Vous ne pouvez pas être passé à côté de ça. Tout le monde en lit. Tout le monde regarde. Et donc tout le monde en achète.
Il vous suffit juste d’aller faire un petit tour dans votre librairie préférée du coin pour vous rendre compte à quel point l’expansion du rayon mangas est impressionnante. Des centaines de titres qui s’arrachent comme des petits pains. Des animés qui battent des records d’audience. Bienvenue dans le phénomène mangas.
Et pourtant la bande dessinée était depuis des décennies entièrement cadenassée par deux grands leaders. Les mangas ont grandi dans la souffrance est dans la difficulté. Mais ils ont fini par s’imposer dans le paysage culturel français. Que dis-je. S’imposer ? Ils ont tout explosé. Mais en fait, tout était écrit. Chaque brique s’est assemblée pour arriver à ce succès.
Dans cet article, on va analyser comment ils sont partis d’un marché de niche pour s’étendre. Comment ont-ils su innover pour aller déloger des leaders sclérosés ? Et aussi pourquoi leur leadership commence déjà à être contesté …
LES CHIFFRES
Peut-être que vous ne connaissez pas ce type de bande dessinée et que vous pensez que je suis tombé sur la tête pour faire carrément une analyse sur ce phénomène.
Et bien, vous avez en parti raison. Dans cet article, nous ne faisons pas les choses comme les autres. Parce qu’après tout, c’est en ne faisant pas comme les autres que l’on se sent encore plus soi-même.
Les mangas, ce n’est pas un simple phénomène. C’est carrément un raz de marée. Laissez-moi vous parler des chiffres.
Les ventes augmentent régulièrement (+54 % en dix ans) depuis la première édition française en 1989. En 2020, une BD vendue sur deux était un manga avec une hausse de 19% des ventes par rapport à l’année précédente. 29 millions d’exemplaires ont été achetés entre janvier et fin août 2021, soit un bond de 126 % par rapport à la même période en 2020. 1500 titres différents sortent tous les ans en France, ce qui fait de notre pays, selon les données, le deuxième marché du manga après le Japon.
Leader sur le marché, les éditions Glénat font le même constat : depuis 2020, la part des mangas dans leur chiffre d’affaires est passé de 35 à 40 %, une véritable augmentation au vu de la somme modique (entre 6 et 7 €) de chaque tome. Pour One Piece (série créée en 1997), 480 millions albums se sont vendus dans le monde (contre 270 millions de Tintin, à titre de comparaison). La Japan Expo créée pour les fans de ces livres, est devenue l’évènement le plus visité en France juste derrière le salon de l’automobile et le salon de l’agriculture. Les français sont donc de grands fans de voiture, de nourriture et de … manga. Convaincus ?
Et bien parlons maintenant de la genèse.
LITTLE BOY
Pour comprendre le succès d’une innovation, nous devons nous pencher sur trois critères. Le contexte, la faisabilité et l’idée.
L’origine du contexte du succès des mangas commence dans la poussière, les décombres et la mort. Entre 70 000 et 80 000 personnes meurent instantanément lorsque Little Boy, la bombe nucléaire lancée par les américains sur le Japon pendant la seconde guerre mondiale, s’écrasa sur Hiroshima. Le Japon est marqué au fer rouge par cette tragédie.
Au lendemain de la guerre, l’occupation américaine serra la vis au niveau de la censure et confisqua toutes les images de Hiroshima post-destruction, avant de les rendre dans le courant des années 60, en plus d’interdire les premier mangas (qui veut simplement dire dessin dérisoire) d’arts martiaux et les aventures historiques jusqu’à leur départ de l’archipel en 1952.
En plus d’avoir vécu une véritable tragédie, le Japon est ruiné. Pour répondre à une très forte demande de distraction bon marché, les mangas se sont multipliés au lendemain de la guerre. Les décennies 1950 et 1960 sont celles de l’essor du manga au Japon. De mensuelle, la fréquence de parution des magazines de pré-publications (recueils de mangas) devient hebdomadaire.
