(Cet article a été rédigé en juillet 2022)

Ça a saigné et ça va encore plus saigner.

Internet s’agite depuis maintenant plusieurs semaines avec ce clash entre Magali Berdah et Booba. Deux personnalités qui ne laissent personne indifférent. Et à vrai dire ce qui est intéressant ici ce n’est pas vraiment les raisons du clash mais plutôt le déroulement et les arguments avancés.

En réalité, nous assistons à l’affrontement de deux marques ultra-puissantes chacune dans leur domaine. Avec au passage un spécialiste de l’extinction de carrière Monsieur Elie Yafa qui n’en est pas à son premier clash.

Sinik , Rohff, La Fouine, Damso, Kaaris, Maître Gims … sont tous des rappeurs qui sont entrés en clash avec Booba. Donc de potentiels concurrents.

Mais là, aujourd’hui, c’est totalement différent puisque ce sont deux mondes qui s’affrontent.

ACCUSÉS, LEVEZ-VOUS !

Alors je ne vais pas revenir sur le début du clash et pourquoi il a eu lieu, parce que ce qui m’intéresse ici, c’est de comprendre les rouages psychologiques qui fait que nous adhérons ou non à une version d’une des deux parties et aussi surtout, pourquoi le public est aussi engagé dans ce clash.

Magali Berdah, c’est la papesse du placement de produit.

Elle dirige l’agence Shauna Events depuis 2019. 40 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020. Ce n’est pas rien.

Pour résumer son activité, des marques paient pour que des influenceurs parlent de leurs produits et l’agence de Magali Berdah fait l’intermédiaire entre les deux. 1,2 millions de personnes la suivent sur Instagram. Elle est devenue tellement puissante dans le monde des influenceurs, en grande partie des stars de téléréalité, que la zone de porosité entre son business et les programmes de ce type s’amoindrit. Magali Berdah a été jury dans plusieurs programmes de ce type comme les princes et princesses de l’amour. Elle a également son siège de manière récurrente dans l’émission TPMP de Cyril Hanouna.

Rapide aparté pour vous dire que j’ai fait une analyse complète sur Cyril Hanouna. Si vous trouvez comme moi que TPMP est un objet très étrange mais aussi très attirant, je vous invite à lire cette analyse qui entre en détails dans la raison du succès de Cyril Hanouna.

Pour Booba, c’est un peu plus simple.

C’est tout simplement un rappeur depuis maintenant de nombreuses années. Son premier album, avec son groupe devenu culte, Lunatic, remonte à 2020 : Mauvais Oeil. Il a traversé les générations et est considéré par beaucoup comme le numéro un. Même si ses chiffres sont en dessous d’autres rappeurs comme Jul par exemple.

Booba est également très suivi sur les réseaux sociaux mais suite à de nombreuses polémiques, ces divers comptes ont été bannis. Il est revenu depuis le mois de juillet et a déjà 275 000 abonnés sur Instagram. On résume. Magali Berdah évolue donc avec son agence Shauna Events dans le monde du business et du placement de produit. Booba évolue dans le monde de la musique et de la production d’artistes. Deux mondes différents et pourtant Berdah et Booba sont tous les deux à des carrefours concernant l’évolution de leurs marques.

Honneur aux dames : on commence par Madame Berdah. Depuis plusieurs mois la directrice de Shauna Events effectue un changement de direction. La bannière qui nous accueille sur sa chaîne YouTube parle de people business et politique. Oui, vous avez bien entendu. Business et politique. Durant la dernière campagne présidentielle, Magali Berdah a produit des vidéos où elle passe 24 heures en compagnie des candidats. On la voit donc interviewer sérieusement des personnalités politiques. Et pour aller plus loin, elle n’hésite pas à poser sa candidature pour un éventuel ministère des réseaux sociaux. Quelques mois auparavant nous avons pu voir les prémices de ce changement de direction, de ce nouveau ton sérieux, et surtout crédible. Magali Berdah ainsi que plusieurs influenceuses ont été reçu par Marlene Schiappa, ministre chargé de la citoyenneté pour évoquer les violences faites aux femmes. Nous voyons donc une réelle envie de Magali Berdah de sortir de ce carcan qu’est est le placement de produit pour aller vers quelque chose de plus sérieux de plus crédible.

