Comment un homme politique issu de l’ancien monde (il a été ministre délégué de l’enseignement professionnel de 2000 à 2002) a su conjuguer avec les outils du présent pour se créer une image de marque innovante ?
Jean-Luc Mélenchon est devenu une marque qui fait fureur auprès des jeunes.
Ici, nous n’allons pas parler des idées politiques de Jean-Luc Mélenchon, mais plutôt de sa stratégie de communication qui a fait de lui une marque attractive auprès de nombreux électeurs.
Jean-Luc Mélenchon est un excellent orateur doublé d’un stratège hors pair.
Dans cet article, on va s’attarder plus précisément sur sa campagne électorale de 2017 qui a complètement changé la donne du marché politique au niveau numérique.
Il a été précurseur dans le domaine.
Ici, on s’intéresse particulièrement à l’image de marque, à l’innovation et la créativité et la campagne que Jean-Luc Mélenchon a menée en 2017 a réuni ces trois critères.
Dans la première partie, nous reviendrons rapidement sur les origines de Jean-Luc Mélenchon afin de poser le contexte.
Sans le contexte, il n’est pas possible de fournir une analyse précise.
Dans une seconde partie, on regardera en détail sa stratégie d’image de marque.
Qui est sa cible, la clientèle de la marque Mélenchon ?
Nous regarderons également en détail comment il a changé la donne en utilisant trois techniques innovantes, dont une qui a complètement disrupté le marché en allant totalement à contre-courant.
AUX ORIGINES
Avant d’arriver à cette fameuse campagne de 2017, posons le contexte.
Jean-Luc Mélenchon est un homme politique né en 1951 au Maroc.
Son père Georges travaille à la poste et sa mère Janine est institutrice.
Après avoir travaillé quelques années dans le privé, il devient surveillant puis professeur en 1975. Il intègre le parti socialiste à partir de 1976.
En 1986, il est le plus jeune sénateur de France. Durant la cohabitation du président Jacques Chirac, Lionel Jospin, Premier Ministre, nomme Jean-Luc Mélenchon ministre délégué à l’enseignement professionnel de 2000 à 2002.
En 2008, se tient le congrès de Reims.
L’objectif de ce rassemblement est de définir la stratégie du parti socialiste et de désigner le nouveau premier secrétaire du parti. Le premier secrétaire étant le leader du parti.
Le camp socialiste est très divisé pour l’élection de son chef. Elle se joue entre Bertrand Delanoë, Ségolène Royal et Martine Aubry.
Malgré de nombreuses controverses et querelles au sein même du parti, Martine Aubry est élue première secrétaire.
Jean-Luc Mélenchon profite de ce congrès pour quitter le parti afin de fonder le parti de gauche.
Il sent le vent tourner et profite de la division de ce mouvement pour prendre plus de responsabilités. Un nouveau produit est sur le marché de l’échiquier socialiste.
Le parti de gauche s’allie au parti communiste afin de revendiquer une orientation socialiste écologiste et républicaine. Mélenchon renforce son influence.
Il se présente à l’élection présidentielle de 2012 et se classe 4ème du premier tour avec 11,1 % des voix.
Bien que disqualifié pour le second tour, c’est un excellent score pour une première campagne présidentielle.
Le candidat de gauche, François Hollande, est élu Président de la République.
Jean-Luc Mélenchon obtient le second meilleur score de la gauche (derrière François Hollande).
Mélenchon a fait une bonne campagne, mais un peu agressive, ce qui lui a sans doute coûté beaucoup de voix.
Il va tirer les enseignements de cette défaite qui vont lui permettre de créer une véritable marque Mélenchon. On verra cela dans la suite de cet article.
En 2016, le parti de gauche compte 8000 adhérents, mais en vue des élections présidentielles et législatives de l’année suivante, Jean-Luc Mélenchon forme un nouveau parti, La France Insoumise.
En fait, c’est bien plus qu’un parti, c’est un mouvement.
Parce que Mélenchon a compris que les partis commencent à être obsolète et qu’il est plus intéressant d’incarner un mouvement.
Il se présente à la nouvelle élection présidentielle de 2017 à laquelle il termine à nouveau en quatrième position avec 19,58 % des suffrages.
Emmanuel Macron remporte l’élection et devient le Président de la République.
Marine Le Pen finit seconde et François Fillon troisième.
Cette fois-ci, Mélenchon finit premier de l’électorat de gauche.
Mais pas seulement. C’est un score élevé pour un premier tour puisqu’il a fait 8 points de plus par rapport à sa campagne précédente de 2012.
