Qui peut représenter au mieux l’histoire du hip-hop français que le groupe phare NTM autrement appelé « Nique Ta Mère » ?
Avec plus de 2 millions d’albums vendus au total, une aura restée intacte après des dizaines d’années et un héritage repris par la nouvelle génération, NTM a marqué l’histoire de la musique avec trois lettres symboliques. Ce duo opposé mais complémentaire, Didier Morville et Bruno Lopes, représente le Yin et le Yang parfaits. Ils incarnent l’histoire du hip-hop français en devenant les voix prépondérantes des quartiers. Réunissant autour d’eux tout un groupe, un posse, qui descendra du train au fur et à mesure des années. Seuls resteront JoeyStarr et Kool Shen.
Évoluant dans un milieu sans argent, mais avec une réelle conviction de vouloir changer les choses, NTM marque de son empreinte ainsi que de ses paroles. Il n’avait rien dans un monde ou aujourd’hui, les rappeurs ont tout : la possibilité de se faire écouter rapidement grâce à Internet, ainsi qu’une motivation beaucoup plus en lien avec l’argent qu’avec leurs opinions.
Ces deux personnalités complémentaires ont permis à NTM de se hisser au firmament du rap français, en étant les deux faces interchangeables d’une même pièce. Rares sont les artistes de rap qui bénéficient d’une telle longévité avec une identité de marque aussi forte. Tout ce qui les a unis, leur personnalité et leur passion, finira par les séparer.
Aujourd’hui, on va parler de NTM dans les moindres détails et plus particulièrement de la gestion exemplaire de leur marque, ainsi que de leur marketing innovant, surtout pour leur dernier album sorti en 1998. Nous explorerons l’histoire de NTM, en passant par les grandes lignes afin de comprendre comment ils se sont construits en tant que marque.
Nous verrons également leur principale qualité, la scène, comment ils ont appuyé sur cette qualité indéniable pour se différencier. La relation qu’ils ont eue avec les médias n’a jamais été facile mais ils en ont fait une arme marketing imparable. Nous aborderons ce point en détail dans une partie dédiée. Nous verrons que la marque NTM est une marque affirmée et tranchée. Nous parlerons de leur exceptionnelle capacité à s’adapter et à innover afin d’être les leaders de leur marché : le rap français.
NIQUE L’HISTOIRE
Avant de parler dans les moindres détails de la marque de NTM ainsi que de son excellent plan marketing lors de la sortie de son quatrième album, nous devons nous pencher sur leur histoire.
Leurs racines expliquent leur succès ainsi que leurs choix au niveau de leur carrière.
Au début des années 80, arrive tout droit des États-Unis, un nouveau mouvement, le Hip-Hop. Les médias prennent part au phénomène qu’ils trouvent tendance fun et coloré pour les jeunes. Il pense d’ailleurs que c’est un mouvement qui va s’essouffler rapidement. Ils passent à autre chose en pensant que la New Wave, une autre nouvelle tendance, va faire passer le Hip-Hop aux oubliettes. Mais le rap va survivre à toutes les tendances et enterrer les modes.
Ce mouvement arrive d’abord par la danse en France. Des jeunes de toute part s’inspirent des danses Hip-Hop, le Breakdance, le Smurf … qui viennent tout droit des États-Unis. Quelques irréductibles iront même jusqu’à voyager chez nos amis américains et plus précisément à New York pour aller à l’essence-même de ce mouvement. C’est notamment le cas du DJ Dee Nasty, ou encore Mathias Crochon alias Rockin’Squat du groupe Assassin ou encore Philippe Fragione alias Akhenaton du groupe IAM. On reparlera évidemment d’IAM dans la suite de cet article puisque l’histoire de NTM et d’IAM s’entrecroise.
Bruno Lopes et Didier Morville fréquentent le même établissement mais ne connaissent que de vue. Ce qui les rapprochera, c’est le Hip-Hop, la danse plus particulièrement. Pour débuter, il n’y a pas mieux puisque le matériel nécessaire pour cette discipline est uniquement leurs corps, là où les autres disciplines ont besoin de matériel coûteux. De la danse, ils passeront au graff en recouvrant les trains de leur nom, le 93 NTM. Avant même qu’ils sortent leur premier morceau, le nom de leur groupe était affiché partout dans Paris ainsi qu’en banlieue. Une grosse campagne de marketing avait lieu avant l’heure. Évidemment plus vous voyez le nom de quelque chose plus celui-ci rentre dans votre quotidien.
NTM commence la bataille de l’esprit : Gagner de l’attention dans notre pensée.
Bruno Lopes alias Kool Shen est issu d’une famille où la valeur du travail est au centre même de l’éducation. Il reste attaché à une certaine droiture dans ce qu’il entreprend. Il sera même à deux doigts de devenir footballeur professionnel et d’intégrer le centre de formation de Lens.
Didier Morville alias JoeyStarr est issu d’un milieu déconstruit avec un père violent physiquement et psychologiquement. Dans le duo, il incarne la spontanéité et la folie tandis que son comparse, Kool Shen, le perfectionnisme et le professionnalisme. Ils sont à la fois très opposés et très complémentaires. D’abord connus comme une équipe de danseurs puis de graffeurs, NTM se transforme rapidement en un groupe de rap, le Suprême NTM. A part une poignée de jeunes, très peu de personnes s’intéressent au rap. Il est très difficile de se faire entendre là où aujourd’hui, un artiste a juste besoin de partager ses clips et ses nouveaux morceaux sur YouTube. Pour écouter du rap, il fallait monter sur Paris dans les magasins spécialisés pour acheter des cassettes. Autant dire que la tâche était rendue très compliquée. Ce chemin a été facilité bien évidemment avec l’avènement d’Internet. C’est un peu comme le parcours sur un site Internet. Si pour avoir l’information qu’il désire, le client doit effectuer plus de trois clics sur votre site, il a beaucoup de chance de le quitter sans trouver l’information qu’il cherchait. C’est exactement la même chose avec l’histoire de NTM. Seuls les plus déterminés continuent cette passion qui est décriée comme violente par les médias.
La force de conviction de NTM est de croire en ce mouvement et en cette manière de s’exprimer. Les médias ont d’abord adoré le mouvement, quand ils ont trouvé ça fun, puis détesté parce qu’ils ont trouvé ça violent, pour finalement le diffuser énormément sur la radio.
Aujourd’hui le rap est la musique la plus écoutée en France. Je vous invite à lire l’article que j’ai rédigé sur Skyrock qui explique la mainmise de cette radio sur ce mouvement. C’est très intéressant de voir comment elle est devenue leader de son marché, pour finalement être décriée par leur base client, leurs premiers vrais fans.