Quant à notre ami Booba, nous pouvons observer également une nouvelle direction. Il y a quelques mois il a annoncé sa retraite. Ou tout du moins il a annoncé son dernier album. La vérité, c’est que Booba est loin d’être bête. Il a tout simplement senti que le format album était mort. La majorité des personnes qui écoutent du rap sont des jeunes et se tourne donc vers des plateformes de streaming. Ils n’écoutent plus un album mais des morceaux par-ci par-là. C’est une manière élégante pour Booba de rester présent sans se mettre la pression de score de vente d’album. Parce que oui, rester plus de 20 ans au sommet c’est très dur. Pour rester dans l’actualité, Booba existe aujourd’hui plus par ses clashs que par sa musique. S’il veut continuer à avoir une influence sur le monde du rap et pousser les artistes qu’il produit, il se doit d’être devant les projecteurs. Et donc faire parler de lui.

Résumons à nouveau parce que c’est technique. Magali Berdah veut s’acheter une image de crédibilité en sortant du monde du placement de produit. Booba souhaite rester dans la lumière pour qu’on continue à parler de lui et des artistes qu’il produit.

Mais en réalité Magali Berdah et Booba ne sont pas les seuls à être engagé dans cette guerre.

LES PLAQUES TECTONIQUES

Allez ! On retourne en cours de SVT.

Que se passe-t-il quand deux plaques tectoniques se rencontrent ? Et bien nous arrivons à la formation d’un volcan. Volcan qui crache de la lave et qui est visible à plusieurs kilomètres aux alentours. Appliquons cette métaphore au cas de Berdah et Booba.

Actuellement, le volcan crache beaucoup de lave et tout le monde voit. Ce sont littéralement deux mondes qui se rencontrent. Deux univers avec énormément d’acteurs. C’est comme deux marques qui s’affrontent à l’image de Coca-Cola et Pepsi. On approfondira ce point juste dans le chapitre d’après.

Magali Berdah a derrière elle tout un catalogue d’influenceurs et derrière eux des communautés entières qui adorent ces influenceurs. Donc potentiellement des centaines de milliers de personnes prêtes à la croire parce qu’ils adhèrent au style de vie leurs stars de téléréalité. Peut-être même qu’ils fantasment sur le fait de devenir eux-mêmes influenceurs. C’est vrai que ça peut faire rêver de faire des stories de 15 secondes pour vendre des caleçons qui vous permettent de mincir et d’empocher au passage une somme très sympathique. À voir si ça durera dans le temps.

Il faut que j’arrête de teaser le prochain chapitre !

Quant à Booba, il n’est pas en reste. Sa communauté est très active. Elle agit sous la bannière de la piraterie et Booba nomme cette communauté les pirates. Il est quand même très smart ce Monsieur Booba. Le nom pirate est très bien trouvé. Dans l’imaginaire collectif, le pirate vole aux riches et donne aux pauvres. Le mot pirate vient du latin pirata, celui qui tente la fortune, qui est entreprenant.

Sa communauté adhère donc à ses valeurs et le rejoint sous la bannière de la marque de la piraterie. Bon, sans faire de stéréotypes, la majorité des personnes qui apprécient Booba, habite en banlieue et se déplace en RER tandis que lui habite à Miami et roule en Lamborghini. Ils ne vivent pas tout à fait la même vie mais pourtant ils ont des valeurs communes. C’est ça la force d’une marque. Booba peut donc compter sur ses fidèles qui ont ouvert de nombreux comptes fans. Difficile de faire taire cette communauté. Quand tu coupes une tête il en repousse deux. À savoir si c’est directement Booba qui est derrière ces comptes fan, c’est plus délicat. Mais ce qui est certain, c’est que cela lui offre une véritable force de frappe sur les réseaux sociaux. Nous avons donc deux communautés très différentes qui s’affrontent pour protéger leurs marques de l’extinction. D’un côté, les influenceurs et de l’autre, les pirates.

LA GUERRE DES MARQUES

Qu’est-ce qui définit une marque ? On va voir quelques points indispensables.

