ASSASSIN’S CREED : QUAND TUER DES GENS DEVIENT GÉNIAL

Comment se renouveler pour rester le leader de son marché ? L’industrie du jeu vidéo est très concurrentielle avec des avancées technologiques qui arrivent de manière très régulière. Maintenir un haut niveau de satisfaction des joueurs est très difficile. Avec ses 140 millions de jeux vendus, la licence Assassin’s Creed de Ubisoft a parcouru le temps. Une franchise qui dure autant de temps, c’est très rare dans le monde du jeu vidéo. Joueur occasionnel, je me suis vite détaché de la franchise en pensant avoir déjà tout vu avec les deux premiers volets qui étaient sortis en 2007 et 2009.

Des années plus tard, j’ai été converti grâce à mon neveu qui m’a convaincu de tester la nouvelle version du jeu, Assasin’s Creed Origins, qui opère un tournant majeur dans la saga. C’est également lui qui m’a démontré l’intérêt du Playstation Network. On a ici une preuve qu’il est toujours très intéressant de discuter avec des personnes qui sont plus jeunes ou plus âgées que nous et qui sont donc plus à même de connaître des choses dont nous n’avions pas connaissance. Il faut être ouvert à tout type de personnes qui peuvent nous apporter un nouvel angle sur la manière de voir les choses dans la vie privée comme dans le business.

Le PlayStation Network est une excellente école pour apprendre à vendre des produits. Je vous invite à surfer quelques minutes dessus pour comprendre rapidement toute la puissante de cette plateforme. Mais aujourd’hui on va se concentrer sur la saga Assassin’s Creed puisque cette franchise a marqué l’histoire du jeu article, avec une réussite incroyable mais aussi une grosse remise en question pour rester leader du marché.

Dans la première partie nous verrons comment cette saga s’est créée, il est toujours important de contextualiser. On verra également comment l’équipe de Ubisoft a créé une rupture dans une continuité pour prolonger la réussite de cette saga sans tomber dans l’indifférence totale comme la majeure partie des jeux vidéo. Dans la troisième partie, on analysera les chiffres mirobolants qui tournent autour de la franchise. Puis on décortiquera quels ressorts sont utilisés dans le jeu de Ubisoft pour nous rendre accros à Assassin’s Creed.

AU COEUR DE L’HISTOIRE

Assassin’s Creed est un excellent exemple de création de produit qui change un marché en créant une expérience client très poussée. La saga atteint son firmament pour ensuite péricliter. Mais c’est sans compter sur les talents des équipes de développeurs d’Ubisoft qui relèvent le challenge en 2017 avec de grandes innovations pour ce jeu vidéo. Mais tout ça, on va parler par la suite.

Petit flash-back dans le passé : Ubisoft, créé en 1985 par la famille Guillemot, est le champion français des jeux vidéo. Le studio est le créateur de jeux à succès comme Rayman (15 millions d’exemplaires sur les différentes versions), Prince of Persia, Splinter Cell, Ghost Recon, Watch Dogs… Et j’en passe. Le studio travaille sur un spin off de Prince of Persia. Un spin off est une série dérivée d’une autre déjà existante. Par exemple, la série Fear The Walking Dead est un spin off de la série Walking Dead. Le sujet principal est utilisé pour créer une autre série, avec d’autres personnages, à un autre moment. Prince of Persia a eu de multiples versions. La première datant de 1989.

Je sais qu’en regardant cet extrait, on peut se dire : « mais qui pouvait jouer à ce truc ? »

Et bien moi puisque j’y ai joué sur mon ordinateur IBM de l’époque où les consoles de jeux n’existaient pas.

Le premier Prince of Persia était déjà très en avance sur les possibilités de mouvement du personnage. L’équipe d’Ubisoft abandonne très rapidement l’idée du spin off pour faire de ce jeu, un jeu à part entière. En s’inspirant de Prince of Persia et en y incluant des mouvements d’experts de parkour (une discipline sportive acrobatique qui consiste à franchir des obstacles urbains ou naturels), on arrive au premier Assassin’s Creed.

Bien qu’inspiré de Prince of Persia, Assassin’s Creed enterrera cette ancienne licence, le prince du désert n’ayant pas eu de nouvelles versions depuis. Le nouveau produit étant meilleur que l’ancien, il était inutile de continuer à travailler sur l’ancien.