Dans les années 80, le rap français se cherche et copie ce qui se fait aux États-Unis puis se transforme. Ce n’est plus un « truc » d’Américains mais c’est devenu un vrai mouvement français grâce notamment à des artistes comme NTM.
Le groupe devient rapidement le haut-parleur des banlieues. À la fin des années 80, le rap génère une forte demande. L’industrie du disque ne peut pas laisser passer cette opportunité qui fait fureur chez les jeunes. Le business entre dans ce mouvement et c’est à ce moment-là qu’on verra la première compilation de cette musique, Rapattitude. Cette compilation sortie en 1990, s’écoule à 3000 exemplaires le jour de sa sortie. Puis, à près de 100 000 exemplaires par la suite.
Sur cette première compilation de rap français, on retrouve de grands noms qui feront le succès de ce mouvement par la suite, ainsi que le morceau « Je rappe donc » de NTM. Pour ce premier morceau NTM touchera 2500 francs. Mais ce n’est pas l’argent qui dirige le groupe, ce sont leurs convictions. C’est le premier point important qu’on peut souligner dans l’histoire de NTM. Quoi qu’il se passe, contre vents et marées, ils assument leurs convictions pour continuer leur vision. Si seulement l’argent vous oriente, vous risquez de perdre le nord de la boussole de votre business. L’argent est bien évidemment important, on n’est pas là pour enfiler des perles, mais si c’est le seul moteur de votre véhicule, il risque vite de caler. Il faut bien plus qu’une simple ambition pécuniaire pour pouvoir surmonter tous les obstacles qui se présente lors d’un parcours d’entrepreneur.
Durant cette période, le duo de NTM tombera sur une cassette qui va marquer leur histoire.
Une cassette venue d’un groupe du sud de la France, IAM. Le groupe possède déjà tout un concept de marque autour d’eux. Cette cassette est bien nommée puisqu’elle s’appelle « Concept ». Le produit est bien évidemment au cœur du concept de marque et tout ce qu’il y a autour est raccord pour rappeler ce produit. IAM sans Marseille a beaucoup moins de chance de fonctionner. Revendiquer une localité est assez nouveau dans le rap à l’époque. IAM a bien compris qu’il faut développer une communauté d’auditeurs d’abord dans leur région pour aller chercher, ensuite plus loin. Le premier cercle constitue les personnes qui vont tester en premier votre produit. Avec ces personnes, vous aurez un lien de proximité beaucoup plus fort pour faire des allers-retours afin de pouvoir améliorer votre produit avec leurs avis. On peut aussi les appeler des beta-testeurs.
Le second cercle est constitué de toutes les personnes qui sont potentiellement intéressées par votre produit, votre marché.
Et enfin, le dernier cercle représente l’intégralité du marché. Plus votre produit a de l’influence dans votre marché, plus il est puissant, plus votre produit a de l’influence en dehors de votre marché et plus celui-ci est incontournable.
Le premier album d’IAM s’appellera d’ailleurs « De la planète Mars ». Je pense que je pourrais faire un article sur IAM. Dites-moi dans les commentaires si vous pensez que ça ferait un bon sujet. Mes articles comme ma chaîne YouTube, sont d’abord les vôtres.
L’écoute de cette cassette par NTM sera d’ailleurs la source de l’opposition entre le duo de NTM, on verra cela plus tard en détail dans la suite de cet article.
Les événements s’enchaînent pour NTM. En 1990, le groupe passe dans l’émission de Michel Denisot sur Canal+, « Mon Zénith à moi », puis dans une des rares émissions consacrées au rap sur M6, Rapeline, d’Olivier Cachin.
NTM signe chez Epic pour cinq albums en 1990. La même année sort leur premier vrai clip, « Le monde de demain ». Stephane Sednaoui, photographe, sera le réalisateur de ce premier clip qui est une vraie réussite. L’image est léchée, l’énergie est puissante, tout est là pour marquer les esprits. Ce clip lancera aussi la carrière de ce réalisateur. Par la suite, il réalisera des clips pour les Red Hot Chili Peppers (« Give it away ») ou encore Youssou N’Dour et Neneh Cherry (« 7 seconds »).
Leur carrière est lancée, ils enchaîneront avec quatre albums. En 1991, sort leur premier album, « Autentik », qui se vend à 70 000 exemplaires montrant que la voix du rap est un chemin à suivre.
1993, le second album, « J’appuie sur la gâchette », s’écoule à 100 000 exemplaires en quatre ans. Score dû surtout à l’effet de levier causé par l’album suivant. Ce second opus entraîne son lot de polémiques et s’est globalement moins vendu que l’album précédent. On reviendra sur ce point précis dans la suite de cet article parce que la manière dont NTM gère les médias est très intéressante dans l’évolution de leur marque.
« Paris sous les bombes », leur troisième album, sortira en 1995. Ce sera un véritable raz-de-marée avec 500 000 copies écoulées. Il est considéré comme un classique du rap français. Comment peut-on juger de la qualité d’un album ? Peut-être à la manière dont celui a traversé le temps. C’est le cas pour cet album. C’est particulièrement plus difficile à atteindre dans le rap tant cette musique est liée aux codes de l’époque qu’elle représente à chaque fois.
Comment peut-on juger de la qualité d’un produit ? C’est un peu la même chose. Si votre produit traverse les âges sans encombre, bien évidemment en l’améliorant, c’est que qu’il s’agit d’un excellent produit. Si on prend l’exemple des morceaux avec auto-tune qui trouvent du succès aujourd’hui, il n’est pas sûr qu’on pourra les réécouter dans quelques années avec autant de ferveur tant ils sont ancrés dans une époque. Si votre produit n’est utilisable qu’à une période donnée, il vous faudra alors recréer un nouveau produit dès que la période sera achevée. Il est donc nécessaire de penser en amont la stratégie de conception du produit pour que celui-ci puisse durer un maximum de temps, vous permettant au passage d’amortir tous les coûts de fabrication et d’augmenter votre marge.
Sur l’album « Paris sous les bombes », on retrouve un morceau qui leur ouvre les portes du grand public, « La fièvre », qui s’écoulera à 300 000 exemplaires. Comme l’avait fait IAM précédemment avec le morceau « Le Mia » qui avait été un carton et qu’on entendait sur toutes les radios. Ce qui est plus étonnant, c’est qu’aujourd’hui les deux groupes n’assument que très peu ces deux chansons qu’ils jugent trop éloignées du cœur de leur musique. Pourtant ce sont ces morceaux qui ont contribué à les faire exploser aux yeux du grand public.