Premièrement, nous avons les valeurs de la marque.

La valeur principale de Magali Berdah, c’est faire de l’oseille. Et même pour aller plus loin, c’est faire de l’oseille rapidement et facilement. L’agence Shauna Events ne sélectionne pas les placements de produits qu’elle réalise. Il suffit de quelques minutes pour se rendre compte que les influenceurs, payés pour ces placements, ne testent pas les produits et que ceux-ci sont de piètre qualité. Magali Berdah privilégie donc la quantité à la qualité. Peut-être que si elle faisait l’inverse, elle gagnerait moins mais serait plus sûre de perdurer.

Booba de son côté a toujours mis en avant le fait de beaucoup travailler. Le crime paie, non, pardon, le taf paie. Booba, c’est le taf paie. Berdah, c’est le vide paie. Et le vide que génère la téléréalité amène à des placements de produits frauduleux en dropshipping. Au passage, ce vide génère quand même des millions d’euros, entre les placements de produits, les programmes télévisés, les pubs à la télévision … Berdah est au cœur de son système tout comme Booba. Ils utilisent tous les deux le personal branding, ils incarnent leur propre marque. Les stories de Booba parlent aussi bien de ses productions musicales que de sa vie clinquante à Miami avec ses enfants. De même pour Berdah, qui nous partage son train de vie luxueux par exemple à Dubaï.

Mais là où la marque Booba a un avantage sur la marque Berdah, c’est que Booba s’érige en chevalier blanc pour dénoncer un système de placement de produits et d’arnaques au CPF. Booba devient la voix des personnes non représentées. Toutes ces personnes qui se sont faites arnaquer par les placements de produits. Personnes qui n’avaient pas de porte-parole.

Résultat : il amène de nouvelles personnes sous son étendard. Il séduit certainement un nouveau public tout en rassurant son ancien public. N’oublions pas que les pirates sont là aussi pour dénoncer.

IL N’EN RESTERA QU’UN

Alors dans tout ce bordel, qui tirera son épingle du jeu ?

Après plusieurs semaines d’affrontement, on peut déjà voir se dessiner l’esquisse de victoires. Booba en relayant une soi-disant sextape de Magali Berdah va jusqu’au bout de ce qu’il est possible de faire avec ce type de public. Il utilise les mêmes stratégies que Donald Trump avec ses fake news. Même si tout le monde sait que c’est faux, ça laisse des traces dans l’inconscient collectif. Et il faudra certainement beaucoup de temps à Magali Berdah pour se décoller de cette histoire de sextape.

Un point pour Booba.

Suite à ce clash qui a pris beaucoup d’ampleur sur les réseaux sociaux, Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, s’est emparé de cette cause : les dérives du dropshipping et des influenceurs. Booba voulant dénoncer le système, est arrivé à faire peut-être bouger les choses au niveau de la réglementation.

Second point pour Booba.

De son côté, Magali Berdah a réussi à gagner en justice un premier procès qui lui a permis de bannir le compte Instagram de Booba.

Un point pour Magali Berdah.

Bon ! Évidemment, comme on l’a vu auparavant, il y a tellement de ramifications de compte de Booba que lui interdire de parler sur les réseaux s’avère être impossible. Je pense même qu’une étude de cas entière sur la marque qu’a créée Booba pourrait être intéressante. Dites-moi en commentaire si vous êtes chauds pour une analyse sur lui.

En prenant un peu de hauteur sur ce conflit, nous observons simplement deux marques qui veulent rester dans la lumière, qui sentent qu’elles doivent évoluer avec le monde qui les entoure et qu’il est indispensable pour elle d’agréger un maximum de personnes sous leur étendard pour continuer à exister. Ce qui est certain, c’est que tout le monde en parle, même moi, ici. Et tant qu’on parle de votre marque, c’est qu’elle est toujours en vie. Si personne n’en parle, c’est qu’elle n’existe pas.

Alors d’après vous, qui a gagné ce clash ?

Magali Berdah ou Booba ?

J’attends vos avis en commentaires.

Pour regarder l’intégralité de cette analyse, cliquez sur l’image ci-dessous :