C’est un score comme la gauche n’en avait pas connu depuis 35 ans.
Jean-Luc Mélenchon devient un acteur incontournable de la vie politique à gauche alors que le parti socialiste peine à trouver un leader charismatique capable d’emmener le peuple.
UNE STRATÉGIE DE MARQUE
Partie 1 – Qui sont les clients ?
Pour vendre un produit il est indispensable de connaître sa cible.
Jean-Luc Mélenchon est une marque, on va le voir en détail et le produit à vendre, ce sont ses idées.
C’est exactement la même chose pour chaque parti politique et même pour certains polémistes qui visent la prochaine élection.
J’ai rédigé un article sur Éric Zemmour qui analyse en détail l’image de marque qui lui permet de vendre beaucoup de livres et d’avoir une certaine notoriété. Foncez le lire, il est très intéressant.
Dans le marketing, c’est ce qu’on appelle connaître son avatar. Souvent on parle de connaître son avatar client. Si vous êtes une nouvelle entreprise ou que vous lancez un nouveau produit, connaître son client paraît difficile puisque vous n’en avez pas.
Dans ce cas-là, on va plutôt parler de connaître son avatar prospect, des prospects qui vont se transformer en clients.
Mais chercher à définir un portrait-robot de son client sans jamais avoir eu de clients, c’est partir sur des bases erronées.
Par compte, si vous possédez beaucoup de data sur des clients déjà existants, alors il est plus facile de parler d’avatar client.
C’est la même chose avec les prospects.
Si vous avez déjà une liste de prospects que vous pouvez exploiter pour en tirer un portrait-robot alors dans ce cas-là, vous pouvez travailler en avatar prospect.
Le problème principal que je peux observer, c’est qu’une nouvelle entreprise qui lance ce premier produit fantasme sur son client rêvé et non sur la réalité.
D’où l’importance de mettre ses émotions de côté en analysant uniquement les data.
Dans le cas de Jean-Luc Mélenchon, il possède déjà pas mal de données.
En 2012, il remporte 11 % des voix et en 2017 un peu plus de 19 %.
Ça commence à faire pas mal de data.
Selon l’Institut Français d’Opinion Publique (l’IFOP), les électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2012 sont plutôt des hommes âgés de plus 50 ans habitant la région parisienne et travaillant dans la fonction publique.
Entre les deux compagnes, Jean-Luc Mélenchon comprend clairement qu’il faut qu’il séduise les jeunes.
Lors de la campagne de 2017, les jeunes se sont tournés vers Jean-Luc Mélenchon.
Ainsi les jeunes de 18 à 24 ans se sont en grande majorité tournés vers le candidat de La France Insoumise.
La conquête des jeunes électeurs a été un cheval de bataille de Jean-Luc Mélenchon.
Ses moyens de communication ont complètement évolué entre les deux campagnes.
Un des tweets les plus partagés de la campagne a été celui où Jean-Luc Mélenchon parle de ses meetings avec hologramme. Il écrit « Kage Bunshin no Jutsu » qui est une formule utilisée par un personnage de manga, Naruto, pour déclencher une technique qui lui permet de se démultiplier.
Il parle jeune pour les jeunes en incluant le slogan de sa marque : #la force du peuple.
En s’inspirant de ce qui se faisait aux États-Unis, Mélenchon s’est entouré d’une équipe jeune et dynamique pour créer une stratégie de communication numérique très innovante.
Entre 2012 et 2007, Mélenchon va devenir bien plus qu’un leader politique, une marque qui séduit de nombreux jeunes et de plus en plus d’électeurs.
Partie 2 – Changer la donne
Pour sa campagne de 2017, Jean-Luc Mélenchon doit s’appuyer sur le numérique. Tout d’abord parce que c’est un nouveau moyen de communication, mais également parce que les moyens pour sa compagne étaient assez limités.
Ils s’entourent de jeunes talents :
- Sophia Chikirou, ancienne militante socialiste qui a créé sa propre société de conseils en communication, Médiascope et qui conseille Jean-Luc Mélenchon pour sa compagne de 2017.
- Antoine Léaument, responsable de la communication, possède sa propre chaîne YouTube démarrée en 2016 et qui a aujourd’hui plus de 50 000 abonnés.
- Manuel Bompard, ancien secrétaire national du parti de gauche, directeur de campagne.
Tous issus de la génération Y, les Millennials, des personnes qui sont nées dans les années 1980 et au début des années 1990.
C’est la première génération à avoir grandi entourée de nouvelles technologies, on les appelle les Digital Natives.