Pour cet album, on retrouve la participation d’un rappeur américain, Nas. NTM est précurseur sur ce style de partenariat. Ils ont tout à gagner puisqu’il s’accorde le crédit d’une grosse pointure américaine ce qui était très très rare à l’époque. Dans le business, des partenariats peuvent être envisagés mais il faut évidemment penser à l’image à laquelle vous allez vous coller. Les clients associent les images. Si vous êtes partenaires avec une marque qui a des valeurs qui ne correspondent pas aux vôtres, cela risque de ternir votre image. Pour le second album, « J’appuie sur la gâchette », NTM n’avait pu faire que quatre dates de concert suite à diverses polémiques. NTM est un groupe de live, de scène, une partie entière sera dédiée à cette spécificité.
Avec « Paris sous les bombes », il renoue avec la scène. Leur tournée fait salle comble avec une vingtaine de dates dont un retour au Zénith. Fin 1998, sort leur 4ème album, « Suprême NTM ». 40 000 albums sont vendus le premier jour, ce qui est unique pour cette période. Fin 1998, 450 000 copies seront vendues. Aujourd’hui, l’album est à plus de 800 000 exemplaires écoulés. Le clip de « Ma Benz », morceau de l’album, est un des plus chers jamais fait en France avec 1 million de francs de budget. Le clip sera censuré par le CSA estimant que la vidéo participe à la dégradation de l’image de la femme. Sa diffusion sera reléguée après 22 heures sur M6. Messieurs les censeurs, où êtes-vous aujourd’hui concernant l’image de la femme dans les émissions de télé-réalité ?
NIQUE TA FIN
Alors qu’elles leur ont permis de se compléter, les différences de NTM vont les amener à se séparer.
Kool Shen perd beaucoup de temps à canaliser JoeyStarr. Celui-ci manque de contrôle, est très dans la spontanéité et l’énergie. Pour l’anecdote JoeyStarr est tellement fougueux qu’il détruitra 2 micros à 10 000 francs en studio avec ses postillons et sa salive.
À la fin de la tournée, Kool Shen annonce à JoeyStarr qu’il souhaite arrêter. Ce dernier le prendra mal et ne parlera plus à son ancien partenaire pendant 10 années. Il le clashe même au passage en qualifiant la musique en solo de Kool Shen de musique d’ascenseur.
Par la suite, chacun créera son label, « BOSS » pour JoeyStarr et « 4 my people » pour Kool Shen. Ils sortiront également des albums solo : 3 pour Kool Shen (en 2004 « Dernier round », en 2009 « Prise de conscience » et en 2016, « Sur le fil du rasoir ») et 2 pour JoeyStarr (en 2006 « Gare au jaguar », en 2011 « Egomaniac »). Le duo fonctionne bien mieux ensemble que séparément. Dix ans après, ils se réconcilieront pour une tournée spéciale « On est encore là ». Les billets se vendront en intégralité en quelques jours seulement. Puis en 2019, ils réaliseront l’ultime tournée « La der » à Bercy.
Aujourd’hui, NTM vit encore sur son aura. JoeyStarr est devenu acteur, Kool Shen est un joueur de poker reconnu et également occasionnellement acteur. Ils choisissent minutieusement leurs rôles. Par exemple, « Les corps abîmés » pour Kool Shen ou « Polisse » pour JoeyStarr, même si ce dernier accepte beaucoup plus de rôles à contre-emploi.
NTM, c’est un peu comme un groupe de rock, un groupe de punk. De la spontanéité et de la provocation doublée d’une certaine conscience sociale, c’est la recette du succès musical de NTM. Mais là où le punk est enfermé dans une indépendance à outrance, NTM a su gérer ses forces et ses faiblesses pour créer une véritable image de marque indétrônable dans le temps.
Ils sont devenus LA référence.
NIQUE TA SCÈNE
NTM a capitalisé sur sa force. C’est sans conteste le meilleur groupe de rap sur scène. Kool Shen et JoeyStarr sont de véritable bête de scène. Quand on regarde de plus près tout leur univers est construit autour de la scène, partie de leur business qui leur plaît le plus. C’est l’accomplissement final de la création musicale, monter sur scène pour interpréter leurs titres. La rencontre avec le public est ce qu’il y a de plus fort. À l’heure d’Internet on a un peu tendance à l’oublier mais derrière chaque ordinateur, derrière chaque smartphone, derrière chaque connexion Internet, se cache un utilisateur. Il en va de même pour toute conception de produits.
Le seul et unique but est d’aller à a la rencontre du client. Internet permet de démultiplier la puissance du message d’une marque mais rien ne vaut un échange les yeux dans les yeux avec une bonne poignée de main. Bien évidemment, plus votre produit a de renommée et de succès, plus il est difficile de maintenir ce lien de proximité. Mais il faut avoir en tête de ne jamais perdre ce contact. Ainsi, si vous pouvez prévoir dans votre produit un élément qui permette d’entrer en contact avec le client, par n’importe quel moyen possible, cela serait un vrai plus pour votre marque. Dès le début, NTM écume les scènes. Leurs premières ne sont pas incroyables, mais à force de travail et d’acharnement, ils montent de véritables shows avec une énergie unique. Olivier Cachin, référence dans le monde du rap, le confirme.
En 1991, à leurs débuts, le duo doit jouer dans un gymnase à Mantes-la-Jolie. À ce moment-là les concerts sont très importants pour eux afin de se faire connaître au maximum vu qu’ils n’ont pas encore la renommée qu’ils auront des années plus tard. Pour rappel en 1991 c’est la date de la sortie de leur premier album « Autentik ». Le concert est déprogrammé suite à la réputation sulfureuse du groupe. La force de conviction des membres du groupe NTM empêchera cette annulation. Ils décident de faire tout de même le concert mais de manière très originale. Le groupe envahit le terrain de rugby à proximité pour garer quelques voitures et installer du matériel. Avec les moyens du bord, éclairés par des feux de voiture, il réussit tout de même à réunir 250 personnes. On n’arrête pas NTM.
Ce genre d’événement participe à la création d’un mythe, d’une légende, d’une image de marque. C’est digne d’une scène de film. La série « Validé », consacrée au monde du rap, réalisée par Franck Gastambide, sortie en 2020, s’en est sûrement inspirée. Dans l’une des scènes majeures de la série, le héros principal a interdiction de faire son concert . Il le fera tout de même à l’extérieur, un peu à la manière de NTM. Sûrement un clin d’œil aux pères fondateurs JoeyStarr et Kool Shen.
