FRICHTI : BONNE BOUFFE ET BONNES IDÉES

Le marché de la Food Tech (contraction du mot « Food » et « technology ») avec des start-up qui mettent les nouvelles technologies au service de l’alimentation, est très concurrentiel.

Tous les acteurs se battent pour acquérir des clients de plus en plus volatiles avec un panier moyen assez faible. Uber Eats, Deliveroo et plus récemment Cajoo, Gorillas, mènent une guerre sans merci. L’engouement pour ce secteur est indéniable avec 2,7 milliards de C.A réalisé en 2020. 47% des Français se sont déjà fait livrer un repas chez eux. Comment se frayer un chemin sur ce marché ultra saturé avec des poids lourds qui comptent ne laisser aucune miette à la concurrence ?

Et bien, c’est ce que Frichti, la start-up française menée par Julia Bijaoui et Quentin Vacher a brillamment réussi.

Le concept ? La livraison de repas préparés maison pour le déjeuner, mais aussi les courses pour la maison. Tout part d’un simple constat tiré par les créateurs : « Nous en avions assez des sandwichs du coin de la rue, du frigo vide en rentrant du boulot et du trou dans le porte-monnaie à force de se ruiner en sushis hors de prix. Alors, nous avons voulu changer ces habitudes et offrir le luxe d’une cuisine maison, fraîche et de saison, sans en payer le prix. ». C’est ça le pari audacieux de Frichti : devenir le moyen le plus pratique de bien manger tous les jours ! Bien joué parce qu’il est vrai que la grande majorité des acteurs sur le marché propose de la livraison de malbouffe. Mais que se passe-t-il pour les personnes souhaitant manger sainement et rapidement sur leur lieu de travail ?

S’adresser à un groupe mal desservi par des solutions existantes = offre à concevoir. De grandes success stories se sont bâties sur ce principe. Afin de gagner quelques dollars, Brian Chesky a eu l’idée de proposer son modeste logement à la location : un lit pour la nuit, un matelas gonflable et le petit dejeuner. De la location de biens immobiliers entre particulier, ce type d’offre n’était pas couvert par le marché de l’hôtellerie. Ainsi naquit Airbnb.

La publicité de Frichti que nous allons analyser coche de nombreux points clés d’une bonne stratégie de communication de marque que vous pourrez utiliser lorsque vous vous préparer à communiquer. Aujourd’hui, nous allons donc analyser l’excellente publicité de cette start-up française tout en revenant sur les ingrédients de son succès. Comme dirait mon fils, c’est parti …

LE PUBLIC

A qui s’adresse cette publicité ?

Dans un premier temps, parlons de la cible de Frichti même si pour une marque le terme public est mieux venu. Cible = marketing, Public = marque.

Selon une étude menée en 2019 par Ipsos, spécialiste mondial des études de marché, ce sont encore majoritairement les femmes (63%) qui se chargent des courses, surtout chez les ménages aux revenus les plus modestes : 73% dans les foyers modestes contre 57% pour les CSP+. Le choix d’une comédienne plutôt que d’un comédien permettra donc une meilleure identification du client, en l’occurrence ici de la cliente idéale.

La marque choisit également de nommer ce personnage, Ambre, ce qui renforce encore un peu plus la proximité avec le public et la véracité de ce qu’il se passe dans cette publicité et ça, on le voit en détail avec …

LE FOND

Dès le début de la vidéo, on sent un ton humoristique avec de la dérision et surtout de la … transparence, mot très employé dans le domaine de l’alimentation depuis le scandale de la vache folle dans les 1990.

Cette crise sanitaire devient économique en faisant chuter la consommation de viande bovine, la population craignant la transmission de l’encéphalopathie spongiforme bovine. L’utilisation de farines animales pour l’alimentation des bovins est chose commune durant cette période. Suite à cette crise sans précédent, l’industrie bovine a dû fournir une meilleure traçabilité sur la provenance de la viande vendue. C’est l’émergence d’une époque d’obligation de transparence sur nos aliments.