Toute une génération de mangakas se lance dans le manga d’aventures. Ils dessinent et écrivent à un rythme frénétique pour satisfaire un public toujours plus friand. La machine est lancée.
De plus, les comics américains commencent à déferler au Japon, ce qui va alors inspirer les auteurs japonais, participer à la création d’un style de dessin bien particulier et encourager la production japonaise. Les ventes explosent. Mais la mode manga ne touche encore que son pays d’origine. On est bien loin du rayonnement mondial des années qui vont suivre. Un petit coup de pouce du destin va permettre au manga leur prolifération sur le marché de l’Oncle Sam dans un premier temps.
Les accords du Plaza, du nom de l’hôtel Plaza à New York, sont des accords monétaires internationaux destinés à stabiliser les taux de change et à maîtriser le cours du dollar. Ils sont signés en 1985 et entraînent une vague d’investissements japonais à l’étranger. Trop de Japonais aux pays de la bannière étoilée ne sont pas bien vus par les américains qui ont un sens du patriotisme extrême. Les mangas qui arrivent avec les Japonais sont alors vus comme une contre-culture qui peut influencer l’Amérique. Ce qui est sulfureux attire.
Le danger capte surtout la jeunesse qui aime tester jusqu’où elle peut aller. Ça tombe bien les mangas sont clairement créés pour elle. Mais ça on en parlera plus en détail dans le chapitre suivant. Lorsqu’un marché est difficile à pénétrer, que pouvons-nous faire pour rendre notre produit attractif ? L’être humain a une nature à aimer la controverse. Il suffit de voir combien de journaux à sensation sont vendus par jour pour s’en rendre compte. Une une un peu aguicheuse, un peu sulfureuse, donne beaucoup plus envie de lire qu’une une banale et commune.
J’ai pu observer exactement le même phénomène sur mes vignettes. Plus le visuel est tranchant, plus le texte est tentant et plus il y a de clics. Penchez-vous sur votre stratégie de communication de marque. Comment pouvez-vous la rendre plus sexy ? Plus sulfureuse ? Sans aller vers le trash bien sûr.
La marque doit avoir un conflit pour agréger une communauté autour d’elle. Communauté qui se réunit autour des valeurs de la marque. Faites le mal mais faites le bien. Enfin quand je dis le mal, c’est pour vos détracteurs bien entendu. Le mal pour votre communauté c’est le bien … Bon ! C’est un peu compliqué tout ça c’est pourquoi j’ai fait une analyse complète sur ce sujet que j’ai intitulée “Faites le mal mais faites le bien”.
Les mangas ont donc infiltré les USA mais qu’en est-il de l’hexagone ? L’éditeur Glénat va ouvrir la voie en publiant les premiers mangas en France. Mais en réalité, le terrain était déjà fertile grâce à la légendaire Dorothée.
ET MES CHAUSSETTES ROUGES ET JAUNES À P’TITS POIS !
Vous êtes quarantenaire ? Vous lisez cet article ? Et bien c’est votre moment. Vous allez kiffer mais avant continuons l’avancée de la conquête mondiale du manga en passant par notre pays préféré, la France.
En 1980, l’émission Récré A2 diffuse des dessins animés japonais comme Albator, Goldorak ou Candy. Ces programmes sont très bon marché et inédits. Ils sont casés dans les émissions pour enfant.
Comme dirait mon pote Aristote : « La nature déteste le vide ». La nature exige que tout espace soit rempli de quelque chose, même si ce quelque chose est incolore et inodore. Il en est de même pour le business. Si une offre n’est pas pourvue mais qu’elle est nécessaire, alors l’offre incolore et sans saveur suffira jusqu’à ce qu’une offre digne de ce nom prenne le marché. #ledisrupteur
D’où l’intérêt de savoir saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent à vous. Attention tout de même à ne pas se précipiter et d’avoir un minimum de temps d’observation. Foncer c’est bien mais foncer en évitant le mur, c’est mieux. Aux États-Unis comme en France, le dessin animé était encore irrémédiablement associé à l’enfance et l’idée d’une animation pour adultes ou même pour jeunes adultes était considérée comme un non-sens une anomalie … alors qu’aujourd’hui même si les mangas, qui sont initiateurs de dessins animés, ont pour cible essentiellement les plus jeunes, ils touchent tout type de public globalement.