Le premier opus de la saga sort en 2007 et se déroule durant la troisième croisade en 1189. Il voit s’opposer la confrérie des Assassins et celle des Templiers. On joue le personnage de Desmond qui est plongé dans un univers virtuel géant, l’Animus, qui nous transporte dans une époque du passé. L’Animus est dirigé par une association qui s’avère être les méchants du scénario, les Templiers. Nous, nous jouons le descendant d’un assassin. Le jeu utilise la thématique du complot qui est aujourd’hui très en vogue. Mais ça, on en parlera plus en détails dans la suite.

Le premier volet de la saga marque les esprits avec une liberté de se mouvoir jamais vue jusqu’alors dans le jeu vidéo, une grande qualité dans la reproduction des décors historiques, ainsi qu’un scénario très novateur. Assassin’s Creed premier du nom ouvre ainsi un champ des possibles avec ce qu’on appelle un monde ouvert (open world) où l’on peut grimper et évoluer avec une grande fluidité dans un univers en trois dimensions.

En gros, on peut faire presque tout ce qu’on veut. S’en suivra de nombreuses suites :

Assassin’s Creed en 2009,

Assassin’s Creed II en 2009 aussi,

Assassin’s Creed Brotherhood en 2010,

Assassin’s Creed Révélations en 2011,

Assassin’s Creed III en 2012,

Assassin’s Creed IV Black Flag en 2013,

Assassin’s Creed Rogue en 2014,

Assassin’s Creed Unity en 2014,

Assassin’s Creed Syndicate en 2015,

Ainsi que trois opus de plus qui renouvelleront la saga :

Assassin’s Creed Origins en 2017,

Assassin’s Creed Odyssey en 2018

et Assassin’s Creed Valhalla en 2020.

Mais ça, c’est pour la suite de l’article.

Le premier jeu est un succès et ouvre la voie pourtant avec ses actions plutôt répétitives, il n’est pas totalement convaincant. C’est surtout le deuxième opus de la saga qui installe une histoire et un gameplay complet. L’action se situe en Italie. Le point fort du jeu est la modélisation les grandes villes de l’époque qui souligne l’aspect historique du jeu. Florence et Venise y sont reconstituées à l’identique. C’est un gros travail historique. En plus de cela, on croise des personnages clés de l’époque comme Léonard de Vinci, peut-être un des plus grands disrupteurs de l’histoire. C’est Assassin’s Creed II qui établit la recette pour tous les jeux suivants.

Léonard De Vinci

Fort de ce succès, Ubisoft décide alors de sortir un jeu tous les ans. Autant traire la vache tant qu’elle a du lait !

Malheureusement, c’est ce qui causera aussi le malheur de la franchise puisqu’il est impossible de produire l’excellence à la chaîne.

Le phénomène de rareté accentue la volonté du client à acquérir votre produit surtout si celui-ci est de qualité.

J’en parle plus en détails dans l’article où j’évoque la stratégie de la marque de montres de luxe Rolex. Foncez lire cet article si vous souhaitez vendre vos produits à un prix plus élevé.

Les volets de la saga s’enchaînent et on continue à incarner un personnage du passé, à chaque fois dans une époque différente. Le troisième opus Assassin’s Creed Brother Hood marque une amélioration importante de la saga en permettant de contrôler d’autres assassins en même temps que le personnage principal. C’est ce qu’on appelle une innovation incrémentale. L’innovation incrémentale consiste à améliorer la valeur d’un produit existant par des petites évolutions successives sans changer intrinsèquement le produit.

Les trois premiers opus de la saga cartonnent au niveau des ventes mais les joueurs souhaitent voir plus de nouveautés. Assassin’s Creed III arrive en 2012 mais déçoit au niveau du scénario. Malgré ce succès en demi-teinte, le jeu incorpore à nouveau une petite touche de nouveauté : des batailles navales très réalistes. Cela en fait un jeu avec de grandes ambitions mais qui n’était pas à la hauteur.

Le studio Ubisoft continue sur ces rails sans écouter réellement les fans de la saga qui commencent à gronder pour voir plus de nouveautés. Lorsque l’on pense à son produit, il est toujours très important de penser au socle de ses clients, aux clients les plus fidèles, autrement dit les fans. Ce sont eux qui permettront un bouche à oreille important et une diffusion du produit de la meilleure manière qu’il soit.

Dans l’industrie du cinéma, on a pu voir un naufrage cinématographique avec le film Justice League. Le studio Warner ne respectait en aucun cas la vision du réalisateur original Zack Snyder qui était très apprécié des fans. Cela a été une catastrophe au niveau de la billetterie ainsi que de la critique. J’ai fait un article sur ce sujet qui vous explique pourquoi il est indispensable de respecter la vision de vos premiers clients, ceux qui sont les plus fidèles.

