Mais comment en sommes-nous arrivés à ça …
Nouvelle École, c’est la nouvelle série de Netflix dont tout le monde parle actuellement, surtout les fans de musique rap, c’est à dire la fameuse génération Z, génération née entre 1997 et 2010. Ils ont entre 12 et 25 ans donc et vivent avec les communications numériques depuis leur naissance. Ils ont baigné dans la marmite quoi !
Ça tombe bien, c’est pile poils la cible phare de la plateforme Netflix. Cette cible de la jeunesse qui fantasme et se projette sur une carrière hypothétique de rappeur. Et oui ! Il y a pléthore de candidats pour très peu d’élus. Pourquoi ça cartonne ? J’ai ma petite idée sur le sujet mais nous allons commencer avec une première partie qui revient sur les défauts flagrants de ce programme. Allez c’est parti, prenez vos popcorns !
LA FORME SANS FOND AVEC ABUS DE STYLE
Appliquons le FFS à la Nouvelle École. Parlons du fond, parlons de la forme, parlons du style. Alors on peut dire ce qu’on veut mais la forme de ce programme est tout simplement excellente. C’est très bien réalisé, c’est très soigné avec une belle lumière et on sent un vrai travail de réalisation. Mais c’est tellement bien soigné, qu’on dirait une série voire même plus, une fiction.
On s’éloigne de la réalité crue d’une sélection pour se rapprocher d’une série (montage, musique, plusieurs caméras). Alors qu’à la base, le hip-hop se veut ancré dans la réalité, Nouvelle École se rapproche de la fiction. La barrière entre le réel et la fiction est infime et nous ne savons plus si ce que nous regardons est vrai ou pas. C’est un vrai casting ou c’est une série qui parle des castings ?
Ça rejoint également le type de parole employé par la majorité des candidats qui parle d’événements très, voire trop proche de la fiction.
Ils sont tous plus énervés les uns que les autres. Ils sont tous plus fous les uns que les autres. Ils ont tous plus « fait » les uns que les autres.
Pas besoin de connaître personnellement tous les participants pour se dire qu’ils n’ont pas tous tirer sur quelqu’un ou tous dealer ou que ce ne sont pas tous de grands bandits … tout ça relève du fantasme et surtout de la caricature. Et niveau caricature, on est clairement servi. Puisqu’on a un flow pour tous et tous pour un flow. C’est un peu le cancer de ce type de rap que représente la trap.
En fait, la trap est une sous-catégorie, une sous-niche du rap, qui était d’abord un événement esseulé pour devenir un événement majoritaire. C’est exactement ce que j’explique avec le nivellement du marché pour tout type d’innovation. C’est le propre du clone qui pervertit l’innovation.
Allez ! On fait une pause pour prendre un exemple. Le premier à avoir eu le flow style trap en France était innovant, il se faisait remarquer pour ça. Je crois que c’était le premier album de Kaaris, « Or noir », qui a inventé ce style. Je ne suis pas sûr. Corrigez-moi en commentaire, parce qu’autant je suis un fan de rap, autant je ne suis pas trop fan de trap. Puis tous les clones sont arrivés sur ce marché, ont recopié l’innovateur tout en en retirant sa saveur. Résultat : on a toujours la même chose avec des traits grossis jusqu’à l’overdose. À une époque où le rap était un concours à la différence, où l’on devait être reconnu grâce à son flow, aujourd’hui, on doit être reconnu avec les mêmes attributs pour appartenir au groupe. Et ça, c’est un des gros problèmes du programme !
L’image a pris le pas sur le son et la forme sur le fond. À tel point que tous les candidats soignent essentiellement leurs styles en faisant l’impasse sur le fond. Mais le fond, c’est la base.
Si vous ne travaillez pas votre sujet comment vous voulez être pertinent ? Le mieux dans tout ça, c’est d’allier le fond, à la forme, tout en ayant un style reconnaissable.
Oui, je sais, c’est difficile mais vous êtes au bon endroit avec ces articles.
Le style seul, sans fond, est voué à l’échec. Avoir une crête bleue, c’est cool, ça va vous faire remarquer mais si derrière, vous n’avez rien à dire, on se dira c’est un fou qui a une crête bleue. Bon, quand je parle de crêtes bleues, je rigole, n’allez pas faire un tour chez votre coiffeur pour lui demander une teinture.