Les premiers touchés furent les enfants avec de nombreux dessins animés qui leur étaient destinés. Mais on était bien loin des sujets un peu niais de l’époque, les dessins animés proposaient des sujets plus vastes, avec des scénarios plus complexes, pouvant plaire à des adolescents. Et ces derniers s’y sont très vite intéressés.
Prenons l’exemple de Goldorak. Actarus, ça, c’était un bonhomme ! Toute mon enfance ! Goldorak se différencie des dessins animés occidentaux de l’époque par un scénario de science-fiction innovant faisant ricochet à la folie Star Wars du moment (qui venait de sortir au cinéma). Le manga a donc attaqué le marché des enfants (Candy, Astro le petit robot), puis des adolescents (Albator, Goldorak) et enfin des adultes avec des sujets plus poussés (Ghost in the shell, Akira). Une excellente manière d’infuser dans un marché tout en se disséminant dans toutes les couches de la population.
Schématisons :
– Première cible : les enfants qui représentent le cœur des consommateurs de mangas.
– Puis on élargit un peu en allant chercher les adolescents qui représentent un public fortement concerné,
– et ensuite on élargit encore un peu plus pour toucher les adultes qui sont un peu moins nombreux.
Surtout qu’il est à noter que le prix des mangas correspond complètement au cœur de cible avec son prix très attractif. Un enfant de 8 ans peut trouver facilement 7 ou 8€ pour acheter sa série préférée en manga. Mais pour avoir de l’argent de poche, il faut bien travailler à l’école les enfants … ou pas. Les mangas sont peu considérés. Tout comme les jeux vidéo. Et pourtant, ce sont de véritables industries avec de vraies innovations et une manne financière indéniable. Concernant les jeux vidéo, j’en parle plus en détail dans l’analyse “Assassin’s Creed, quand tuer des gens devient génial”, jeu qui a su innover et surtout durer dans le temps.
Les dessins animés japonais sont peu coûteux et rencontrent un succès d’audience fulgurant.
De 1980 à 1990, les chaînes privées se lancent aussi dans la diffusion des animés, encouragées par le succès considérable qu’ils rencontrent sur Antenne 2. La Cinq en diffuse un grand nombre comme « Jeanne et Serge » en 1987 et « Olive et Tom » en 1988. Preuve de l’engouement de la jeunesse, ces deux dessins animés entraîneront de nombreuses inscriptions dans les clubs de volley-ball et de football.
A cette période, on assiste à une vraie bataille d’audience qui est en réalité une mise à niveau du marché. Lorsque ces animés sont arrivés sur le marché, ils étaient assez peu nombreux. Le marché observait ceux qui avaient innové (en l’occurrence ici Récré A2, l’émission jeunesse de la seconde chaîne). Après une période d’adaptation, l’innovation entraîne une hausse de créativité sur le marché global.
Comme on peut le voir sur ce schéma, l’innovation est à un moment seul sur son marché.
Tout le monde l’observe. En fonction de ces résultats, le marché va s’adapter et monter au même niveau qu’elle. Ce qui va niveler le marché au niveau des offres qu’il propose.
Jusqu’à l’innovation suivante qui va encore permettre au marché d’évoluer.
Mais celle qui va réellement croire plus que tous dans cette énergie incroyable que suscitent les dessins animé japonais, c’est la directrice des programmes jeunesse de l’époque, Dorothée. Le Club Dorothée est un programme jeunesse qui arrive sur TF1 en 1987. Forte de gros succès d’audience et de temps d’antenne jusqu’ici inégalés (l’émission occupera jusqu’à 26 heures d’antenne par semaine et plus de quarante en période de vacances scolaires), Dorothée récupère quasiment tous ces fameux dessins animés pour les diffuser sur TF1. Un jeune téléspectateur sur deux regardait le Club Dorothée. Allez ! On se fait un kiffe.