Les batailles navales seront au cœur du jeu suivant Assassin’s Creed Black Flag qui est un jeu de pirates qui utilise simplement la structure des jeux Assassin’s Creed.

Le jeu suivant Assassin’s Creed Unity sort en 2014. Il marque un gros coup d’arrêt pour la série puisque les joueurs relèveront énormément de bugs, ce qui contribuera à une très mauvaise presse concernant ce volume, beaucoup de joueurs partageant les photos de bugs sur Internet.

Mais Ubisoft persiste et sort Assassin’s Creed Syndicate en 2015, histoire qui se déroule durant la révolution industrielle de Londres. Même si les fans sont heureux de voir que cet épisode est de meilleure qualité, la série Assassin’s Creed est en perte de vitesse. Syndicate, se vend près de deux fois moins qu’Assassin’s Creed IV Black Flag, sorti deux ans auparavant.

La saga s’essouffle. Les ventes ne suivent plus. Beaucoup de jeux Assassin’s Creed sortent à intervalles très courts à raison d’un jeu par an. Les chiffres de ventes sont mauvais.

La première semaine de vente de Syndicate est la plus basse depuis la création de la franchise Assassin’s Creed. Cela fait huit ans que la saga existe et si elle veut perdurer, elle doit se renouveler. On voit ici que le studio Ubisoft persiste parce qu’il pense mieux connaître son produit que les utilisateurs eux-mêmes.

Il est important d’écouter le retour des clients.

Sans eux, il n’est pas possible d’améliorer son produit et donc de continuer à bien vendre voire même d’améliorer ses ventes. Ubisoft avait la poule aux œufs d’or et le studio comptait bien pondre un œuf tous les ans. Encore faut-il trouver des acquéreurs heureux pour ses œufs.

Heureusement, la saga va prendre un tournant décisif pour la suite. Ils se sont adaptés.

LA RUPTURE DANS LA CONTINUITÉ

Au début de l’histoire des jeux vidéo, les joueurs évoluaient dans un monde en 2D. On avançait de la gauche vers la droite dans ce qu’on appelait des jeux de plateforme comme Mario ou Sonic. Le jeu était alors segmenté en divers niveaux compartimentés, le niveau 2, le niveau 2.1, le niveau 2.2 puis on affrontait le boss du niveau 2 pour enfin passer au niveau 3. L’imagination des concepteurs était bridée par le manque de puissance des machines. Les jeux étaient encore sur des petites cassettes.

Avec l’avènement des consoles next gen, des consoles plus puissantes, les barrières des concepteurs volent en éclats. Ils peuvent laisser libre cours à leur imagination. Assassin’s Creed (avec également GTA) lance la mode des jeux en open world. Ce type de jeu devient donc tendance et tous les concurrents se calquent dessus. Aujourd’hui, ce qui serait vraiment disruptif dans l’industrie du jeu vidéo, ce serait de sortir un jeu qui ne soit pas open world, avec un monde plus fermé mais en creusant dans l’imagination des concepteurs pour faire un jeu intriguant et divertissant avec plus de limites. Comme ce jeu irait à contre-courant, il se ferait remarquer et si c’est un bon produit alors là, c’est bingo !

Quand tout le monde fait la même chose c’est qu’il est temps de changer les choses.

Assassin’s Creed Origins conte les histoires de Bayek de la ville de Siwa à l’heure de l’Égypte ancienne. C’est d’ailleurs avec ce jeu que je renoue avec la série puisque j’avais seulement joué aux premiers Assassin’s Creed. J’ai donc laissé filer huit ans avant de rejouer à la franchise.

Il est six fois plus simple de vendre à un client fidèle qu’à un nouveau.

Autrement dit, vous allez passer six fois moins de temps et dépenser six fois moins d’énergie à convaincre un client d’acheter chez vous par rapport à un prospect. C’est exactement le cas ici. Je n’ai pas eu besoin de beaucoup réfléchir pour renouer avec ce jeu dont j’étais déjà client.

L’acquisition de nouveaux clients est importante mais la fidélisation de ses clients l’est encore plus. Un client qui vous a fait confiance avec son acte d’achat, a fait ce qu’il y avait de plus dur dans le processus de vente … vous faire CONFIANCE. Une fois qu’elle est attribuée et que votre produit répond aux attentes, bien évidemment, il est alors plus facile de vendre de nouveau aux mêmes clients.