D’un autre côté, que le programme et les candidats s’attardent autant sur le style, c’est aussi bien joué. Parce qu’au fond, la génération Z est adepte de l’image que nous retrouvons sur les réseaux sociaux, avec leur contenus courts sans réelle valeur ajoutée mais avec beaucoup de style pour sortir du lot. Les personnages sont donc des caricatures mais les castings sont aussi des caricatures. On se retrouve dans un garage, à la cité… On ne peut pas faire plus cliché … C’est sûr que niveau créativité, on repassera. C’est d’ailleurs l’efficacité qui prime au détriment de la créativité concernant ce programme. Mais après tout ça marche. Comme dirait un de mes amis, tant que ça vend … Et oui, c’est sûr, on peut même vendre des armes, tant que ça vend !
C’est pour cela que je pense que le branding est supérieur au marketing. Le marketing sert uniquement à vendre, le branding se raccorde à vos valeurs. Les valeurs, c’est la cause de votre société. Et quand je parle de valeur, je ne parle pas de trucs grandiloquents qu’on peut retrouver sur Internet à base de bienveillance de « je veux impacter le monde » et toutes ces conneries, non ! Je parle de choses ancrées en vous-même, qui vous sont propres et qui correspondent aux valeurs de ce que vous souhaitez entreprendre.
La chaîne YouTube du Disrupteur comme ces articles ont été créés autour des valeurs de la différenciation. Moi ce que je veux au fond de moi-même, c’est que les personnes arrêtent de vouloir entrer dans une case pour plaire aux autres, arrêtent de reproduire des stratégies de copier/coller.
Mon travail, c’est de vous aider à comprendre les codes pour créer les vôtres.
Nouvelle École a parfaitement compris les codes. Et le programme s’y soumet totalement. Il surfe sur le succès des séries autour du rap. Comme par exemple, la série « Validé » de Franck Gastambide qui a eu un succès incroyable.
Aujourd’hui, on voit de plus en plus de documentaires ou de style de programme qui vont dans cette direction. Je pense notamment au documentaire sur le rappeur Soprano sur la plateforme Disney+. « Validé » c’était sur Canal+, « Nouvelle École » sur Netflix, Soprano, c’est sur Disney+.
La guerre est rude pour essayer d’attirer cette fameuse cible de la génération Z. Le programme s’assure une caution en recevant des grands noms du hip-hop qui mêlent plusieurs générations. L’incontournable Jul, Mokobé du 113, Jacky Brown de Nèg’Marrons ou encore Youssoupha.
Et à cela, on va profiter du format à succès « Rap contenders » pour greffer des battles au sein du programme. Tiens, c’est marrant ! Ils ont repris le même animateur pour les Rap Contenders, Driver. Excellent ! Ça permet de rendre encore plus floue la frontière entre ce programme et les autres programmes. Ce qu’il incorpore encore mieux dans ce que connait déjà la cible. J’en profite pour dire que j’ai fait une interview de Driver sur Dr Dre. Allez la visionner, elle est mortelle !
Et le jury ? Parlons du jury parce qu’il est en quelque sorte la représentation du défaut du programme. On y retrouve Niska, SCH et Shay. Pour les deux premiers, on ne peut nier les carrières et les influences de ces deux rappeurs dans le monde du rap. Concernant Shay, c’est plus délicat ! Son premier album a plutôt bien fonctionné mais le second beaucoup moins. À par le fait que ce soit une femme, et plutôt une belle femme d’ailleurs, on ne peut pas dire qu’elle ait vraiment une grosse influence sur le rap.
Surtout que ce qui l’a mise d’abord en lumière, c’est plutôt son bad buzz quand un footballeur lui a proposé une somme d’argent pour coucher avec elle.
Sûrement que l’idéologie de Netflix a été dans ce choix, que ce soit une femme. Mais l’idéologie de Netflix, j’en parlerai dans une étude de cas dédiée parce qu’il y a du très lourd. Dites-moi en commentaire si cela vous intéresse que Netflix passe sur le grill du Disrupteur.
SCH et l’écurie marseillaise tirent clairement leur épingle du jeu. On sent une vraie fraternité entre eux avec du fond et du style avec le maniement chirurgical des mots du coach SCH.
Le rappeur SCH pourrait aussi clairement faire l’objet d’une superbe étude de cas sur la chaîne. Là aussi, j’attends votre avis en commentaire.
DÉJÀ VU !