Jean-Luc Mélenchon a su aller chercher à l’extérieur du parti socialiste vieillissant de nouvelles forces pour ses idées. Aller chercher à l’extérieur de son marché est une excellente idée pour la créativité et l’innovation. Se renouveler est ce qu’il y a de plus difficile parce que nous sommes influencés par la concurrence. Tous les leaders innovants restent ouverts à de nouvelles influences qui peuvent aider à la propagation de leur message.
Daft Punk, le célèbre groupe de musique électronique avait fait exactement la même chose en allant chercher des talents à Hollywood ou au cinéma pour créer tout leur univers. J’ai fait un article entièrement dédié à ce sujet que je vous invite à lire.
En utilisant les réseaux sociaux, Jean-Luc Mélenchon va s’ouvrir à un nouveau type d’électorat. On verra plus tard qu’il va vraiment s’appuyer sur YouTube, ça fera le sujet d’une partie entière.
Bien qu’il soit arrivé quatrième du scrutin, le candidat de La France Insoumise est arrivé en tête sur les réseaux sociaux avec un discours publié sur Facebook qui a généré 1,5 millions de vues contre 1,3 millions de vues pour Marine Le Pen.
La candidate du Rassemblement National était jusqu’alors la plus présente sur les réseaux sociaux. Une autre vidéo postée le même soir atteint même 2,9 millions de vues pour Jean-Luc Mélenchon.
Au mois de mars 2017, 7,33 millions de personnes ont parlé de Jean-Luc Mélenchon sur Facebook.
Bien évidemment, ce ne sont que des chiffres et des statistiques qui ne représentent pas un résultat de vote. Par contre, cela montre l’engouement que Jean-Luc Mélenchon a auprès des personnes de 18 à 35 ans qui privilégient de plus en plus les réseaux sociaux pour s’informer.
Jean-Luc Mélenchon ringardise complètement les autres candidats de son parti avec une communication bien huilée qui s’appuie sur les réseaux sociaux. Il innove complètement là où d’autres partis politiques restent figés.
Bien que le parti de Marine Le Pen soit très présent sur les réseaux sociaux, elle n’a pas une communication moderne. En utilisant des outils dont on ne sait pas se servir, on arrive toujours à un truc un peu ringard.
Pour construire une image de marque forte qui soit raccord en tout point, la vision est plus importante que le chemin.
Le chemin, ce sont les outils, la vision, c’est là où vous souhaitez aller. Malheureusement, dans notre société moderne, nous sommes sans arrêt sur-sollicités pour utiliser tel ou tel outil qui va peut-être changer tout notre business. Mais en réalité, l’outil importe peu.
Bien évidemment, si vous avez une meilleure paire de chaussures, vous pouvez courir plus loin et ne pas avoir d’ampoules.
Mais si vous ne savez pas courir, avoir une meilleure paire de chaussures ne vous apprendra pas à courir.
Là où le parti de Marine Le Pen paraît ringard, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon paraît fun. Certaines de ses apparitions sont parodiées en étant associées à des œuvres majeures de la pop culture, comme Star Wars. Son apparition en hologramme fait beaucoup parler et est détournée sur Twitter. Pour l’apparition en hologramme, on va en parler en détail dans une partie dédiée.
Tout cela participe à la diffusion de ce message.
Une sorte d’aura cool autour de la marque Mélenchon émerge. Une ambiance qui donne envie d’en parler.
La seule mauvaise publicité qui existe, c’est de ne pas avoir de publicité.
Jean-Luc Mélenchon est détourné et parodié.
La parodie est un bon signe puisque cela veut dire que vous avez des traits caractéristiques qui vous distinguent.
On ne verra jamais une marque insipide, sans couleur, sans saveur, se faire parodier puisqu’elle ne possède pas les caractéristiques qui aident à la caricature.
Pour arriver à ce cocktail étonnant et détonnant de communication, l’équipe de Jean-Luc Mélenchon s’est inspirée de la campagne américaine de Bernie Sanders.
En 2016, les primaires présidentielles du parti démocrate américain voient se confronter Hillary Clinton, la femme de l’ancien Président des USA et Bernie Sanders, sénateur.
Ce dernier ne possède pas la puissance de frappe d’Hillary Clinton.
Bernie Sanders veut toucher les personnes éloignées de la politique.
Pour cela, il utilise un logiciel NationBuilder.
Ce logiciel permet de gérer un site Web, de collecter des dons en ligne et de multiplier les contacts avec les internautes grâce à l’envoi systématique de SMS ou d’e-mail.
Tout cela de manière personnalisée.