Ce principe fondamental se retrouve dans la vente de ce que l’on appelle « upsell ». Un upsell est un terme en anglais qui n’a pas de traduction littérale vers le français, mais qu’on peut définir comme “vendre plus”. Il s’agit d’une stratégie de ventes qui se concentre sur le perfectionnement de l’expérience de l’acheteur par rapport à votre marque ou service, et augmenter par conséquent vos ventes. Un upsell consiste à offrir une deuxième opportunité d’achat ou même à améliorer l’expérience d’achat initiale de votre client. Vous êtes au McDonald’s, vous avez fini de commander et la vendeuse vous propose un menu plus grand pour « seulement » quelques euros de plus … C’est un upsell. La vente est validée et on vous propose un produit complémentaire pour faire augmenter le panier moyen. La stratégie de l’upsell utilise donc la confiance que le client vous a accordée pour le premier produit afin de lui proposer tout de suite un second. La difficulté de passer à l’achat pour le second sera donc beaucoup moins élevé que pour le premier.

Avec ce nouvel Assassin’s Creed, beaucoup de choses ont changé. Cette fois-ci, Ubisoft s’inspire de la concurrence pour assembler les briques de la créativité afin d’améliorer ce nouvel épisode de la franchise. Pour en savoir plus sur le processus de créativité et d’innovation, je vous invite à lire l’interview de Cyril De Sousa Cardoso, auteur spécialiste dans le domaine.

Origins s’inspire du jeu The Whitcher III, The Whitcher a eu d’ailleurs droit à sa série sur Netflix. Le jeu donne la priorité à la découverte et l’exploration. L’intelligence artificielle qui dirige les personnages du jeu est vraiment poussé à son paroxysme puisque certains personnages dorment quand il fait nuit ou effectue des gardes à des rythmes réguliers. Cela donne un nouveau coup de fouet à la franchise avec des pistes inexplorées jusqu’ici. Les scènes de combat sont grandement améliorées et s’inspirent de jeux comme Dark Souls. Là où le premier Assassin’s Creed a créé toute une mouvance, celui-ci suis un peu plus les tendances pour les adapter à une franchise à succès. La créativité est un assemblage de briques comme un jeu de Lego. Le personnage suit un scénario principal avec de multiples quêtes annexes possibles, ce qui augmente de manière significative la durée et l’intérêt du jeu. Il est également possible d’acheter des ressources nécessaires à l’évolution du personnage pour quelques euros, mais aussi des tenues de joueurs. Les possibilités sont multiples. Le jeu se transforme avec la possible d’améliorer l’équipement du joueur style RPG (rôle playing game) avec une personnalisation des équipements. On le verra en détail dans la suite de cet article.

Ubisoft garde donc l’essence de la saga Assassin’s Creed en y ajoutant des nouveautés qui ont émergé avec la concurrence. C’est un très bon cocktail qui est validé par l’ensemble des joueurs. Dans cette épopée égyptienne, le joueur rencontrera des figures historiques comme Cléopâtre ou Jules César ce qui renforce encore la crédibilité du jeu. Sortir un jeu tous les ans s’avère être une mauvaise stratégie. À chaque fois, c’est une nouvelle équipe qui développe le jeu ce qui le coupe des ramifications du jeu précédent. Vouloir toujours être présent sur le marché nuit donc à la qualité du produit que l’on peut fournir. Le studio se concentre pour faire de l’excellent travail même si cela doit prendre du temps.

C’est un peu ce qui se passe sur YouTube. De nombreux youtubeurs produisent des contenus journaliers afin d’envahir YouTube pour augmenter leur visibilité. Mais il est évident que produire une vidéo par jour de qualité est tout bonnement impossible.

L’excellence ne peut se produire à la chaîne.

J’ai personnellement fait le choix de produire moins de vidéos. Il me serait impossible de maintenir cette qualité en faisant une vidéo par jour. Travailler scrupuleusement mes scripts et les montages, afin de fournir de bonnes vidéos autant par le contenu que le contenant, me contraignent à moins produire. La stratégie de faire une vidéo par jour sur YouTube peut fonctionner. Cela a d’ailleurs déjà été prouvé. Mais le problème est de savoir quelle image de marque nous voulons dégager ?

Être très visible avec des vidéos avec un contenu pauvre nuit à l’image de marque. Il faut bien y réfléchir avant de se lancer dans cette stratégie. C’est un peu la Foirfouille contre Rolex. Dans les magasins La Foirfouille, on y trouve de tout, à n’importe quel prix à n’importe quelle heure et pour Rolex, ce sont des produits d’exception en quantité limitée. J’ai acheté Assassin’s Creed pour 60 € et j’ai cumulé plus de 170 heures de jeu. Évidemment, c’est sur plusieurs mois, je bosse quand même. 60 €, ça peut paraître une somme élevée pour un simple jeu vidéo mais quand on regarde le temps qu’on y passe, ce n’est finalement pas si élevé que ça. Une place de cinéma est à 15 € pour 1h30 de film. Je vous laisse faire le calcul en comparaison.