Kool Shen fera d’ailleurs une apparition dans cette série :
En 1997, a lieu le festival Rock à Paris, organisé à Bercy. En tête d’affiche, on retrouve le célèbre groupe de rap américain Wu-Tang Clan. NTM est l’outsider de l’évènement et passe avant le groupe star. Le duo interprète 4 morceaux pour une superbe prestation scénique. Le Wu-Tang Clan qui passe juste après ne supporte pas la comparaison. Ils sont ridiculisés au niveau énergie et prestation surtout qu’ils interprètent leurs morceaux en play-back alors que NTM fera tout en live. Ils sont jusqu’au-boutistes. S’ils viennent, c’est pour tout casser sinon ils ne viennent pas.
Quand vous allez sur un marché, il faut y aller dans l’idée de tout casser. Si c’est pour jouer un rôle de touriste, prenez plutôt un billet d’avion pour la Grèce. Au moins, vous serez au chaud et vous aurez moins de pression. Le monde commercial, du business, n’est pas un monde de bisounours. Bien que les clients ne vous veuillent aucun mal, ils ne sont pas là pour vous lancer des fleurs. C’est pour ça qu’à chaque étape de la stratégie de communication concernant votre image de marque, vous devez vous donner les moyens de marquer les esprits.
Quand NTM monte sur scène, le groupe veut faire à chaque fois le meilleur show possible pour qu’on se souvienne d’eux et cela même s’il y a quelqu’un de plus renommé à l’affiche. Bien que NTM soit un des initiateurs d’un rap à la française, ils s’inspirent tout de même des USA.
Quelques années auparavant, en 1995, un concert est organisé par SOS Racisme à la Seyne-sur-Mer pour protester contre l’élection de Jean-Marie Le Chevallier (Front National) à Toulon. Déjà auteur du morceau controversé « Police » sur l’album « J’appuie sur la gâchette » où les propos sont très virulents vis-à-vis des forces de l’ordre, NTM en profite pour insulter les forces de l’ordre qui encadrent le concert :
« Nique ta mère, je nique la police, j’encule et je pisse sur la justice. Où sont ces enculés de bleus et la justice qui nous emmerdent toute l’année ? Les fascistes ne sont pas qu’à Toulon, ils sont en général par trois, ils sont habillés en bleu, ils ne sont pas loin derrière vous, à l’entrée. Vous voyez de qui je veux parler ». Puis ils interpréteront le fameux titre « Police ».
SOURCE CONCERT LA SEYNE SUR MER : https://www.liberation.fr/musique/1996/11/16/ntm-trois-mois-de-prison-ferme-pour-delit-de-grande-gueule_188357/
En 1989, à Détroit, le groupe le plus dangereux du monde, selon la formule consacrée, NWA (Niggaz Wit Attitudes) interprète sur scène leur chanson « Fuck tha police ». Quelques mois plus tôt, le FBI avait envoyé une lettre d’avertissement au groupe concernant ce morceau. Cette lettre et ce concert participeront à la légende du groupe américain puisque juste après leur prestation scénique à Détroit, le FBI arrêta le groupe. 1989 pour NWA et 1991 pour NTM, on peut voir la ressemblance.
La relation avec les médias n’a jamais été facile même si elle a été un réel plus dans la communication.
NIQUE TON MEDIA
Depuis toujours, le groupe fait peur aux maisons de disques puisqu’elles peuvent recevoir des plaintes du Ministère de l’Intérieur ainsi que des médias. Évidemment, à une époque où le Hip-Hop n’est pas aussi fort qu’aujourd’hui, c’est très délicat à vendre auprès d’une maison de disques. Mais le groupe ne cédera jamais à la pression concernant leurs choix, c’est ce qui fera toute leur force.
Pour ma chaîne YouTube comme pour la rédaction de mes articles, je suis amené à résister à certaines pressions. J’ai un objectif en m’obligeant à fournir un travail de qualité autant par le contenu de mes vidéos que par le contenant. J’ai également un objectif d’abonnés concernant ma chaîne. Pour cela, je sais que l’algorithme de YouTube est plutôt favorable au temps de visionnage de mes vidéos. Plus une personne regarde longtemps une vidéo, plus YouTube juge que votre vidéo est intéressante. À vrai dire ça me convient puisque je sais que développer en profondeur des sujets n’est pas possible dans des vidéos de 5 ou 10 minutes.
À contrario, il est plus délicat de faire du contenu très régulièrement. Vous avez certainement dû le remarquer. Je publie une fois tous les 15 jours sur ma chaîne YouTube. Une stratégie pour augmenter le temps de visionnage de mes vidéos serait de produire plus de vidéos. Par exemple, une vidéo / semaine. Maintenir une telle qualité de vidéo en produisant une vidéo par semaine est à l’heure actuelle impossible. J’ai la chance d’être entouré d’un petit groupe d’amis pour la plupart entrepreneurs à qui je demande des conseils.
Nous faisons régulièrement des réunions via FaceTime où je leur demande leur avis. Ils sont assez unanimes lorsque je leur ai parlé de produire plus de vidéos. Je devais me consacrer à fournir de la qualité et alors, plus tard, peut-être que je pourrais travailler sur une méthode pour alimenter plus souvent ma chaine YouTube en vidéo. J’en profite pour passer le bonjour aux membres de ce groupe, Malloum, Jean Pierre, Bernard, qui m’ont aidé dans cette réflexion.
Au début de la chaîne, j’avais comme objectif de produire une très bonne vidéo tous les 15 jours, puis le temps faisant sous la pression des chiffres que je souhaitais meilleurs, j’ai commencé à me dire qu’il fallait faire une vidéo toutes les semaines. J’ai réagi en fonction de mes émotions, en fonction du chemin et non plus en fonction de ma vision. Heureusement, je suis entouré. C’est exactement la même chose pour tout ce que vous allez développer. Vous pouvez être sans arrêt sollicité par des facteurs extérieurs qui vont essayer de changer votre vision de départ.
Maintenir le cap est plus difficile que d’en changer à tout-va.
NTM a su maintenir le cap concernant ses convictions. Le groupe s’est ainsi entouré de personnes qui relayaient leurs convictions. Le responsable du groupe au sein de Sony posera même sa démission puisque celle-ci ne voulait pas suivre la volonté de NTM. Sony fera marche arrière et acceptera alors les demandes du duo.