Dorothée arrive donc au moment parfait pour contrôler tout le marché. Mais qui dit hégémonie dit exposition agrandie.
Elle devient le symbole d’un nouveau type de programme qui est rejeté par la bien pensance globale. Ségolène Royal, alors député dans les Deux-Sèvres publie en 1989, aux éditions Robert Laffont, un livre intitulé « Le Ras-le-bol des bébés zappeurs » où elle attaque clairement le type de programme que met en avant Dorothée. Avec le temps, Ségolène Royal réussira à faire arrêter cette émission culte que fut le club Dorothée (qui cartonnait toujours en audience).
Aujourd’hui, ces dessins animés sont partout et les mangas ont des rayons de plus en plus grands dans les librairies. On ne peut stopper une innovation. Si celle-ci rencontre son public, vous deviendrez leader du marché, leader de mouvement et donc forcément beaucoup plus exposé à la critique de la concurrence (ou autres).
Un entrepreneur manageur est un entrepreneur qui développe sa société en allant uniquement conquérir de nouvelle part de marché. Un entrepreneur innovateur est un entrepreneur qui porte une réelle vision sur son marché. Vision portée par ses innovations. La vision est plus importante que le chemin. La vision c’est votre objectif. Le chemin c’est les outils qui vous permettront d’atteindre votre objectif.
POURQUOI ÇA FONCTIONNE ?
Quand le bon message rencontre la bonne audience au bon moment, c’est le succès assuré. Ça paraît simple de le dire mais, c’est plus difficile à faire. On l’a vu il y a quelques minutes, les enfants sont la cible principale des mangas. Le prix est adapté pour ce public. Les livres sont bon marché et avec un petit budget, il est très facile de s’en procurer surtout lorsqu’ils sont disponibles dans de nombreux points de vente. Les librairies mais aussi les centres commerciaux comme Auchan ou Leclerc ont vite compris l’engouement de la jeunesse pour ce type de bandes dessinées. Les mangas étant conçus en série, ils incitent à la consommation. Ça va vite à lire et donc on veut vite lire la suite. Une des innovations majeures apportée par le manga est que les séries se suivent comme des feuilletons. Ainsi, cela permet de développer des scénarios parfois complexes, contrairement au dessin animé occidental dont les épisodes étaient autant d’histoires séparées qui ne présentaient pas de continuité dans leur déroulement. Cela s’apparente à la série TV. Les lecteurs attendent le volume suivant. Il arrive souvent beaucoup plus vite (environ trois mois en moyenne) que dans la bande dessinée franco-belge où l’on attend parfois un an, deux ans ou plus.
Gros argument contre la concurrence dont on parlera en détail dans le chapitre suivant. Il faut aller vite. D’autres médias ont très bien saisi l’intérêt de rendre le maximum de contenu disponible le plus rapidement possible. Netflix utilise la même stratégie.
Avant l’arrivée de cette plateforme de streaming, il était courant d’attendre plusieurs semaines pour avoir la suite de sa série préférée. Ce phénomène a volé en éclat avec l’arrivée de Netflix qui propose l’intégralité des épisodes tout de suite. Les spectateurs et les lecteurs impatients en ont donc pour leur argent. Surtout que plus on est jeune, plus il est difficile d’être patient.
Le test du marshmallow est une étude sur la gratification différée conduite en 1972 par le psychologue Walter Mischel. Un marshmallow est offert à chaque enfant. Si l’enfant résiste à l’envie de manger le bonbon, il en obtient par la suite deux autres en guise de récompense.
Les scientifiques analysent ici la durée pendant laquelle chaque enfant résiste à la tentation. Les enfants sont seuls dans la pièce avec aucune distraction autour d’eux. Seuls avec la tentation. Certains pleurent, d’autres trépignent ou encore se cachent les yeux. La tentation est très forte devant cette gratification immédiate.