Si vous utilisez des outils de digital marketing, cette pratique ne vous est pas étrangère.
On utilise un CRM, Customer Relationship Management, gestion de la relation client en français, pour contacter des prospects ou des clients en fonction de leurs interactions avec votre marque.
Par exemple, quand je vous envoie un e-mail pour vous informer de la sortie de ma nouvelle vidéo YouTube, j’envoie à nouveau un e-mail deux jours après à toutes les personnes qui n’ont pas ouvert le premier e-mail.
Et quelques jours plus tard, j’envoie un autre e-mail à toutes les personnes qui ont ouvert le mail mais qui n’ont pas cliqué pour voir la vidéo.
Les politiques s’attribuent des techniques marketing très poussées pour pouvoir personnaliser leurs relations avec leur électorat et ainsi augmenter l’influence de leur marque pour pouvoir vendre leurs produits. N’oubliez pas que pour un homme politique, le produit, ce sont ses idées.
L’équipe de Jean-Luc Mélenchon a adapté l’innovation utilisée aux États-Unis par Bernie Sanders. Cet outil, NationBuilder sera repris plus tard par La République En Marche d’Emmanuel Macron.
Ces événements correspondent tout à fait au schéma du nivellement du marché.
Un marché prospère avec des produits globalement similaires.
Lorsque arrive une innovation qui disrupte un marché, il y a un temps d’observation par la concurrence.
Puis elle décide de se mettre à niveau de l’innovation. C’est ce qu’on appelle le nivellement du marché.
Les premiers à utiliser l’innovation sont ceux qui récoltent les plus grosses recettes de cette stratégie.
Cette innovation permet d’entrer en contact avec toutes les personnes sensibles aux valeurs de la marque. Et aussi de mettre en contact les fans de la marque. Cela permet de créer des groupes plus rapidement et d’avoir ainsi plus d’influence. Ce ne sont plus des militants de partis politiques mais des cyber militants.
L’équipe de La France Insoumise s’est également inspirée du parti espagnol né du mouvement des indignés, « Podemos ». Une de leur devise était « deviens toi-même le média ». Mélenchon utilise à ce moment précis des stratégies de personal branding. Il n’est pas un simple candidat, c’est une marque. Un média à lui tout seul. Il l’avait déjà compris en s’affranchissant du Front de Gauche et en créant non pas un parti, mais un mouvement avec La France insoumise.
De nombreuses personnalités deviennent des marques.
Le révolutionnaire Che Guevara est porté sur de nombreux T-shirts.
C’est devenu un symbole de rébellion, une marque.
La campagne de Mélenchon a fait entrer les partis politiques dans une nouvelle ère, l’ère de la Big Data. Tous les algorithmes créés grâce aux données récoltées permettent d’affiner le message tout en touchant plus de personnes. On augmente l’influence de la marque tout en augmentant la qualité du produit.
Je vous invite à lire l’article retraçant l’interview que j’ai faite de Cyril De Sousa Cardoso qui est auteur du livre « Data Power ».
Toute marque se doit d’identifier précisément un ennemi pour affirmer ses prises de position.
Dans l’article où j’évoque l’image de marque d’Éric Zemmour, je compare sa manière de communiquer à de nombreuses publicités de marques très connues qui désignent clairement leurs ennemis
C’est exactement la même chose avec Jean-Luc Mélenchon.
Ses ennemis sont les patrons, les banquiers et les riches.
En nommant ses ennemis, Jean-Luc Mélenchon brouille un peu son message.
Il manque de clarté.
Pour les grands patrons ainsi que pour les banquiers, le message est clair.
Mais pour les riches, cela reste flou.
C’est peut-être la limite qu’il y a entre une communication de marque et une communication politique. Jean-Luc Mélenchon souhaite être élu par le suffrage universel, même si le terme peut être galvaudé. Montrer du doigt une partie de la population en les excluant peut-être un peu dérangeant. C’est d’ailleurs ce que fait l’extrême droite en montrant du doigt une autre partie de la population.
Pour l’un, ce sont les étrangers, pour l’autre, ce sont les riches.
Le terme « riche » n’est d’ailleurs qu’une notion.
En 2021, le salaire médian est de 1789 € en France.
50 % des Français sont au-dessus de ce salaire et 50 % sont en dessous.
À quel moment peut-on dire qu’on est riche ?
D’après les données de la Banque Mondiale, la France arrive 16ème sur 162 pays dans le classement des salaires moyens du monde.
Avec 1789 €, sur la majeure partie de la planète, la qualité de vie est plutôt bonne, voire très bonne dans certains pays.