Savoir s’entourer de personnes compétentes, avec une opinion argumentée est très important. Pensez à avoir autour de vous un petit groupe de personnes qui peuvent vous conseiller au mieux, mais n’oubliez pas que le seul capitaine du navire, c’est vous.
La campagne de promotion du second album, « J’appuie sur la gâchette » est très délicate. Le nom, la pochette ainsi que le clip de l’album suscitent l’énervement des médias et des hommes politiques qui voient une apologie de la violence. Sur la pochette de l’album, on voit un pistolet avec des douilles. Sony choisi de ne pas faire de publicité concernant l’album. Le clip finira tout de même par être diffusé sur les chaînes de télévision mais seulement à partir de minuit. Ne pas passer sur les médias traditionnels peut s’avérer contraignant pour un plan marketing mais cela devient justement un argument marketing si c’est bien utilisé. Par exemple, NTM peut dire : « les médias traditionnels refuse de nous diffuser parce que nous disons la vérité ».
C’est exactement l’argument que les complotistes emploient pour leur théorie. Ils disent la vérité, c’est pour ça qu’ils sont interdits de médias. J’ai rédigé un article qui en parle en détail dans une analyse de la pandémie du Covid-19. C’est un article conséquent décliné en deux parties mais avec énormément d’informations.
Forcément, cela rajoute de l’attrait à un groupe qui est déjà sulfureux. Un petit peu comme un ado à qui on interdirait de sortir parce que c’est dangereux. Il a plus de chance de sortir justement parce qu’il est attiré par l’interdit. Savoir repousser est une stratégie marketing. Vous pouvez dire que votre produit correspond à certains critères. Vous refusez ainsi la vente pour ajouter de l’attractivité à votre produit.
Prenons un exemple concret. En cliquant sur le lien qui se situe en bannière en haut de cet article, vous pourrez avoir accès à un cours privé et interactif qui vous révèle comment avoir une image de marque reconnaissable au premier coup d’œil. Mais avant de pouvoir accéder à ce cours, vous devez remplir un formulaire. En fonction des réponses, vous aurez accès ou non à ce cours. Ma stratégie est la suivante : je ne souhaite pas avoir tout le monde pour ce cours. Tout simplement parce qu’il ne correspond pas à tout le monde. Forcément, certaines personnes vont se sentir lésées mais d’autres vont se sentir attirées. La facilité d’accéder à un produit est importante mais si vous donnez l’accès à tout type de prospects alors votre produit perdra en attractivité. C’est d’ailleurs la stratégie qu’adopte les marques de luxe comme Rolex par exemple. Il n’est pas facile d’avoir une montre de cette marque. Vous devez même vous mettre sur une liste d’attente.
J’explique toute la stratégie de l’image de marque Rolex dans un article entièrement dédié au sujet. Si vous voulez vendre vos produits avec un prix plus élevé, je vous conseille vivement de lire cet article.
Malheureusement, le jeu du chat et de la souris auquel joue NTM avec les médias a aussi un aspect plus négatif. Même si le produit NTM devient plus séduisant de par son interdiction et son côté sulfureux, les médias n’hésitent pas à détourner leurs propos. Même si au final cela renforcera globalement l’image de marque de NTM.
Les personnes qui ne connaissent pas le groupe NTM se diront que c’est un groupe violent et qu’il ne mérite pas leur attention. A contrario, la manipulation des médias renforcera le sentiment d’appartenance à une communauté de connaisseurs de NTM.
On a pu le voir avec les extraits que je viens de passer, il est très facile de manipuler vos propos avec du montage vidéo. C’est pour ça que je vous recommande de faire toujours attention à la manière dont vous associez votre image, on l’a vu précédemment, mais aussi à ce que vous en faites.
Il y a quelques temps j’ai participé à un événement physique en tant que spectateur. Une des personnes de la salle est venue m’aborder en me proposant tout de suite une interview. Interview que je me suis empressé de refuser pour plusieurs raisons. J’ai bien senti qu’il souhaitait plus profiter de ma notoriété que d’une réelle interview avec un vrai sujet. De plus, celle-ci n’était préparée en aucun cas. Il me paraît normal de préparer de manière professionnelle une interview, en préparant des questions pertinentes et surtout en mettant en valeur l’interviewé avec une belle image et un beau montage. Bien sûr, c’est toujours délicat de refuser parce que quelque part ça nous met en lumière et que ça flatte notre ego. Pour être totalement transparent, au début lorsque j’ai commencé mon activité sur Internet, j’ai accepté tout et n’importe quoi contrairement à aujourd’hui où je choisis minutieusement mes interventions. J’ai eu le déclic concernant ce sujet lorsque j’ai assisté à une conférence ou l’orateur qui était sur scène s’est fait prendre à parti par un spectateur qui avait le micro en main pour lui poser une question. Ce dernier n’a pas hésité à essayer de l’engager devant toute la foule en lui disant « je passe à l’action en proposant de t’interviewer après ta prestation sur scène ». Le public a applaudi, mettant un peu plus la pression sur l’orateur. Celui-ci a eu une réponse magistrale : « Ta proposition d’interview est vraiment très intéressante. Je te remercie de me l’avoir proposée. Le passage à l’action est primordial et respecter une certaine forme de réciprocité l’est tout autant. Pour moi, il me paraît naturel que si j’accorde de mon temps pour une interview, cela m’apporte également. Je te propose donc de me refaire ta demande plus tard pour qu’elle soit équitable pour toi comme pour moi ». C’est dit de manière très élégante mais en gros ça veut dire, si tu n’as rien à m’apporter, je ne vois pas pourquoi je prendrai du temps pour toi. C’est d’une logique implacable.
Si je prends mon modeste exemple, on me contacte régulièrement pour me proposer plein de projets plus incroyables les uns que les autres, mais sans jamais me parler de ce que cela peut m’apporter en retour. Une interview, c’est du temps, du temps où il faut être bon. En tant qu’entrepreneur, on se doit de ne pas penser qu’à nous mais aussi aux autres, c’est primordial. Surtout si à la fin, on se retrouve en interview sur une énième chaîne YouTube qui propose un produit de piètre qualité (interviews peu préparées et pas professionnelles). De plus, les vidéos peuvent être remontées, pour vous faire dire ce que vous n’avez pas forcément envie de dire. Tout cela dénote d’un manque de professionnalisme évident. Les médias veulent manipuler les propos et dans l’anecdote de l’interview que j’ai refusée, la personne qui voulait m’interviewer souhaitait me manipuler pour profiter de ma notoriété et de mon contenu sans aucune contrepartie.