Revenons-en à notre comédienne qui continue dans la transparence mais cette fois-ci de manière plus implicite. Elle nous avoue être … « une comédienne engagée par la marque Frichti » et que « les gens qui jouent très mal autour de moi sont les vrais employés de Frichti ».

En jouant sur la dérision de la situation, elle commence cette publicité par exprimer une vérité absolue. Oui, on sait tous que les publicités sont jouées par des acteurs mais comme parfois (plutôt tout le temps), ce n’est pas indiqué, nous pouvons nous laisser aller à croire que ce sont de « véritables personnes » dans des « situation réelles ».

Commencer par cette vérité, qu’on ne peut contredire, est très bien pensé parce que cela induit qu’elle nous dira toujours la vérité pendant le reste de la publicité. Les complotistes utilisent à outrance cette stratégie de communication en l’exagérant au maximum.

Le film Hold Up qui fit tant sensation au début de la pandémie était construit de la manière suivante, énumérer des vérités non contestables pendant la majorité du film pour conclure, dans une minorité de temps, par des arguments beaucoup plus étranges et contestables. En compilant des vérités, les mensonges qui suivent deviennent plus facile à digérer. Si vous vous intéressez de plus près à l’hystérie qu’a provoqué l’épidémie du Covid-19, je vous invite à lire l’analyse du même nom que j’en ai faite. L’analyse est longue mais très intéressante à comprendre au niveau de la stratégie de communication du gouvernement parce qu’il ne faut pas oublier que chaque parti politique est une marque qui nous vend ces idées.

Attention ! Je ne dis pas qu’ici la marque Frichti cherche à nous induire en erreur mais plutôt qu’elle utilise cette technique pour renforcer son propos. D’ailleurs, Ambre enchaîne directement en transformant une des valeurs de l’entreprise, la transparence, en argument commercial pour le client.

« Direct producteur, de saison et sans additif »

On perçoit clairement que même si tout se passe à la cool en arrière-plan, on est jeunes, on est tendance, il y a beaucoup de commandes à préparer et beaucoup de livreurs qui s’y attèlent. Selon Robert Cialdini, auteur de l’incontournable « Influences et manipulations » : « Habituellement, quand un grand nombre de personnes fait quelque chose, nous comprenons que c’est la meilleure chose à faire. »

Selon ce principe, un individu ne sachant quoi faire ou quoi penser, aura tendance à adopter le comportement ou le point de vue d’autres personnes. Et pour la marque Frichti, la preuve sociale est à l’œuvre. Forcément, vu que ce sont les vrais employés de Frichti, cela veut dire qu’il y a beaucoup de commandes. Et s’il y a beaucoup de commandes, c’est donc que c’est … bon bien évidemment.

Lorsque vous cherchez un restaurant, vous aurez plus de facilités à aller dans celui qui est bondé plutôt que celui qui est vide. S’il est plein, c’est nécessairement délicieux. S’il est vide, vous émettez des doutes sur la qualité du menu. Cela ne paraît pas « normal » qu’un bon restaurant soit vide. Mais vous qui lisez cet article, êtes-vous des personnes normales ?

Et bien, je ne vous le souhaite pas. Dans mes articles, nous disruptons et nous cassons les codes pour mieux nous les attribuer.

La comédienne continue à empiler les avantages de passer commande auprès de Frichti, vous êtes livré en moins de 15 minutes. Encore un argument de poids dans la balance qui commence clairement à pencher en faveur de la marque. Rappelez-vous le concept de faire gagner du temps tout en maintenant la qualité du repas. Il faut reconnaître que le jeu de Ambre est excellent. Elle prend une carotte qui apparaît devant elle. Cette dernière n’est pas n’importe où ! Elle est soigneusement placée dans une cagette du marché à côté d’autres produits sains, rappelant ainsi l’importance de la marque dans la sélection de produit de qualité. La comédienne croque un bout de cette carotte et valide ainsi l’argument du produit sain avec un gout excellent.