C’est exactement pareil pour l’enfant qui veut avoir la suite du manga qu’il vient de dévorer. Il sait que le prochain tome est tout de suite disponible et qu’il peut facilement l’avoir pour quelques euros. Toutes les barrières qui doivent le retenir sont cassées (le prix, la disponibilité). Toute notre société se construit sur cette gratification immédiate qui est accentuée par l’effet des réseaux sociaux. « Vite ! Il me faut des likes sous mon post ». « Vite, je veux plus d’abonnés pour ma chaîne YouTube ». Ou encore : « même si je fais attention à ma ligne, je peux bien manger ce petit chocolat, ce n’est rien, ça passe ». Et croyez-moi, pour le chocolat, j’en sais quelque chose.
Dans leurs cours d’école, les enfants parlent des exploits de leurs héros préférés. L’aspect pluri-médiatique séduit beaucoup. La culture du manga se déploie à la fois sur le papier et en série animée. Le livre devient un objet de partage. Entre pairs, on se demande si on a lu, regardé, ou pas, le dernier tome d’une saga – comme avec une série TV. Si on ne l’a pas eu ou lu, on se retrouve mis de côté. L’enfant a donc peur de rater quelque chose d’important au vu de lui-même et surtout vis-à-vis du groupe. C’est ce que l’on appelle le FOMO ou la peur de rater quelque chose, acronyme de « Fear of missing out ». Le mot traduit l’anxiété qui pousse de nombreuses personnes à rester connectées en permanence pour ne pas risquer de manquer un événement.
Une conséquence directe de l’utilisation galopante des technologies numériques, et notamment des réseaux sociaux. Les enfants ne sont pas les seuls, c’est exactement pareil pour les adultes avec les réseaux sociaux. Souvenez-vous que tous ceux-ci ne sont que des distractions qui vous éloignent de votre objectif. La vision est plus importante que le chemin. Oui, je sais, je me répète mais c’est important. L’enfant subit donc la gratification immédiate, le FOMO ainsi que la pression du groupe. J’ai réalisé une analyse entière pour vous aider à comprendre et surtout à combattre ce phénomène. Il est très difficile de résister à cette pression surtout lorsque nous faisons des choses qui diffèrent de notre entourage.
Dans un manga, il peut y avoir de l’humour, de l’aventure, de l’émotion mais aussi de vrais sujets de société ce qui fabrique des styles pour tout type de public. Le terreau était favorable pour l’explosion du manga en France.
Des dizaines d’années de diffusion de dessins animés ainsi que de nombreux jeux vidéo ont préparé le public français. Les messages sont assez différents de ce que l’on trouve jusque-là dans la bande dessinée franco-belge ou dans les comics américains. La nouveauté séduit. Le Japon en récolte les fruits. Les nombreux fans de mangas sont imprégnés de la culture japonaise avec leurs lectures. L’histoire, les coutumes, le jargon … tout leur donne envie de voler vers le pays du soleil levant pour découvrir cette culture. Le soft power du Japon agit.
C’est une puissance douce, qui représente les moyens non contraignants de la puissance, généralement d’un État et en particulier, parmi ces moyens l’influence culturelle. … J’en parle plus en détail sur l’analyse que j’ai réalisée sur BFM TV qui fut la première chaine d’info avec un véritable succès en France.
UN PIED SUR LA CONCURRENCE
Le marché de la bande dessinée se divise en trois grandes catégories. La bande dessinée franco-belge (Tintin, Astérix), les comics américains (Marvel et DC Comics) ainsi que les mangas.
La bande dessinée franco-belge régnait sans partage sur le marché français. Le problème quand on est leader, c’est qu’on a tendance à rester immobile. Un leader, pour qui le mouvement devient plus difficile de par sa complexité, à tendance à s’endormir et à ne pas prendre de risque. « Ça fonctionne comme ça, pourquoi changer », mais c’est le changement qui provoque les ruptures.