NIQUE TA MARQUE
De par leur nom, NTM marque déjà une très grande différence, « Nique ta mère », ça se retient obligatoirement. Choisir pour nom NTM conditionne l’écriture dira Kool Shen.
La majorité des groupes du début des années 80 s’appellent Gang machin ou Criminel quelque chose. Le duo choisit de se démarquer en se différenciant. Ce nom pourtant si simple et terriblement efficace possède déjà tous les éléments qui font une réelle différence. Trois lettres, c’est très facile à retenir avec en plus un slogan d’étonnant. À regarder de plus près dans la musique, les noms avec des lettres sont déjà très courants : AC/DC, REM, U2, UB40 et plus particulièrement dans le rap américain : LL COOLJ, RUN-DMC, NWA (dont on a parlé tout à l’heure), EPMD, mais aussi français, IAM, SCH, MHD, PNL …
La marque NTM s’étend bien évidemment depuis leur territoire. On passe du 93 au 9 -3. Identifier un territoire permet de fédérer une communauté forte qui se sente représentée puisqu’elle fait partie de ce territoire. Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous invite à lire l’article où je parle du film Justice League de Zack Snyder. J’y évoque la théorie des 1000 fans établie par Kevin Kelly où comment vivre de sa passion avec seulement 1000 vrais fans.
IAM l’avait compris avant NTM puisque dès leur première cassette, « Concept », on sent déjà tout un concept de marque établi autour du territoire. NTM comme toutes les grandes marques nomme ses ennemis qui sont l’État et plus particulièrement la police.
Le morceau « Police » sur l’album « J’appuie sur la gâchette » est d’ailleurs très clair à ce sujet.
Dans le rap, leur ennemi est IAM même s’ils n’ont jamais été en opposition directe avec le groupe marseillais. Ils sont un peu leurs jumeaux maléfiques et leur concurrent principal.
Le malentendu remonte à 1990, année où NTM, sur le morceau « Le monde demain », reprend le sample de Marvin Gaye « T Stands for trouble ». Quelques mois auparavant, IAM avait déjà utilisé ce sample pour un des morceaux de la cassette « Concept » que le groupe NTM avait beaucoup écouté. Je vous mets les trois morceaux pour que vous fassiez votre propre idée :
On pourrait penser que NTM a copié IAM. Le contexte, avec l’avènement du sampling et les références musicales du Hip-Hop, explique peut-être la création de ces morceaux. Les deux groupes jouent avec les mêmes briques à la même époque, ce qui peut arriver à la même conclusion.
Cyril de Souza Cardoso, auteur du livre « Innover comme Elon Musk, Steve Jobs et Jeff Bezos » en parle en détail dans une interview qu’il m’a accordée. Vous pourrez retrouver l’intégralité de cet entretien en cliquant juste en dessous :
Afin d’affirmer ses valeurs, chaque grande marque nomme son ennemi. Nous, nous sommes comme cela et notre ennemi est comme ceci. Cela permet de clarifier les positions et de simplifier le message. Cette opposition entre NTM et IAM est l’opposition entre le Nord et le Sud, le rap de Paris contre le rap de Marseille, la capitale contre la province. Cette opposition sera accentuée avec l’affrontement entre le PSG et l’OM, choc créé artificiellement pour une vraie opération marketing afin de doper les enjeux. Les Classicos des autres pays européens ont de réelles raisons d’exister contrairement à la France. C’est sans compter sur le talent marketing de Bernard Tapie qui exacerbera ce conflit.
Les choix artistiques du groupe sont révélateurs de la personnalité du duo, toujours très affirmée et directe. Ils restent intègres en respectant toujours leur image.
Avant d’être signé, le groupe a eu de nombreux rendez-vous dans de grandes maisons de disques mais ce qui était proposé ne leur convenait pas. On leur a notamment proposé comme parolier, MC Solaar. NTM préfère reprendre sa maquette et ne pas signer. Savoir dire non est la marque des leaders à qui l’on a envie de dire oui.
NTM est en quête perpétuelle d’authenticité.
Aujourd’hui, le mot authenticité est cuisiné à toutes les sauces sur Internet. On le voit partout et tout le temps. Quand il est couplé au mot bienveillance, on arrive à une formule formatée et sans saveur qui ne veut absolument rien dire. L’authenticité ne se montre pas, elle se démontre. Il faut éviter les formules toutes faites qui sont le lot quotidien de toutes les entreprises qui emploient le marketing de clone. Répéter à outrance ce que l’on peut voir chez la concurrence à qui l’on ne souhaite pas ressembler n’est pas une stratégie d’image de marque durable.
NTM est un challenger qui veut être numéro un. Ils ont un esprit de compétition exacerbé principalement insufflé par Kool Shen qui a été élevé dans une famille où le travail est au cœur de l’éducation. Son parcours de sportif accompli va également dans ce sens.
NTM est le premier groupe de rap à avoir utilisé beaucoup d’insultes dans ses paroles mais ce sont des insultes qui exprimaient une pensée aboutie. Aujourd’hui, les insultes sont devenues choses communes mais elles sont pour la plupart du temps sans aucun fond ni aucune pensée derrière. Les clowns ont copié les originaux en en enlevant la saveur.
Aujourd’hui, dire « fuck le gouvernement » est quelque chose de commun pour un rapeur. Il serait peut-être plus clivant de dire qu’on aime le pouvoir en place. C’est évident que c’est beaucoup plus risqué, mais c’est certain que ça marquerait plus les esprits.
Doc gynéco avait fait un excellent morceau qui s’appelle « Classez-moi dans la variet » où il s’excluait du monde rap afin de créer sa propre catégorie. En créant votre propre marché, vous ne pourrez en être que le leader. Ce principe est expliqué en détails dans le livre « La stratégie de l’océan bleu : comment créer de nouveaux espaces stratégiques ».
La sortie du troisième album « Paris sous les bombes », NTM innove en créant le concept « Nique ton Mac ». Il s’agit d’un programme destiné aux journalistes présents sur une disquette. Le programme customise le bureau de l’ordinateur, la poubelle est remplacé epar la tête de Charles Pasqua, Ministre de l’Intérieur en 1995 et donc chef de la police, l’ennemi principal de NTM. Le son de démarrage est modifié, par la voix de JoeyStarr qui disait : « tu as une quéquette toute plate ». Rien n’était prévu pour désinstaller ce programme et plusieurs journalistes appellent la maison de disque pour se plaindre. La réponse de l’équipe de NTM était sans équivoque : « Bah oui, c’était marqué sur la disquette que ça allait niquer ton Mac ». C’est provocant, ingénieux et totalement raccord avec l’univers de NTM. Ils se foutent des journalistes qu’ils n’aiment pas, tout en imprimant encore plus leur marque. Ils iront encore même plus loin.