 « Vous allez me dire : « ok, Ambre ! est-ce que c’est bon ? Non, c’est excellent. »

Tout en restant à la cool, nous apercevons les employés de Frichti qui testent eux même les produits. Ils mouillent le maillot pour nous, pour nous satisfaire. Nous voyons beaucoup d’agitation derrière le personnage principal, avec de nombreux intervenants, parce qu’après tout … « ce sont les vrais employés de Frichti qui ont travaillé comme des dingues ». Les américains disent : « Show, don’t tell » ou en bon français « montre, ne dis pas ». Merci à M. Gautier, mon prof d’Anglais de seconde qui m’a donné cet excellent niveau d’Anglais. La marque fait les deux. Elle commence par nous le dire et nous le montre durant toute la première partie de la publicité. Jusqu’à 34 secondes, Frichti énumère ses qualités en utilisant ses valeurs puis dans la seconde, elle va s’occuper de ses ennemis ainsi que des douleurs de ses clients.

Commençons par parler des grands méchants. Si vous n’avez pas de conflit, vous n’avez pas d’histoire à raconter, pas de storytelling de marque. Trouvez un ennemi permet de fédérer une communauté autour des valeurs de la marque. Je vous invite à voir la vidéo que j’ai faite sur le sujet qui décortique dans les moindres détails l’intérêt de cette pratique. Pourquoi il est de plus en dur (pour les entrepreneurs comme pour les marques) de vouloir cliver. Cliver est synonyme de séparer, séparer le public que l’on souhaite toucher par nos valeurs de celui que nous souhaitons écarter.

Indirectement, Ambre nous parle de l’un des ennemis de la marque Frichti : les applications qui donnent les scores nutritifs des aliments présents en supermarché. Par exemple, avec l’application Yuka, un simple scan avec votre smartphone sur un produit de supermarché vous permet de voir s’il est bon pour la santé ou non. Encore faut-il comprendre la manière de noter ces produits et ça, Ambre ne manque pas de nous le rappeler. Petit tacle au mollet.

« Marre de scanner chaque sauce pesto pour trouver …. E machin truc. »

Avec ce type d’application, c’est vous qui faites le travail alors qu’avec Frichti, ce sont eux qui le font à votre place. Plus facile, n’est-ce pas ? Ambre continue à appuyer là où ça fait mal en nous rappelant le temps que nous perdons inutilement à faire la queue dans un supermarché bondé après le boulot.

« Et marre de de devoir faire la queue .. après le boulot. »

Julia Bijaoui, co-fondatrice de Frichti, fait remarquer qu’il n y a aucune plus-value à attendre dans un supermarché pour faire ses courses.

La dernière scène de la vidéo, chez Ambre qui vient sûrement de passer commande chez Frichti, conclut en comparant la douleur des clients avec le rappel de la promesse de la marque. Au passage, la marque en profite pour faire un plus gros tacle au leader du marché.

« Ils n’allaient quand même pas … pour vous dire ça. »

Sans le citer, Frichti vise directement son plus gros concurrent en sous entendant que le message de la start-up est plus complexe que la concurrence. Impossible à faire tenir sur un simple maillot de football. Malin et subtil … Bien joué !

LA FORME

Un petit rappel pour ceux qui dormaient au fond de la classe près du radiateur. Afin de créer une image de marque de qualité et reconnaissable au premier coup d’œil, voici les trois éléments à ne pas négliger :

  • Le fond : c’est travailler son sujet.
  • La forme : c’est mettre en valeur le fond.
  • Le style : faire en sorte que le tout soit reconnaissable au premier coup d’œil.

On va donc s’attarder ici sur la forme de cette publicité. La vidéo est très bien rythmée avec des raccords très fluides. Quand Ambre passe à travers le carton, qu’elle mange puis lance la carotte : le raccord entre ce que fait la marque et les ennemis et les douleurs avec, très bien joué …

 « Parce que y’en a marre »

La publicité dure un tout petit moins d’une minute ce qui correspond au temps d’attention de plus en plus court des internautes. Il faut que ça aille vite et que ce soit clair mais pas seulement.

