête. Je voulais que ça serve, et y compris si je pouvais aider d’autres à réussir où, moi, je n’avais pas pu aller au bout de l’histoire.

Franck :

Il y avait une anecdote que tu m’avais racontée. Je ne sais pas si tu peux la dire. Tu n’es pas obligée. C’est avec le banquier, je ne sais pas ce qu’il t’avait sorti le banquier. Je ne sais pas ce qu’il t’avait sorti. Tu avais dit un truc de ouf comme quoi : « qui ne mettrait pas de l’argent là-dedans parce que c’était sale », ou je ne sais plus quoi.

Christel :

Oui. J’ai un banquier. J’ai eu à peu près tout. Effectivement, j’ai eu un banquier qui m’a dit : Non, on ne vous aidera pas parce que ce n’est pas éthique. Là, je lui dis : on va s’asseoir, on va discuter. On va parler de l’éthique dans les banques, parce que vous, vous êtes dans une banque, vous venez d’être condamné pour levée d’embargo. C’est du blanchiment d’argent. Ça ne vous pose pas d’éthique, de problème d’éthique visiblement. Ce n’est pas pareil. Après, ce qui était très drôle, c’est qu’il m’a dit : « bon ! Par contre, le jour où ça marchera, on peut peut-être vous aider ». Ce sera trop tard.

Franck :

Ce qui est intéressant dans ton parcours, ce qui m’a vraiment frappé, je pense que tu étais précurseur sur ce domaine. Tu es arrivé à un moment, peut-être que ce n’était pas le bon moment sur le marché, je ne sais pas. Tu me le diras si je me trompe. Parce que tu t’es confrontée déjà à la société, c’était chaud, je pense, au niveau du regard. Après, quand tu me dis que des années plus tard ça a fonctionné, quand même, tu te dis : merde. Peut-être aussi, tu es un peu à l’initiatrice du truc aussi quelque part.

Christel :

On sait bien que quand tu fais des projets d’innovations, le premier sur son marché, ce n’est souvent pas forcément celui qui réussit. J’ai sans doute été précurseur sur le fait de revendiquer le sujet. Le fait de dire : oui, on peut être un entrepreneur dans la Sextech, c’est quelqu’un qui est innovant, ce n’est pas un pervers sexuel. Et d’essayer de faire comprendre, en France : regardez, c’est un secteur sur lequel qui est vraiment innovant, sur lequel il y a énormément de potentiel économique.

Essayons vraiment de le voir comme ça. Après, quand tu fais un produit, tu peux être copié. C’est la règle. C’est vrai que j’étais sans doute peut-être un peu trop en avant sur le côté « connecté sur vous ». C’est comme ça. Il faut toujours quelqu’un qui ouvre la voie, c’est le jeu. Aujourd’hui, il y a des “Marie”, qui, avec “Puissante” par exemple, réussissent des campagnes de crowdfunding. Pour moi à l’époque, je me suis plantée parce que les gens qui m’avaient dit : oui ! on va te soutenir. Finalement, ils n’ont pas osé les réaliser. Alors que là, entre temps il y a eu Me Too, on a réussi à fédérer justement toute une communauté de femmes qui ont envie de revendiquer ça aussi. Oui, on a le droit à ce plaisir-là. Ça fait partie de notre bien-être.

C’est intéressant. C’est réjouissant parce qu’on voit qu’il y a des choses qui avancent, n’en déplaise à certains investisseurs. Globalement, c’est ce qu’on voit aussi dans l’innovation. Souvent, les gens sont bien plus près en termes d’adoption dans les usages que ce que peuvent penser certaines compagnies, certaines banques, certains investisseurs qui vont se réveiller un jour en disant : Oui, quand tu auras eu quelques succès, c’est vraiment intéressant. Je pense qu’en France, les premières levées de fonds qu’on va avoir, ce sont des levées de fonds qui iront sur des projets qu’on ne va pas dire Sextech, FemmeTech, toutes les deux liées aux femmes. On va parler plus de santé et de bien-être, que de plaisir parce que c’est beaucoup plus politiquement correct, si c’est mieux au final, si ça avance.

Franck :

Ce sujet, il est super intéressant. Je fais un petit aparté. Quand j’ai fait l’interview de Clara Morgane, ça rejoint un petit peu cette interview. Moi, personnellement, je ne la connaissais pas trop. Bien sûr que je la connaissais, ce serait mentir. Voilà, je ne m’étais pas vraiment penché sur le sujet quand j’ai travaillé, puisque j’ai fait un premier article où j’ai analysé tout son parcours. Après, ça m’a permis de décrocher une interview avec elle.

Quand j’ai fait l’interview avec elle, tous mes amis hommes m’ont envoyé un message en me disant une seule question : est-ce qu’elle est fraîche ? C’est tout ce qu’ils m’ont dit. Est-ce qu’elle est belle ? Est-ce que ce qu’elle est vraiment belle ? Je dis : attends ! J’ai fait une interview de 30 minutes où on donne du vrai contenu. C’est tout ce que tu retiens. Tu peux me poser la question, on est des hommes. Mais il n’y avait que ça que tu as retenu ?