L’album « Paris sous les bombes » rentre numéro un des ventes. Le numéro un précédent était « Titanic » de Céline Dion. NTM décide de faire une campagne d’affichage dans Le Parisien et Libération avec le titre inscrit en gros « Titanique ta mère. » Encore une fois tout est raccord dans la communication. C’est parfait. La communication arrive à un point de perfection à partir du troisième album. NTM a su s’entourer des bonnes personnes pour pouvoir les canaliser mais aussi pour étendre leur message en leur proposant des solutions adéquates à leur créativité.
Ils sont créatifs, ils innovent, avec une image de marque unique. Cela explique leur succès avec en plus, bien évidemment, leur qualité musicale. NTM ne se mélange que très peu avec les autres groupes de la scène rap. Le groupe gère avec beaucoup de rareté leurs collaborations et n’apparaît que sur très peu de morceaux. Contrairement à la majorité des rappeurs de la même génération, Kool Shen et JoeyStarr n’apparaissent sur aucune compilation. Ils partent du principe que NTM se suffit à lui-même. Ils vont complètement à contre-courant de ce qui se fait à cette époque-là puisque les rappeurs sont toujours en quête de notoriété. Ils vont la chercher en faisant des featurings (des collaborations) à foison, avec d’autres artistes. Rappelez-vous ce dont je vous ai parlé précédemment, concernant les partenariats. Il vaut mieux en faire très peu mais très bien choisi que d’en faire plein mal choisi. Cela risque de ternir votre image de marque et de troubler votre message. Préférez-vous quelqu’un qui est rare et pertinent plutôt que quelqu’un que l’on voit partout avec un discours convenu ?
La marque NTM est tellement forte qu’elle est entrée dans le paysage de la musique française en étant repris par des artistes très différents comme Philippe Katerine ou encore le groupe Brigitte, preuve de leur empreinte sur la musique.
NTM sert de caution et de référence. Les jeunes artistes de la nouvelle scène de rap française font appel à eux pour participer à leur clip :
ou encore ils sont le sujet principal de clip vidéo :
NTM n’est plus actif musicalement. Mais avec leurs quatre albums et leur carrière, ils ont complètement influencé tous les artistes à succès d’aujourd’hui comme le témoigne le rappeur Sofiane, issu lui aussi du 93, qui a également une excellente carrière.
Le duo sait parfaitement vivre de son héritage et bien que leurs fans attendent avec impatience un nouvel album, celui-ci n’arrivera jamais, selon les dires du groupe.
Kool Shen et JoeyStarr ont vraiment une volonté de ne pas faire l’album de trop. Faire un album pour un album ne présente que peu d’intérêt à leurs yeux. Aujourd’hui, sur YouTube, on peut voir énormément de chaînes avec des vidéos, vides de sens, vides de contenu. Ces chaînes produisent pour produire. Il s’agit bien souvent de la stratégie « 1 vidéo / jour ». Quel est l’intérêt de publier tous les jours à part gaver l’auditeur d’informations inutiles ?
C’est ce qu’on pourrait appeler l’infobésité. Tellement d’informations que vous êtes gavés à ne plus savoir qu’en faire surtout que pour la grande majorité, ce sont des vidéos qui manquent cruellement de travail de fond. Ces chaînes YouTube produisent des contenus jetables, plus rapidement oubliés que visionnés. Pour son dernier album « Suprême NTM », le groupe travaille une pochette inédite est très différente de ce qu’ils ont déjà fait. Sur les trois premiers albums, ils sont mal identifiés. Ils sont noyés au milieu d’un collectif. Ils décident de faire quelque chose d’inédit. Une photo solo de chacun des membres pour chaque face du CD, avec un éclairage bleu et aucun titre. Pas de titre d’album, pas de titre de groupe. Juste la photo de la tête de chacun des membres du duo. A cette teinte bleutée, est ajouté un élément : un simple code barre en jaune. Cette pochette a marqué les esprits. Des années plus tard ils feront un duo avec un rappeur de la nouvelle école, Sofiane, qui reprendra cette pochette mythique en s’y intégrant.
NIQUE TON PLAN MARKETING
L’apogée de leur créativité arrivera avec l’album « Paris sous les bombes » mais sera peaufiné avec l’album « Suprême NTM ».
Ils inaugurent une première dans le monde du rap avec une série de mini clip pour l’album « Paris sous les bombes ». « Tout n’est pas si facile », « La fièvre », « Qu’est-ce qu’on attend » forment un film entier. À l’époque ce type de projet était réservé de très grands artistes comme Mylène Farmer mais pas au rappeur. C’est un argument marketing exceptionnel qui permettra de faire une soirée spéciale sur Canal+.
Même s’ils innovent, ils ont compris qu’il n’est pas nécessaire d’en faire trop au niveau de leur image.
Pour leur premier clip « Le monde de demain », ils furent raillés de par les tenues qu’ils portaient. Rien à voir avec les vêtements des Bboy des années 1990 puisque c’était des tenues de Jean-Paul Gaultier. Ils veulent revenir à une image plus brute plus authentique et spontanée qui correspond à l’image de marque qui est émise par NTM.
Pour la sortie de leur dernier album, « Suprême NTM », le groupe souhaite faire du morceau « Seine-Saint-Denis style » le premier single à être diffusé. La maison de disque voit les choses autrement parce qu’elles jugent ce morceau trop violent pour un premier single. Le groupe, comme à son habitude, ne se laisse pas faire. Le groupe décide donc de fabriquer un disque pirate qu’ils écoulent à plusieurs centaines d’exemplaires au marché aux puces. Sur ce disque on retrouve le single « Seine-Saint-Denis style ». Le disque se diffuse et quelques jours plus tard le morceau entre sur Skyrock qui dira qu’ils l’ont eu en exclusivité. Le groupe jouera le jeu jusqu’au bout en appelant la radio pour savoir comment ils avaient eu ce morceau. Le morceau « Seine-Saint-Denis style » tournant en boucle sur toutes les radios, il devient naturellement le premier single du nouvel album.C’est un coup de maître de l’équipe de NTM.