Évidemment, je ne cherche pas à dire que 1789 € sont suffisants pour pouvoir vivre de la manière que l’on souhaite. Je veux juste démontrer que le terme riche ne veut rien dire.
Ou plutôt, il veut dire ce que l’on a envie d’entendre.
Pour avoir une bonne image de marque, il est préférable d’être raccord avec le message diffusé par celle-ci.
Selon l’INSEE, le patrimoine médian d’un cadre supérieur ou d’une profession libérale à l’âge de la retraite est 396 000 €.
Jean-Luc Mélenchon qui définit les riches comme ennemi, affiche un patrimoine plus élevé que celui d’Emmanuel Macron ou de François Fillon, ses principaux concurrents à l’élection 2017.
En patrimoine net, il atteint 965 000 €.
Un seul autre candidat à la présidentielle de 2017 affiche un patrimoine supérieur, Nicolas Dupont-Aignan.
Alors, je vois déjà les pro Mélenchon s’exciter dans les commentaires et les anti Mélenchon s’exciter pareillement dans les commentaires.
Je cherche simplement à poser des faits sur des stratégies de communication.
Dans le cas précis de l’ennemi déclaré par Jean Luc Mélenchon, les riches, le terme ne semble pas clair.
Le mieux est d’aller carrément jusqu’au bout du raisonnement en donnant un chiffre précis de ce qu’on tente d’appeler « un riche ».
D’autres hommes politiques ont essayé de nommer les riches, mais le sujet est délicat.
Qui est riche ou ne l’est pas tout dépend de là où on met le curseur. Toute la difficulté est là. La même notion est attribuée lorsqu’une entreprise vend ses produits.
Un segment de la population peut trouver les produits chers et un autre peut les trouver abordables.
Par exemple, la marque Action propose une multitude de petits produits avec des prix très bas. Ses clients sont en l’occurrence toute la population française en âge de voter.
A contrario, la marque Rolex a très peu de produits, une quinzaine, avec un prix plutôt élevé.
Sa stratégie est d’avoir peu de clients mais très engagés.
J’ai rédigé un article où j’analyse en détail l’image de marque de Rolex.
Si vous voulez augmenter l’influence de votre marque ainsi que le prix de vos produits, je vous invite vraiment à lire cet article en détail.
LA TÉLÉ DE JEAN-LUC
Lors d’une élection présidentielle le temps de parole de chaque candidat sur les médias nationaux est compté afin de refléter la réalité du paysage politique français.
Les réseaux sociaux n’en font pas partie.
Sophia Chikirou, conseillère en communication et Antoine Léaument, responsable de la communication, orientent Jean-Luc Mélenchon pour faire de sa chaîne YouTube un véritable média.
La chaîne de Mélenchon existe depuis 2012 mais est approvisionnée au coup à coup.
Aucune stratégie ni de contenu éditorial n’en ressort.
Sophia Chikirou et Antoine Léaument travaillent sur un concept d’émission, « Esprit de campagne ».
L’intérêt est triple : Développer les idées de La France Insoumise, créer un rendez-vous et ajouter de la proximité.
En France, un internaute sur deux entre 16 et 44 ans se rend sur YouTube tous les jours. Et parmi eux, les deux tiers visionnent du contenu plusieurs fois par jour.
Jean-Luc Mélenchon détourne les codes pour se les réattribuer.
Bien qu’il ait plus de 60 ans et qu’il soit issu d’un parti vieillissant, Mélenchon devient un homme moderne connecté et accessible.
La revue de la semaine est une revue quotidienne sur YouTube pour aborder des sujets d’actualité trop peu traités par les médias.
Jean-Luc Mélenchon traite du sujet et répond aux questions des internautes qui s’avèrent être au passage plus pertinentes que celles de certains journalistes.
La chaîne YouTube affiche une transparence avec une émission spéciale sur le chiffrage du programme afin de transmettre le maximum d’informations non seulement aux membres de La France Insoumise, mais également à toute personne intéressée par les élections présidentielles.
Jean-Luc Mélenchon a su choisir la bonne personne avec Antoine Léaument.
Il connaît bien le média puisqu’il l’utilise régulièrement avec sa propre chaîne.
Il adopte des formats plus courts, plus rythmés qui reprennent les codes des YouTubeurs.
Jean-Luc Mélenchon mêle ainsi parfaitement le physique au virtuel.
Internet n’est que l’extension du physique.
Comme échange, rien ne vaut une poignée de main, les yeux dans les yeux.