La domination des leaders est toujours remise en question par des challengers qui se permettent de disrupter en adressant une nouvelle offre à un groupe mal desservi. Ce type de bandes dessinées a toujours le même format, le même type de narration, avec des fers de lance qui sont là depuis des lustres.
La bande dessinée franco-belge a fini par être en décalage avec l’audience qu’elle servait au départ : les enfants. Ceux-ci se sont donc tournés vers des bandes dessinées plus attractives plus en phase avec leurs temps : les mangas. C’est identique avec l’industrie des comics qui sont toujours dirigés par les deux sacro saints leaders depuis des dizaines d’années : Marvel et DC. Superman, Batman, Spiderman, les Avengers … c’est cool mais ça fait des années et des années que l’on ne cesse de nous narrer en gros les mêmes aventures, avec les mêmes personnages et le même style de narration.
Ce marché aurait pu avoir un second souffle avec le succès des films Marvel au box-office mais ce n’est pas le cas. On peut même voir une certaine « japonisation » des dessins sur les comics. Les Tintin, Astérix et autres, personnages intemporels et immortels, lassent alors les jeunes lecteurs. Ils ne se retrouvent pas dans ces personnages que leurs parents et même leurs grands-parents ont connu et qui sont tellement éloignés d’eux. C’est quand même plus super cool de lire un bon Naruto qu’un Tintin au Turkménistan même si je ne suis pas sûr qu’il y soit allé. D’où l’intérêt de ne jamais s’endormir sur ses lauriers afin de rester en cohérence avec le public concerné.
Souvenez-vous de Kodak ou de Nokia qui étaient leaders sur leur marché et qui se sont vus complètement disruptés par de nouveaux acteurs beaucoup plus agressifs et beaucoup plus dans l’air du temps. Comme disait mon ami Myke Tyson « Rester toujours en mouvement permet d’éviter les coups ». Je ne suis pas certain qu’il ait vraiment dit ça. La communauté de fan de manga est également très active et participe au succès de ce mouvement. Ils traduisent les dessins animés pour qu’ils soient rapidement disponible (souvenez-vous du FOMO). Cette pratique s’appelle le fansub. La communauté propose également les scans traduits des derniers mangas, scantrad, directement disponible depuis un smartphone. En gros, ils ont accès à tout, tout le temps.
CONCLUSION
Les mangas ont été une bouffée d’air frais pour un pays marqué par la guerre et la tragédie de la bombe nucléaire.
Après s’être imposé au Japon, ils ont su conquérir les États Unis puis la France bien aidés par l’essor du dessin animé, initiés par la seconde chaîne de télévision puis par Dorothée et son mythique club Dorothée.
Les mangas ont su casser les codes, en proposant des séries innovantes de par leurs sujets, et des prix très abordables, 7€ le tome, tarif qui correspond parfaitement au public visé. En inondant le marché français, on parle quand même de 1500 titres différents par an, les mangas sont arrivés à remplacer un leader vieillissant et sclérosé. La BD franco-belge n’a pas su s’adapter à un public qui avait une demande différente. En s’endormant sur son leadership, elle s’est faite réveiller par un acteur disruptif.
En attaquant le marché par le cœur de cible, les enfants, puis en élargissant progressivement, adolescents et adultes, ces séries japonaises sont devenus incontournables sur le marché hexagonal de la bande dessinée.
Cependant, un nouvel acteur pointe déjà le bout de son nez pour réclamer sa part. Une autre contrée asiatique commence à disséminer ses œuvres en France : les bandes dessinées coréennes. Recopiant le modèle du manga, elles abreuvent le marché. On arrive presque à une saturation de l’offre. Même si les mangas restent très abordables, les principaux intéressés ne peuvent tout acheter. Trop de choix tuerait-il le choix ? Personnellement, j’ai toujours eu du mal à lire des mangas. Je préfère les beaux livres et j’ai la nette impression que ces bandes dessinées japonaises restent des livres jetables mais peut-être que je suis trop vieux et que je finirais par être l’énième copie d’une copie pour finalement me transformer en photocopieur.
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