Le plan marketing du quatrième album est très bien rôdé. Fidèle à ses valeurs, le groupe refuse de faire leur promotion à la télévision. Il se souvient des déboires qu’ils ont eu durant la campagne pour promouvoir leur second album « J’appuie sur la gâchette ». Cela va également à l’encontre de leurs convictions de passer dans les médias de masse qui les avait interdits précédemment. Durant la promotion de l’album « Paris sous les bombes », il s’est rendu compte que le disque s’est très bien vendu alors qu’il n’y a pas eu de pub télé. Il fait un ratio entre ce qu’il doit faire et ce qui a fonctionné et décide donc de ne pas faire de passage télé. Ils éliminent le superflu pour se concentrer sur ce qui fonctionne et ce qui est raccord avec leur image de marque. NTM se rapproche encore plus de sa base en ne faisant de la promotion que sur les radios locales, les radios étudiantes, les radios associatives ainsi que dans les fanzines. Il se prend au jeu et enregistre même des jingles sur-mesure pour ces radios.
Avec tout ça, il montre à quel point il est prêt de son socle. Avant de toucher le plus grand nombre, il faut respecter le socle. Il imagine également un magazine qui paraîtra en 1998, « Authentik », nom du premier album. Dans ce magazine, ce n’est pas de la promotion directe pour le groupe mais plutôt de la promotion détournée puisque il traite de l’actualité à travers le prisme NTM. Il crée de la valeur ajoutée tout en étant raccord avec le monde de NTM. Ce premier magazine gratuit sortira à 150 000 exemplaires. 3 jours suffiront pour tout écouler. Cerise sur le gâteau, le magazine était financé en partie par les pages de pub qu’il y avait à l’intérieur, payé par des maisons de disques concurrentes. Les concurrents avaient participé au financement de l’outil marketing de NTM. Du grand art.
NIQUE TON PLAN D’ACTION
Suite à une discussion avec Nathanaël, qui lit régulièrement mes articles, celui-ci m’a suggéré un point d’amélioration : Faire des plans d’actions qui résument les étapes essentielles des articles.
Et bien, c’est chose faite. Merci à toi Nathanaël de m’avoir donné ce conseil. Si vous avez des idées, écrivez-les moi en commentaire. Ces articles sont surtout les vôtres.
- Premier point : une marque a de réelles convictions.
Je vous conseille d’écrire sur une feuille les choses avec lesquelles vous ne souhaitez pas transiger. Une fois que vous les avez rédigées, relisez-les le plus souvent possible dès que vous avez un doute concernant votre communication. Le gros point fort de NTM, c’est la scène. Toute leur stratégie s’est appuyée sur cette force. Déterminer la qualité principale de votre produit, de votre société, de votre image de marque, et appuyer dessus encore plus fort. Si vous avez un doute concernant celle-ci, écoutez vos clients.
- Gagner la bataille de l’esprit est un réel plus.
NTM a très bien fait en s’imprimant dans les esprits avec tous les tags qui étaient répandus dans Paris. Pour gagner cette bataille, vous avez deux solutions. Soit par le nombre, une présence accrue mais attention à garder de la qualité, soit par la rareté, comme le font brillamment les produits de luxe. Le duo a justement très bien géré cette rareté en accordant que très peu de collaboration musicale. Ils étaient complètement à contre-courant d’une époque où les rappeurs multipliaient les collaborations afin d’étendre leur notoriété. NTM, à ses débuts, n’a jamais été guidé par l’argent.
- Lorsque vous sortez un produit, réfléchissez d’abord à comment solutionner les problèmes de votre client plutôt que l’argent que cela va vous apporter.
Le groupe n’a jamais voulu sortir l’album de trop. Sortir un produit pour un produit n’a aucun sens. L’argent n’est pas une bonne boussole pour indiquer la direction de votre navire. NTM a toujours été préoccupé par satisfaire en premier le socle de ses auditeurs. Avant d’aller conquérir de nouveaux clients, il faut absolument penser à satisfaire vos plus fervent fans. Que ce soit par le produit ou par l’identité de votre marque, par exemple comme l’a très bien fait NTM en renommant le 93 en 9-3 (qui devient bien plus qu’un simple département, un signe d’appartenance fort). Kevin Kelly a écrit un excellent article qui explique comment vivre de son business avec 1000 vrais fans. J’en parle plus en détails dans l’article sur le film Justice League de Zack Snyder, qui est un excellent cas d’école.
- NTM a toujours géré ses collaborations au compte-goutte. On peut être attiré par de multiples partenariat pour développer sa notoriété mais attention à ce qu’ils ne nuisent pas à votre image de marque.
En choisir peu mais bien est très important. S’entourer de personnes à même de donner de vrais bons conseils est indispensable lorsque vous avez des décisions importantes à prendre. Soyez minutieux dans la sélection de ces personnes. Beaucoup donne des conseils mais très peu passent à l’action. Il vaut mieux avoir des personnes qui donne des conseils par rapport à leur passage à l’action. Le talent restera toujours inférieur au travail. NTM est devenu un groupe incontournable sur scène à force de travail et non du talent. Le talent seul ne fait pas la différence. C’est l’abnégation dans le travail qui arrive à l’excellence. NTM au fur et à mesure de son expérience a su éliminer le superflu pour se concentrer uniquement sur ce qui fonctionne.
NIQUE TA CONCLUSION
Avant de conclure, je vous invite à lire l’excellent livre « NTM, dans la fièvre du Suprême » que j’ai lu avec grand intérêt et qui m’a aidé à rédiger cet article. Le livre est très bien écrit et relate en détail de nombreuses anecdotes, dont quelques-unes que je vous ai partagées ici.
NTM a été précurseur. NTM a été leader. NTM a su s’arrêter à l’apogée de sa carrière, certainement au meilleur moment pour marquer les esprits et devenir de véritables légendes de l’histoire du rap français. Nous sommes la première génération d’entrepreneurs à avoir baigné dans le rap. C’est pour ça que je tenais à faire cet article sur NTM. J’ai toujours aimé leur musique et la conception de leur image de marque est vraiment un cas d’école que je souhaitais vous partager.
Merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout qui m’a nécessité six jours de travail plein. Entre les recherches, les visionnages, les lectures, la rédaction, les corrections et le graphisme. Si vous l’avez apprécié et qu’il vous a appris, merci de la liker et de me laisser un commentaire, ce sera majeur pour l’évolution de mon compte Amazon.
Dès le début des années 80, au début du mouvement hip-hop, Bruno Lopes et Didier Morville ont compris qu’il ne fallait absolument pas qu’ils deviennent l’énième copie d’une copie sous peine de se transformer en photocopieur.
Pour revoir l’intégralité de la vidéo qui retrace cet article, cliquez juste en dessous :