Et pour augmenter ce nombre de poignées de main, il faut augmenter la portée de son message. D’où l’intérêt de cette stratégie de communication avec au centre YouTube.
Beaucoup pensent que l’automatisation et la digitalisation sont ce qu’il y a de plus important à mettre en œuvre dans une entreprise.
C’est important mais pas primordial.
Le plus important reste la relation qu’on tisse avec un prospect et un client. Si aujourd’hui vous avez des produits qui fonctionnent, mais que vous n’avez pas de rencontre en physique, pensez à en créer.
Il y a plein de formats possibles.
Les rencontres physiques permettent de tisser un lien bien différent que le lien numérique.
L’être humain est conçu pour avoir des interactions humaines réelles et non juste virtuelles.
Imaginez-vous une vie où vous seriez 24 heures sur 24 enfermé chez vous, à travailler à distance, à faire ses courses à distance, à voir votre famille à distance.
On arriverait très rapidement à de très nombreuses dépressions.
On a d’ailleurs pu le voir avec le confinement suite à la pandémie du Covid-19.
Développer différents formats pour la chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon s’avère être un pari gagnant.
Jean-Luc Mélenchon devient donc ainsi le premier homme politique YouTubeur.
En procédant ainsi il feuilletonise sa vie politique.
Ce n’est pas le premier homme politique à céder à la mise en scène de sa vie médiatique.
Nicolas Sarkozy avait utilisé les mêmes stratégies, mais uniquement avec la télévision : on se souvient tous de la scène du jogging tout en étant filmé et photographié.
La chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon est un réel succès avec 521 000 abonnés pour 1076 vidéos en mai 2021 et presque 3 millions de vues dans les 30 derniers jours qui précèdent la rédaction de cet article.
Pour avoir ces statistiques, j’ai utilisé l’outil SocialBlade qui est un outil gratuit pour avoir plusieurs indicateurs sur les chaînes YouTube.
En me penchant de plus près sur les chiffres de la chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon, j’ai pu observer quelques événements étranges.
Plusieurs périodes, sur plusieurs mois sont à zéro abonné et sur plusieurs périodes plus longues, il perd continuellement des abonnés. Pendant cinq mois de mai à septembre 2019, il perd tous les jours des abonnés. Et de novembre à janvier 2019, la chaîne YouTube alterne entre zéro et (précisément)1000 abonnés chaque mois.
C’est quasiment inédit de voir une grosse chaîne qui plafonne pendant une période assez longue avec 0 abonné.
C’est aussi assez inédit de voir des chiffres ronds se reproduire mois après mois, gagner 1000 abonnés chaque mois.
Si c’était un rappeur, cela ferait longtemps qu’il y aurait eu des soupçons d’achat d’abonnés pour gonfler sa chaîne.
Je parle plus en détails de ce sujet dans l’article « Skyrock, l’industrie du mensonge ».
C’est très intéressant de voir comment les chiffres sont interprétés.
Tout à l’heure on a vu que Jean-Luc Mélenchon est parodié avec des mèmes sur Twitter permettant d’augmenter la diffusion de son message.
Un mème est un élément ou un phénomène qui est repris est décliné en masse sur Internet. C’est une parodie d’un événement.
C’est également le cas sur YouTube où de nombreux YouTubeurs reprennent les vidéos de Jean-Luc Mélenchon pour les insérer dans un autre contexte.
La chaîne YouTube de Khaled Freak avec 915 000 abonnés, connu pour ses remix, a mis en musique le discours de Mélenchon à Tourcoing.
Le remix fait par cet artiste culmine à plus de 6 millions de vues avec plus de 8000 commentaires alors que le discours original, sans remix, n’avoisine que les 100 000 vues sur la chaîne de Jean-Luc Mélenchon.
Ce type de communication, même drôle, permet d’étendre la surface d’impact du discours, de propager encore plus les idées (le produit) de la marque Mélenchon.
2PAC POUR EXEMPLE
Avec sa chaîne YouTube Jean-Luc Mélenchon possède un média fort et récurrent qu’il peut utiliser à outrance pour diffuser son message.
Mais il frappe encore plus fort en étant complètement innovant.
En avril 2012, au festival californien de musique Coachella, se passe un événement qui va influencer, indirectement, l’équipe de La France Insoumise.
Le festival retransmet une prestation scénique du rappeur mort en 1996 Tupac Shakur alias 2Pac, avec un hologramme.
Le rappeur reprend vie pour interpréter deux de ses succès devant un public ébahi.
La même année le premier ministre indien, Narendra Modi, utilise la même technique pour parler aux électeurs.