Le monde dans lequel évolue le joueur dans Assassin’s Creed I s’étend sur une surface de 0,13 km². Sur Origins, près de 10 ans plus tard, la carte est de 80 km² et le jeu suivant Assassin’s Creed Odyssey, qui sortira en 2018, s’étend sur 130 km². Un monde en pleine extension pour la plus grande joie des clients. Ces chiffres sont en évolution mais ce ne sont pas les seuls dans ce cas.

LES HOMMES MENTENT MAIS PAS LES CHIFFRES

Lors d’une réunion de famille, le débat sur les jeux vidéo est arrivé sur la table. Les plus anciens jugeant que cela abrutissait la jeunesse, que c’était des trucs d’ado et ces derniers argumentaient pour dire que c’était un loisir. Il est toujours plus délicat de débattre d’un sujet qu’on ne maîtrise pas puisque les plus anciens (ceux de ma famille, je précise) ne jouaient pas aux jeux vidéo. Ils étaient donc dans une forme de ressenti auquel j’opposais des faits : oui, j’étais plus dans le camp des ados !

52 % des français jouent régulièrement aux jeux vidéo, 71 % des Français déclarent jouer au minimum une fois dans l’année et l’âge moyen d’un joueur est de … 39 ans.

Vous pourrez accéder à la source de ces informations en cliquant ici. A 39 ans, normalement, on n’est plus un ado.

On voit donc que les jeux vidéo ne sont pas uniquement pour les jeunes.

Un entrepreneur est sans arrêt soumis à des pressions externes, avec le comportement des prospects et des clients, mais aussi internes avec nos propres ressentis.

Malheureusement, les ressentis peuvent nous amener à prendre des décisions qui ne sont pas rationnelles. Les faits et uniquement les faits peuvent être interprétés. Lorsque j’ai travaillé avec un client sur sa stratégie de communication, nous évoquions ses campagnes de pub sur Facebook. Selon lui, elles ne fonctionnaient pas. Je lui ai donc rétorqué : « qu’est-ce qui te permet de dire ça ? ». Sa réponse était uniquement basée sur le ressenti : « je n’ai pas assez de clients ». Nous avons donc repris toutes les data qui permettaient une analyse de cette stratégie et nous nous sommes rendu compte qu’effectivement, il n’avait pas beaucoup de clients mais que son coût d’acquisition était très faible et qu’il était très rentable sur sa campagne. Ne faisant pas le tableau de suivi de ses statistiques, il réagissait donc au ressenti et non au fait. La tendance qui émerge sur Internet est de parler d’émotion sans arrêt dans l’entrepreneuriat. C’est un leurre. Évidemment, il faut croire en son produit et avoir une vision à long terme, la vision est plus importante que le chemin mais savoir si on est aligné avec mars en passant par Vénus pour être bienveillant en faisant de la vente humaine et éthique, ça n’a aucun sens. Ceci n’est que du ressenti basé sur des émotions. Une stratégie efficace ne peut être basée uniquement sur des émotions. Lors de cette réunion de famille, les arguments des plus anciens étaient basés uniquement sur des ressentis et quand j’ai énuméré les faits, forcément, cela remettait leurs convictions en cause. La réalité était que les plus anciens ne connaissaient pas les jeux vidéo et donc, ils ne les aimaient pas. Il est plus facile de ne pas aimer quelque chose qu’on ne connaît pas et d’apprécier quelque chose que l’on connaît. C’est là où est toute la différence.

2020 a été une année record en termes de ventes de jeux vidéo. Des millions de personnes se sont réfugiées chez elles pendant de longues périodes dues au confinement. L’industrie du jeu vidéo a rapporté plus que le cinéma et le sport réunis cette année-là, avoisinant les 180 milliards de dollars. Cette industrie a explosé ces dernières années en raison de la variété des façons de jouer à ces jeux. Au cours des deux dernières décennies, les jeux vidéo se sont imposés comme le marché le plus lucratif de l’industrie du divertissement et de loin ! Et la saga Assassin’s Creed a pris sa part du gâteau avec 140 millions d’exemplaires vendus au total. Bandes dessinées, mangas, livre de conception du jeu vidéo, concert de musique … La marque Assassin’s Creed s’est étendue pour toucher plus de personnes et ainsi rapporter plus. Le Graal a été la réalisation d’un film, avec Marion Cotillard et Michael Fassbender sorti en 2016.