C’est marrant parce que tous ces sujets-là, ils restent quand même vraiment très tabous. C’est pour ça que je me dis : moi, je vois la sexualité comme tout le monde. On aime la sexualité, heureusement. Il y a un business derrière. Je suis toujours étonné de voir que des gens se bloquent sur des trucs comme ça.

Christel :

Tu sais qu’aujourd’hui, c’est encore beaucoup plus compliqué pour un homme de lancer un projet dans la Sextech. Parce que maintenant, c’est une entreprise qui a été vraiment prise en main par les femmes. Pourquoi ? Sur plein de sujets, les femmes se sont dit : OK, on va arrêter d’attendre que les mecs fassent des produits pour nous. On est les mieux placées pour le faire. Elles ont complètement raison. Avec ce côté Femmetech, santé, bien-être, il y a beaucoup de choses qui avancent. Aujourd’hui, c’est plus compliqué pour un homme qui va toujours être vu un peu comme un pervers. On ne va pas forcément trouver pour la combler.

Franck :

C’est l’effet inverse.

Christel :

Ça devient l’effet inverse. On essaye beaucoup de lutter aussi dans SexTech For Good pour dire : non, ce que nous on vous dit, c’est que justement la Sextech, on milite pour la liberté, pour l’égalité et l’inclusivité. Que tous les entrepreneurs, que ce soit des hommes ou des femmes, ce sont des entrepreneurs qui sont engagés, qui ont des valeurs, de l’ouverture d’esprit, qui ont envie qu’on soit plus heureux. Il y a encore beaucoup d’images perçues. Je pense qu’en ce moment, ces images perçues, elles sont beaucoup plus dures vis-à-vis des hommes que des femmes dans le domaine de la Sextech.

Franck :

Si tu es une femme, que tu t’intéresses à la sexualité, excusez-moi du terme, tu es une salope. Si tu es un homme, tu t’intéresses à la sexualité, tu es un pervers.

Christel :

C’est ça.

On est bien barré. C’est un peu bon d’entendre tout ça. C’est toujours intéressant. C’est quoi le futur de la Sextech selon toi ? Je précise que c’est grâce à Christel que j’ai connu ce mot, parce que je lui ai demandé la signification quand je l’ai eu au téléphone. Je connaissais la footech, la fintech, je ne connaissais pas la Sextech. C’est quoi le futur pour toi, dans ce domaine-là précisément ?

Il y aura forcément beaucoup d’innovation. On en parlait tout à l’heure de tout ce qui va être relié aux univers virtuels. Il y avait déjà beaucoup de gens qui connaissaient des univers virtuels comme Second Life. Il y avait énormément de sexes.

Franck :

De vidéo ?

Christel :

Tu rentrais. Avec cet intérêt qui met que dans ce type d’univers, tu peux être complètement qui tu veux. Tu peux être une femme, un homme. Il n’y a pas de frontière. Les gens peuvent aller vraiment avoir des pratiques hypertransgressives qu’ils n’auraient pas eues dans la vraie vie. Je pense qu’avec Facebook, ils vont investir massivement sur ces univers virtuels. Ça va sans doute se développer avec tout le corollaire d’objets connectés, que ce soit des toys, des combinaisons haptiques. Je pense qu’on n’a pas encore exploité non plus le pouvoir d’intelligence artificielle sur tout ce qu’on allait pouvoir développer dans le domaine de la sexualité. Sans doute, un jour, on lancera le fameux film « Her ». Il y aura sans doute quelque chose comme ça.

Franck :

C’est avec Joaquin Phoenix.

Christel :

Cette voix, il tombe amoureux.

Franck :

Il y en a un autre, c’est « Ex – Machina ». Il n’est pas mal celui-là. C’est une femme qui est un robot.

Christel :

Ça aussi, la robotique humanoïde sans doute, va faire encore beaucoup de progrès. Parce que, justement, les nouvelles poupées, on les dote d’intelligence artificielle pour qu’elles puissent tenir des conversations. Ça, c’est une partie, c’est plus de la R&D, c’est plus de la prospective. Ce sera encore sans doute plus long dans les usages. Moi, ce que j’aimerais vraiment, on en a déjà parlé, c’est que l’avenir de la Sextech, ça soit aussi aujourd’hui de se dire quelles sont les solutions qu’on peut apporter pour les populations qu’on dit « sexclus ». Qui aujourd’hui n’ont pas accès à une sexualité épanouissante, quelle qu’elle soit. Encore une fois les seniors, les personnes en situation de handicap.

Franck :

Les autistes, il y a des envies sexuelles ?

Christel :

Oui, il y a des enfants autistes, notamment des garçons, qui deviennent d’ailleurs extrêmement violents à un moment donné où ils ressentent ces pulsions sexuelles. Ils ne savent pas les canaliser. Il y a vraiment des choses à faire. À nous de continuer à miser sur l’éducation. J’aimerais bien qu’aujourd’hui, voilà, dans Sextech, la technologie, j’aime bien quand on met un « s » aussi à sexualité. Il y a encore vraiment beaucoup de points qu’on n’a pas encore investis en termes de R&D.