Deux ans plus tard, en Turquie, Recep Tayyip Erdogan utilise également un hologramme pour s’adresser à l’électorat.
La société Adrénaline Studio, qui est spécialiste dans la création digitale tous supports, travaille de concert avec l’équipe de La France Insoumise pour utiliser le procédé pour des discours de Jean-Luc Mélenchon.
Pour un coût qui avoisine les 50 000 €, Jean-Luc Mélenchon va pouvoir asseoir sa stratégie de communication digitale amorcée avec sa chaîne YouTube.
En février 2017, il réalise un coup de communication bluffant en innovant totalement avec son hologramme projeté en meeting à Paris alors qu’il en tenait un autre au même moment à Lyon.
Mélenchon est un leader innovant qui n’a pas peur du défi puisqu’il va encore plus loin que les trois exemples précédents d’hologramme que je vous ai cités puisqu’il est en direct.
La prestation n’est pas préenregistrée.
Il fait son discours en direct à Lyon et son hologramme est à Paris devant une foule stupéfaite.
Il ne se contente pas d’importer des stratégies innovantes qui ont fonctionné ailleurs, il va plus loin. Comme on dirait par chez moi, il a une sacrée paire de corones.
La recette Mélenchon comporte ici deux ingrédients clés.
La première, aller chercher des talents extérieurs à son cercle habituel comme Sophia Chirikou ou la société Adrénaline Studio.
La seconde est d’observer ce qu’il se passe dans d’autres industries et pays afin d’adapter les stratégies de communication à son image de marque.
Dans le cas de Jean-Luc Mélenchon, il souhaite être un homme plus moderne pour aller toucher des électeurs plus jeune et ça marche.
Le 18 avril, il renouvelle même l’expérience puisqu’il tient à Dijon un meeting qui est retransmis avec 6 hologrammes dans six autres villes, Montpellier, Grenoble, Nancy, Nantes, Clermont-Ferrand et Le Port à la Réunion.
C’est un exploit technique qu’on verra certainement à nouveau dans les prochaines élections présidentielles.
Souvenez-vous du schéma du nivellement du marché : une innovation arrive, disrupte le marché. Le marché observe puis se met au niveau de l’innovation.
SUPER JEAN-LUC BROS
Chaque article que je produis me nécessite à peu près quatre jours de travail entre les recherches, l’écriture, la mise en forme et la relecture. J’essaie toujours de fournir un maximum de qualité et d’informations dans ces livres. Il est hors de question de produire du contenu jetable avec peu de travail de fond. Il en va de mon image de marque.
J’essaie toujours d’être le plus neutre possible dans ma rédaction afin d’être le plus impartial possible.
Mon point de vue importe peu. Seul compte les éléments et les faits que je peux vous apporter. Mais pour une fois, je vais faire exception.
Le point précis dont je vais vous parler maintenant est l’argument N°1 qui m’a donné envie d’écrire cet article. À l’époque quand j’ai assisté à ça franchement, j’étais sur le cul.
C’était génial, bien pensé, innovant, disruptant … Bref, je n’ai pas assez de superlatif.
En décembre 2016, les sympathisants de La France Insoumise souhaite mieux coordonner les actions du parti. Il crée le « Discord insoumis ».
Discord est une plateforme de discussion en ligne, sur navigateur ou smartphone, similaire à un forum avec différents salons de discussion.
Au début, ils sont peu nombreux, entre 30 et 50 participants. Le Discord arrive très rapidement à 15 000 personnes qui interagissent régulièrement.
Ce type de communication via des salons de discussion est très prisé des gamers.
Là aussi, on peut voir que la communication innovante de Jean-Luc Mélenchon avec son équipe de jeunes talents permet d’aller toucher de nouvelles personnes qui vont elles-mêmes participer à la propagation du message.
Plusieurs jeunes qui utilisent Discord commence alors à parler de l’élaboration d’un jeu vidéo avec pour personnage principal Jean-Luc Mélenchon.
C’est la naissance de Fiscal Kombat.
Ce jeu vidéo reprend tous les éléments de la marque Mélenchon en y ajoutant du fun, et de l’innovation.
Dans ce jeu de plateforme, Jean-Luc Mélenchon avance tout en secouant des banquiers pour récupérer de l’argent. Lorsqu’il les secoue, ils font tomber des liasses de billets que Mélenchon peut ramasser, un peu comme les pièces de Super Mario.