Même si une suite semble prévue, le film avec un budget de 225 millions de dollars pour 238 millions de dollars de recettes, n’a pas eu une excellente critique. Il est même considéré par The Hollywood Reporter parmi les bides de 2016.

Au contraire, le dernier opus de la saga, Assassin’s Creed Valhalla, possède la bande-annonce la plus visionnée de toute l’histoire de Ubisoft avec 100 millions de vues en 10 jours pour 200 000 000 millions au total. Le jeu se vendra à 1,7 millions d’exemplaires. L’éditeur a également communiqué quelques chiffres impressionnants concernant le cœur du jeu : en solo, les joueurs ont cumulé plus de 82 siècles de temps de jeu.

ÊTRE UN ASSASSIN, POURQUOI ÇA MARCHE ?

Pourquoi incarner un personnage dans une période de l’histoire suscite autant d’intérêt ? Pourquoi tuer des personnes à longueur de temps sur Assassin’s Creed est aussi passionnant ? Pourquoi les ressorts psychologiques utilisés dans les jeux vidéo sont très intéressants à décortiquer afin de pouvoir les adapter aux produits que l’on vend. L’ancrage dans un vrai pan de l’histoire avec un scénario bien ficelé permet de s’identifier au personnage en accentuant le sentiment de participer à ce qui a fait l’histoire de l’humanité. Les cinématiques (extraits vidéo qui surviennent lors d’un moment particulier du jeu) très proches du cinéma, renforce l’identification au personnage. Dans le scénario d’Assassin’s Creed Origins, toute la trame du scénario est basée sur la mort du fils de Bayek, le héros égyptien de cet épisode.

Lorsque j’ai vu cette scène, cela m’a ému. Bon, je ne suis pas quelqu’un de très sensible à la base mais comme je suis papa, la scène me touche plus. Cela a renforcé mon envie de me venger même si c’est vrai qu’il ne s’agissait pas de mon fils.

D’ailleurs à ce propos, comme ce dernier me voit de temps en temps jouer à Assassin’s Creed, il se déplace en mode Assassin dans la maison, avec un porte manteau dans le dos en guise d’arc. Pour son anniversaire, il a même demandé une cape d’Assassin’s Creed, on peut voir à quel point le jeu est entré dans ma vie et encore plus dans celle de mon fils.

En créant des émotions, l’identification est totale. Lorsqu’on pense à notre produit, il faut penser également à la personne qui va l’utiliser. Plus le produit est ancré dans les habitudes du consommateur, plus celui-ci l’utilisera et surtout plus, il y pensera. Si vous avez des éléments qui permettent une forte connexion entre votre produit et votre client, vous aurez tout gagné. Il ne s’agit pas uniquement de vendre votre produit mais de faire en sorte que votre produit s’intègre parfaitement dans le quotidien de votre client, dans l’esprit de celui-ci, afin qu’il y pense régulièrement. L’émotion du client vis-à-vis de votre produit doit être plus forte que les quelques chiffres que représente l’achat. Nous sommes en hiver. Il fait 0°C dehors, il gèle. Le réveil sonne, il est temps de vous lever pour partir travailler. La température ambiante de votre maison est encore fraîche. Vous prenez une douche, coupez le robinet et tendez la main pour prendre une serviette bien chaude grâce au sèche-serviette électrique. Pensez-vous qu’à chaque douche que vous prenez, vous pensez plus au prix du sèche-serviette ou à la sensation de bien-être que donne une serviette bien chaude ? 

Chaque jeu vidéo peut prendre 3 à 4 ans de développement. L’équipe de concepteurs se documente avec minutie pour créer un scénario plausible basé sur des faits réels.

Par exemple la cathédrale de Notre-Dame pour Assassin’s Creed Unity a nécessité deux ans de modélisation. Deux ans pour un simple décor accessoire. Vous voyez à quel point le détail est poussé vers l’excellence pour la conception du jeu.

L’excellence ne peut être produite à la chaîne. Le tout est de faire un bon ratio entre mettre trop de temps pour des choses futiles et mettre assez de temps pour des choses essentielles. Je précise que des détails peuvent être des choses essentielles. Tout dépend de là où vous voulez mettre le curseur de la perfection et de l’image de marque que vous voulez renvoyer. La rencontre entre historien et développeur permet d’apporter une crédibilité historique au jeu et elle permet également, au-delà du divertissement, de stimuler la curiosité des joueurs. Le magazine très sérieux Historia, qui a pour excellent slogan « Le passé qui éclaire l’actualité », a fait plusieurs unes sur Assassin’s Creed. Le rédacteur en chef du magazine, Victor Battaggion, affirmera même que c’est un excellent nouveau moyen pour apprendre l’histoire aux jeunes.