Le rap, c’est devenu la pop d’aujourd’hui. C’est la musique la plus écoutée auprès des jeunes. Toujours cette histoire de cible. D’ailleurs, n’oubliez pas qu’en marketing, nous parlons de cible et que pour les marques, nous parlons de public. Ce n’est pas la même manière de penser. Ce ne sont pas les mêmes mots et les mots ont un sens.
Le programme de la Nouvelle École reprend les codes érigés par l’émission à succès « The Voice ». Le jury est globalement gentil. Alors que dans le rap, c’est censé être le monde du clash je vous le rappelle !
Nous retrouvons également une grosse mise en scène des auditions, rappelez-vous du garage, de la cité … Et le pire dans tout ça, c’est qu’ils reprennent même les mots. On appelle plus les participants des candidats mais des talents. Alors que le terme talent … Bon voilà quoi. Et ils sont coachés par des personnalités confirmées.
Par exemple, dans le programme de TF1, on retrouve Corneille et Christophe Willem en co-coach et bien dans Nouvelle École, nous retrouvons Dinos et Doria dans ce rôle. Pour faire simple, Nouvelle École est une version plus nichée de « The Voice », un « The Voice » spécial rap : un programme ultra standardisé, uniformisé pour un milieu musical de plus en plus conforme alors que cette musique est à la base rebelle. À la source, le rap s’inspire de tout alors qu’aujourd’hui, il a tendance à se recroqueviller sur lui-même. Il ne manquerait plus qu’il fasse une tournée tous ensemble avec une chanson en commun et la boucle sera bouclée.
Ce serait alors comme The Voice, Star Academy ou Nouvelle Star mais en version rap. Idéal pour plaire à la génération Z et vendre un max sans réel fond. Mais si on pouvait éviter de le toucher quand même …
LE RAP, C’ÉTAIT MIEUX AVANT … OU PAS !
Bon là, je fais un peu mon vieux con, parce que c’est vrai que j’aurais tendance à dire que le rap, c’était mieux avant.
Mais d’un autre côté, je ne peux pas nier qu’il y a quand même de très bons artistes qui émergent de cette clownerie de masse. Le programme Nouvelle École voit naître des artistes comme Elyon, KT Gorique, Vink ou encore BB Jacques qui ont une réelle différence à apporter sur ce marché.
N’oubliez pas ! La différence est importante uniquement si elle est mêlée à la forme et au fond. Mais concernant ces talents, (putain !) je me mets à parler comme dans The Voice maintenant, nous pouvons quand même nous poser cette question : auraient-ils eu le même succès en comptant uniquement sur leur talent et les nouveaux moyens de communication (les réseaux sociaux) plutôt que sur des programmes télévisés ? C’est là où je trouve qu’il y a un manque de cohérence.
Aujourd’hui, la cible de Netflix se trouve sur les réseaux sociaux. Pourquoi ne pas produire une série uniquement disponible sur les réseaux sociaux ? Et oui ! Je suis idiot, il faut bien payer l’abonnement pour accéder à Netflix. Peut-être que ce serait disruptif. En tous les cas, le programme semble fonctionner vu le nombre de partages de petites séquences qu’on peut retrouver sur les réseaux. Et surtout sur TikTok, qui a pour cible principale la génération Z.
Là où il y aurait eu clairement une carte à jouer en terme d’innovation sur ce programme, c’est sur l’explication de la conception de morceaux, sur l’écriture, sur la conception dans l’album …
Tout cela est éludé dans le programme parce que ce n’est pas très visuel et ce n’est pas très vendeur alors que ce sont des rouages pourtant essentiels pour créer quelque chose d’intéressant. Là aurait été le challenge. Transformer quelque chose de complexe en quelque chose de simple à comprendre. Ce programme s’appelle Nouvelle École mais il aurait pu tout simplement s’appeler « Toujours la même école ».
Et qu’est-ce qu’on nous apprend à l’école ? À donner une bonne réponse à un moment donné. Alors que le créatif peut avoir plusieurs bonnes réponses à une question donnée.
Pour aller plus loin sur les codes de la publicité, pour maîtriser ceux qui essaye de vous maîtriser vos pensées, je vous invite à compléter cette analyse en lisant l’interview avec l’excellent publicitaire David Breysse qui nous explique tous les rouages de la publicité.
Si vous souhaitez voir l’intégralité de l’analyse de la série de Netflix “Nouvelle École”, cliquez sur l’image juste en dessous :