Il y a des boss de fin de niveau qui sont incarnés par les ennemis politiques de Jean-Luc Mélenchon : Christine Lagarde, Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron, Patrick Balkany ou encore Jérôme Cahuzac. Lorsque Mélenchon ramasse suffisamment de liasses de billets, il a la possibilité d’utiliser un super pouvoir qui lui permet de se transformer en Super Mélenchon, un peu comme Son Goku dans Dragon Ball Z.
Le jeu est bourré de références et on sent encore la pop culture influencer ce jeu vidéo.
Fiscal Kombat n’a pas été planifié par l’équipe de La France Insoumise mais créé par des sympathisants. Ses sympathisants n’auraient sans doute pas créé ce jeu vidéo sans la campagne très digitale et innovante de Jean-Luc Mélenchon.
C’est une conséquence directe du succès de la stratégie de communication de la marque Mélenchon.
Je me souviens qu’à l’époque quand j’ai vu le jeu vidéo, j’ai joué presque une heure tellement j’ai trouvé ça fascinant.
Le jeu est bien fait car on peut consulter à plusieurs moments le programme de La France Insoumise. La boucle est bouclée.
Bien que Fiscal Kombat ait été créé en marge, La France Insoumise intègre le jeu vidéo dans cette stratégie de communication.
Le jeu est fun et reprend les codes de la culture geek, pour les jeunes.
Le jeu propage le message avec le programme de La France Insoumise.
Le jeu nomme les ennemis avec les banquiers et divers ennemis politiques.
Certaines petites phrases des opposants sont même reprises lorsque Jean-Luc Mélenchon affronte les boss de fin de niveau. Comme la célèbre phrase de Jérôme Cahuzac prononcée devant l’assemblée : « Je n’ai pas, Monsieur le Député, de compte à l’étranger ni maintenant, ni avant ».
Cette stratégie permet au passage de tacler l’ancien parti de Jean-Luc Mélenchon, le parti socialiste.
Jérôme Cahuzac, condamné pour fraude fiscale, était ministre du budget de François Hollande, socialiste, qui voulait combattre la finance.
C’est la première fois en France qu’un jeu vidéo est utilisé comme support de propagande lors d’une campagne électorale.
LE CHANGEMENT DANS LA CONTINUITÉ
La campagne électorale de 2017 de Jean-Luc Mélenchon est très intéressante au niveau du développement d’une image de marque. Bien qu’il soit issu d’un ancien monde complètement arc-bouté sur ses convictions et sa manière de communiquer, Jean-Luc Mélenchon a su tirer son épingle du jeu.
En alliant l’intelligence d’esprit d’aller chercher à l’extérieur de ce qu’il connaissait de nouveaux talents qui lui ont permis d’aller vers de nouveaux territoires de communication, la marque Mélenchon s’est renforcée par une présence accrue sur les réseaux sociaux. Mais pas n’importe quel type de présence.
Une présence structurée et réfléchie. La stratégie dans la communication de votre image de marque est primordiale. À aucun moment il s’agit de faire les choses à la va vite. La vision est plus importante que le chemin.
Chaque outil qu’utilise Jean-Luc Mélenchon représente un rouage de la machine globale.
YouTube qui est au cœur du système, devient un système de communication récurrent.
Si aujourd’hui vous devez développer en priorité une communication sur un réseau social, privilégiez YouTube.
Vous pouvez développer du contenu long et qui sera référencé.
Privilégier du contenu de qualité et réfléchi est prioritaire par rapport à du contenu jetable comme on en voit malheureusement beaucoup trop sur YouTube.
Les hologrammes, cette stratégie innovante a permis non seulement de marquer les esprits mais aussi de pouvoir parler au plus grand nombre dans un même laps de temps.
Et enfin la cerise sur le gâteau, le jeu Fiscal Kombat.
En reprenant tous les codes de la marque Mélenchon, en les fusionnant avec un univers totalement différent, cela donne un cocktail unique qui peut être consommé par beaucoup de personnes.
Si on pouvait résumer la stratégie de Jean-Luc Mélenchon en plusieurs points, voici ce qu’il faudrait retenir :
- réfléchir à la vision et non à la stratégie.
- aller chercher des talents à l’extérieur de son cercle pour stimuler la créativité de sa société
- regarder des marchés équivalents dans d’autres pays afin d’importer les stratégies qui ont fonctionné à l’étranger
- utiliser YouTube, en s’attribuant les codes de la plateforme, comme un rendez-vous de qualité et structuré.
Pour devenir un des leaders incontournables de son marché, Jean-Luc Mélenchon a compris qu’il ne sert à rien de devenir l’énième copie d’une copie sinon on se transforme, en photocopieur.
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