Avec ces couvertures de magazines, Assassin’s Creed assied sa crédibilité tout en touchant un autre type de public.

Mais sa conquête de différents clients va encore plus loin. Le reboot de la saga permet également aux joueurs de découvrir des parties de l’histoire avec le Discovery Tour. Tous les aspects de ramification sont retirés (le combat, les scénarios, les quêtes) pour évoluer dans le monde en apprenant des lieux et des personnages. On ne fait plus que jouer, on apprend. Et cela sans y être contraint puisque c’est un choix à faire. Ce Discovery Tour a été créé à partir du reboot Assassin’s Creed Origins. C’est une excellente innovation qui permet de toucher plus de personnes donc plus de potentiels acheteurs. Discovery Tour, c’est quand même 2,5 millions de joueurs. Le jeu devient le support d’une explication historique. Il sera d’ailleurs élu meilleur jeu d’apprentissage.

Le scénario global d’Assassin’s Creed est sur un fond de conspiration et cela, dès le premier volet de la saga. Il existerait des groupes de personnes qui agiraient dans l’ombre avec pour intérêt de contrôler notre société ? Putain mais vlatipa que c’est la définition même du complot ?

Assassin’s Creed surfe sur la très médiatique et bankable théorie du complot. Il suffit de voir le nombre de groupes qui existent sur cette théorie et le nombre d’échanges que cela suscite tous les jours pour voir à quel point c’est un sujet qui est intéressant à traiter dans un scénario. Surtout si ce scénario est teinté d’événements historiques ayant réellement eu lieu.

Faire des séries s’appuyant sur l’histoire de l’humanité, ça fonctionne. La preuve avec des séries comme Vikings, entre 2 et 3 millions de téléspectateurs en moyenne par épisode par saison ou encore Rome 750 000 spectateurs par épisode ou encore Spartacus qui ira jusqu’à 1,7 millions de téléspectateurs sur un épisode. En mêlant l’histoire, la fiction ainsi que l’expérience client, Assassin’s Creed arrive à générer beaucoup d’argent. On l’a vu précédemment l’identification permet une meilleure immersion au sein du jeu vidéo. Le joueur peut également acheter des skins (un habillage graphique qui s’utilise dans un jeu pour modifier l’aspect d’un personnage ou d’un objet pour augmenter encore plus cette personnalisation). Les joueurs se reconnaissent entre eux. Si vous avez le skin de base du jeu vidéo alors vous êtes assimilés à un joueur qui joue mal. Cela donne envie de se débarrasser de cette image en achetant un skin qui est « stylé ». C’est comme si dans la vraie vie vous portiez un pantalon tout troué avec une chemise sale. Le regard des autres sur vous changerait obligatoirement.

Dans certains open worlds très connus, comme World of Warcraft, on a pu voir un transfert de la vie réelle vers la vie virtuelle avec des personnes qui se marient dans le jeu. Dans notre de société, nous sommes dans une ère où tout est ultra personnalisable. C’est le cas des voitures ou des vêtements par exemple. Personne ne porte la même tenue, personne n’a la même voiture avec les mêmes options. Tout est quasiment configurable à l’infini. Nous voulons tous avoir les mêmes produits mais adaptés pour nous-mêmes.

N’avez-vous jamais eu ce sentiment de croiser dans la rue quelqu’un qui a le même pull que vous et de vous sentir mal ? Le paradoxe, c’est qu’on ne souhaite pas être remarqué mais qu’on souhaite être différent. C’est là où est toute la complexité. Et c’est exactement pareil dans le business. Une entreprise veut être reconnue sur son marché, mais elle a du mal à aller à l’encontre de celui-ci pour innover.

L’expérience de Assassin’s Creed est conçue pour que tout le monde vive le scénario mais d’une manière différente. Dans le jeu, il y a beaucoup de tâches à accomplir. Le jeu Assassin’s Creed Origins est beaucoup plus complet que le premier volume sorti en 2007. Le chemin du scénario principal est sans arrêt perturbé par des quêtes annexes ou événements qui arrivent aléatoirement. Des PNJ (personnages non jouables) qui vous parlent, des animaux qui vous attaquent, de nouveaux lieux à découvrir… sur la carte, c’est matérialisé par des points d’interrogation qui ne sont découverts que quand vous vous y rendez. En vous rendant du point A au point B pour accomplir le scénario principal, vous allez passer près des points d’interrogation qui suscitent alors votre intérêt. Par curiosité, vous allez voir ce qu’il y a et il s’avère que c’est une mission annexe qui vous éloigne de votre cible originelle. Le but est de faire augmenter la durée du jeu afin que celui-ci fasse partie intégrante de votre vie.