Voilà les points clés de cette stratégie efficace de communication :

  • Délivrer un message clair, précis qui met en valeur tous les points forts de la marque.
  •  Être drôle et rythmé pour correspondre au canal de communication (les réseaux sociaux) ainsi qu’à l’image d’une Start up innovante.
  • Nommer discrètement ou plus directement les ennemis de la marque en expliquant pourquoi ils sont moins intéressants.
  • Rappeler les douleurs du client en surfant sur les valeurs de la marque

Et tout ça en moins d’une minute. Oui je sais, l’exercice n’est pas évident. Mais ici, on laisse la facilité aux entreprises qui pratiquent le marketing de clone. Durant cette courte minute, la marque a été citée et est visible pendant quasiment toute la publicité. Quasiment toutes les … 6 secondes.

Je suis certain que vous ne l’aviez pas remarqué et pourtant, cela s’imprime dans votre cerveau. Le nom de la marque est martelé. Pour peu que vous voyiez la pub deux fois par jour pendant une semaine, vous verrez le nom de la marque … 140 fois. Ça commence à faire. Au moment de l’achat, votre cerveau aura donc plus de chance de s’en souvenir. « Chérie, c’est quoi le nom de la marque déjà qui livre des produits frais en moins de 15 minutes » …

Frichti, bien sûr ! … Évidemment, puisqu’elle aura été martelée.

SAIN MAIS PAS SAINT

Malheureusement lorsqu’une entreprise travaille sur son business, elle néglige trop souvent sa manière de communiquer se concentrant majoritairement sur le produit. Le tout est votre produit, de votre publicité à votre produit. La marque Frichti l’a bien compris et surtout, elle l’a mis en œuvre de manière efficace. En passant de 2 employés à plus de 230 en 15 mois, elle a prouvé qu’il est possible de s’imposer sur un marché ultra concurrentiel sans tirer sans arrêt les prix vers le bas. En se focalisant sur la qualité de ses repas et sa vitesse de livraison, Frichti a créé sa différence radicale.

En s’adressant à un groupe mal desservi par des solutions existantes, la marque a su prendre des risques. Ce que le public remarque, c’est ce que vous faites et que les autres ne font pas. S’ils ne le font pas, c’est que c’est risqué. Le plus grand regret des mourants est de n’avoir jamais avoir eu le courage de vivre la vie qu’ils voulaient vraiment, pas celles que les autres attendaient d’eux. Souvenez-vous en au moment où vous hésiterez à briser les codes de votre marché.

Depuis ses débuts, Frichti a agrandi son offre. Après avoir testé et validé son concept principal, elle s’est attaquée à un autre gros poisson : le marché du restaurant d’entreprise. Marché dominé par le géant Sodexo, 420 000 employés dans le monde pour 17,4 milliards de chiffre d’affaires … Le challenge est relevé pour Frichti mais la demande des salariés pressés qui n’ont d’autres choix que d’avaler un sandwich sur le pouce ou de faire la queue à la cantine est bel et bien là. Frichti est plus flexible que le mastodonte Sodexo qui a besoin d’un gros flux de clients pour maintenir un prix bas et une prédictibilité pour fonctionner. Comme quoi, il y a toujours la possibilité de disrupter un marché saturé et / ou un marché dominé.

La marque s’est concentrée sur son offre principale pour étendre son catalogue avec pour but de toujours prêter attention à la qualité de ses produits. La qualité est le meilleur business plan. Afin d’être le plus impartial possible, je suis obligé de mentionner le scandale des livreurs mal payés et peu considérés que Frichti a su traverser. Une fois de plus, cela prouve qu’il faut toujours être raccord entre le message que nous véhiculons et la réalité du produit.

Pour exister dans la Food Tech, Frichti a réinventé les modèles de la grande distribution en mode urbain et surtout la marque a très vite cerné :

qu’il ne faut en aucun cas être l’énième copie d’une copie sinon on se transforme en photocopieur.

Si vous souhaitez regarder la vidéo qui retrace l’intégralité de cette analyse, cliquez juste en dessous :

Comment devenir un leader innovant et créatif pour dominer votre marché grâce à une image de marque unique
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