Franck :

Le terme « sexclu », le wording de Christel est parfait. Est-ce que tu aurais un livre à recommander, qui t’a aidé directement ou indirectement dans ton parcours ?

Christel :

J’ai beaucoup réfléchi. Je lis beaucoup. J’aurais pu en citer plein.

Franck :

S’il ne devait en rester qu’un ?

Christel :

S’il ne devait en rester qu’un, qui va traduire un peu tout ce que j’ai dit aujourd’hui, c’est le livre de Camille Emmanuelle qui s’appelle « Sexpowerment ». Parce que ce moulin, pour moi, il dit beaucoup de choses. À un moment donné, quand je l’ai lu, ça a été un petit peu un électrochoc. Au moment où je réfléchissais, où j’essaye de prendre du recul par rapport à ce qui m’arrivait dans B.Sensory, où je ne comprenais pas toutes ces réactions d’hommes, la violence de tout ce que je vivais par rapport au simple fait de dire : non ! Moi, je veux juste connecter la littérature à un toy. Ne vous énervez pas. Il n’y a pas d’autres enjeux que ça. Je ne veux pas vous remplacer.

Ce livre-là, vraiment, elle raconte. Le sous-titre, c’est le sexpowerment, le sexe qui libère la femme et l’homme. Et de me dire : oui, on irait tellement mieux. Le monde irait tellement mieux si, sur ce sujet-là, nous étions plus en paix, si on pouvait en parler calmement. Du coup, les gens pouvaient tous avoir une sexualité bien plus épanouie. Parce qu’aujourd’hui, il y a peu de gens finalement qui sont très heureux, parce qu’on a fait quelque chose de compliqué, dont on ne se parle pas.

Il nous manque cet équilibre pour beaucoup de gens. Je pense qu’on serait beaucoup moins agressif. Il y aurait beaucoup de gens heureux si tout le monde arrivait à jouir beaucoup plus pendant ce temps-là. J’aime bien ce mot de « sexpowerment » de dire : la sexualité fait partie de nous, de notre équilibre, de notre bien-être, de cette énergie vitale, de cette énergie créatrice. Libérons-nous. Puis, explorons tous ensemble ce nouveau terrain de jeu, qui est juste magnifique. C’est de l’énergie vitale, renouvelable, c’est bio, c’est gratuit. On a une chance incroyable de pouvoir être des êtres comme ça, de plaisir. Exploitons tout ça.

Franck :

Super. Je vais te demander, est-ce que tu peux me faire confiance quelques secondes ?

Christel :

Bien sûr.

Franck :

Est-ce que tu peux tendre ta main et fermer les yeux ? Referme ta main et ferme-les.

Franck :

Tu peux ouvrir les yeux. Regarde ce qu’il y a dans ta main. Tu sais ce que c’est ?

Christel :

Docteur Strange.

Franck :

Oui. C’est l’œil d’Agamotto de Docteur Strange. Tu sais ce qu’il y a à l’intérieur ?

Christel :

Non.

Franck :

La pierre du temps, une des six pierres d’infinités. Elle te permet de retourner dans le passé. Qu’est-ce que tu dirais au toi enfant ?

Christel :

Moi enfant, je lui dirais : « N’aie pas peur. Ose. Aie confiance en toi ». J’aurais voulu il y a bien longtemps, plutôt que de l’apprendre par moi-même, qu’on me dise : tu étais quelqu’un de bien, de fort. Tu vas y arriver. Surtout, ose. L’audace, c’est important. Quand on n’ose rien, il ne nous arrive pas grand-chose dans la vie. Je pense que ça aurait été ça le message.

Franck :

Écoute ! Christel, merci beaucoup pour la qualité de tes réponses. Je vais te laisser le mot de la fin. Tu dis ce que tu veux, c’est pour toi.

Christel :

Je vais dire aux gens : soyez heureux. Apprenez votre corps, votre plaisir et celui de l’autre. Apprenez à jouir, à profiter de la vie, de l’instant présent. La vie, on le dit souvent, elle est courte. Je pense que des fois, on le dit sans vraiment s’en rendre compte. Il faut profiter de tout ça. La sexualité est un des éléments qui peut nous rendre vraiment heureux. Il faut vraiment en faire un sujet. C’est un terrain de jeu, ça doit être ludique. Soyez heureux.

Franck :

Merci beaucoup Christel. Cet entretien m’a fait venir une phrase qui va conclure cette interview :

“Jouissez plus, stressez moins.”

Christel :

Je crois que j’en ai une meilleure :

Ne soyez jamais une énième copie d’une copie, sinon vous vous transformerez en photocopieur.

Si vous souhaitez regarder l’interview de Christel Bony dans son intégralité, cliquez sur l’image juste en dessous :

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