Exactement la même stratégie que les réseaux sociaux. Par exemple YouTube, l’algorithme recommande des vidéos qui seraient censées vous plaire selon le comportement que vous avez eu sur la plateforme. Il suffit de regarder une vidéo du dernier modèle de Tesla (et je parle en connaissance de cause J) pour se voir recommander des vidéos dont le sujet principal est … Tesla. L’ambition étant de vous faire rester le plus longtemps possible afin de voir le plus de publicités possibles. YouTube n’est gratuit que parce que vous payez par votre attention. J’en parle plus en détails dans l’article « les youtubeurs sont-ils des prostitués ? » Si vous souhaitez monétiser votre contenu, lisez cet article, il vaut le détour.

EN FINALITÉ

La saga Assassin’s Creed est présente depuis plus de 10 ans sur le marché du jeu vidéo. Malgré une rude concurrence, elle a su tirer son épingle du jeu dans un premier temps en innovant et en montrant la voie, dans un second en s’adaptant, en s’agrégeant les nouveautés de la concurrence.

Voilà ce qu’on peut retenir de l’histoire du jeu Assasin’s Creed. Le studio Ubisoft a créé ce jeu en partant d’un ancien jeu pour créer quelque chose de nouveau. Prince of Persia donnera naissance à Assassin’s Creed.

Un nouveau produit peut donc être créé sur les bases d’un ancien.

La formule du jeu Assassin’s Creed était validée par les joueurs mais au fur et à mesure de l’évolution de la saga, ceux-ci voulaient de nouvelles améliorations. Le studio n’écoute que tardivement les retours de ses clients, les joueurs du jeu.

Écouter ce que veulent les clients pour faire évoluer son produit, est nécessaire quel que soit le succès de celui-ci.

Dans une industrie où le style open world est majoritaire, il serait intéressant de travailler sur un jeu avec un univers plus fermé.

Aller à contre-courant du marché est toujours une bonne chose pour se faire identifier mais cela uniquement si on a un excellent produit.

En reboutant la saga avec l’épisode Assassin’s Creed Origins, Ubisoft prend ce qu’il y a de mieux chez la concurrence pour le remodeler et l’incorporer à son produit. Avoir une veille sur son marché est très important pour voir ce qui se fait. Bien évidemment, il ne s’agit pas de se faire influencer mais d’utiliser les points forts de la concurrence pour animer le marché. Avec les tenues supplémentaires, les armes supplémentaires, en gros toutes les possibilités supplémentaires présentes à l’intérieur du jeu, Ubisoft propose des produits à acheter à l’intérieur même de son produit. Ce qui est une excellente stratégie pour faire augmenter le panier moyen. Le jeu fait tout pour rentrer dans notre quotidien non seulement pour nous satisfaire avec un scénario plus élaboré mais surtout pour augmenter notre durée de jeu. Il ne s’agit pas de vendre le produit mais il s’agit que le client utilise régulièrement le produit.

Assassin’s Creed a réussi également à toucher de nouveaux marchés grâce a son côté historique. En faisant la une du magazine Historia et en créant le Discovery Tour, il touche d’autres typologies de clients. Essayer d’étendre la sphère d’influence de son produit est aussi une excellente stratégie pour aller acquérir d’autres profils de clients qui n’ont pas connaissance du produit.

Je ne sais pas si j’ai réussi à vous convaincre de jouer aux jeux vidéo si vous n’êtes pas un joueur, mais en tout cas, je peux vraiment vous inviter à vous pencher sur cette étude de cas de Assassin’s Creed parce qu’elle est très représentative du succès d’un produit qui a duré dans le temps et qui a su s’adapter. Pour écrire cet article, cela m’a pris une journée entière de recherche, deux jours pour écrire le script, deux jours pour la relecture et la mise en page. Si vous trouvez que j’ai fait le job, je vous remercie de me laisser un commentaire, ce sera très utile mon évolution.

Ubisoft a compris qu’il fallait innover et évoluer, sinon il y a de fortes chances que nous soyons qu’une énième copie d’une copie, qui finirait par se transformer en photocopieur.

Pour voir l’intégralité de la vidéo qui retrace cet article, cliquer sur l’image ci-dessous :

Comment devenir un leader innovant et créatif pour dominer votre marché grâce à une image de marque unique
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